Quelques
réflexions à propos de mesures
judiciaires qui n’existent pas
Alain Thiery
La
question de
l’impossible, appliquée à ma pratique, m’a renvoyé à ces mesures que
j’exerce à
la demande des Juges aux affaires familiales et auxquelles a été donné
le nom
de mesure d’accompagnement. Il s’agit le plus souvent de rencontrer un
parent,
divorcé, séparé, ainsi que son enfant avec lequel il connaît une
rupture,
situation qu’il faudrait tenter de faire évoluer. La particularité de
cette
mesure tient au fait qu’elle n’existe pas en droit ; elle est une
sorte de
bricolage, une invention de magistrats qui détournèrent le dispositif
de
l’enquête sociale, bien inscrit dans le droit celui-ci, pour faire face
à des
situations pour lesquelles, légalement, il n’existe aucun outil à
disposition. Le
juge aux affaires familiales règle, comme son nom l’indique, les
contentieux
familiaux ; il est juge du divorce, de la séparation, chargé de
trancher à la
lumière de la loi, les questions qui lui sont soumises,
particulièrement celles
qui concernent les conséquences de la rupture conjugale, dans
l’exercice de
l’autorité parentale et dans la prise en charge des enfants conçus en
commun.
Il doit donc prendre des décisions, souvent pour départager des
ex-conjoints
qui se déchirent, l’enfant devenant l’enjeu de leur conflit. Il
dispose, pour
l’aider dans ses décisions de peu d’outils, des mesures dites
d’instruction,
principalement l’enquête sociale et l’expertise psychologique ou
psychiatrique.
Sa décision rendue, ce juge n’a pas vocation à suivre l’évolution de la
situation, et s’il renvoie parfois les débats à une prochaine audience,
ce
n’est que dans le but de trancher plus durablement, à la lumière des
mesures
d’instructions ordonnées
Mais
s’il a la
lourde charge de décider au mieux de ce que serait l’intérêt de
l’enfant, en
s’appuyant sur le droit, éventuellement après avis d’experts, la
pratique le
confronte à un certain nombre d’impasses. Certains s’accommodent sans
doute de
cette affaire en voulant ignorer les conséquences de décisions
inapplicables,
quand d’autres ont pris acte de l’impossible parfois, cherchant à ce
qu’il soit
mis au travail, dans un autre lieu que celui judiciaire, mais toujours
sous
leur contrôle. /p> Le
point
d’impossible d’où cette mesure tire son origine, tient donc à ce que
dans leur
pratique, les magistrats se voient parfois confrontés à des situations
familiales où la rupture s’est déplacée, pour concerner, non plus
seulement les
ex-conjoints mais aussi l’un d’eux avec l’enfant qui refuse de le voir,
parfois
depuis de longs mois. /p> L’article
373-2
du Code Civil stipule que La
séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution
de
l'exercice de l'autorité parentale. Chacun des père et mère doit
maintenir des
relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci
avec
l'autre parent. Au regard de cet
article, le juge aux
affaires familiales doit donc trancher entre deux adultes afin
d’organiser la
manière dont chacun jouera désormais son rôle auprès de l’enfant. Mais
les
choses se compliquent puisque la loi précise aussi que, Lorsqu'il
se
prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité
parentale, le juge prend notamment en considération [….] les sentiments
exprimés par l’enfant mineur… (art 373-2-11 cc)
L’impossible
tient donc parfois ici à ce qu’à écouter « les
sentiments » de l’enfant qui souvent ne se prive pas de
les dire, le magistrat, sauf à vouloir ignorer les conséquences de sa
décision,
ne peut pas faire comme s’il n’avait rien entendu, en se référant à la
seule
‘’injonction’’ : « …
Chacun des
père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant…
».
Et lorsque l’enfant refuse de rencontrer son parent, le juge ne peut
pas non
plus rejeter purement et simplement la demande de celui qui légalement
est
fondé à vouloir maintenir des liens. Il y a donc là une possible
dissonance que
le droit lui-même introduit
Certains
magistrats, tentent alors un pas de côté, en s’appuyant sur un autre
professionnel, non plus au titre d’une expertise, mais avec pour
mission de
proposer à la famille d’accomplir un bout de chemin visant, sinon une
résolution du problème, au moins une mise au travail de ce qui fait
impasse
C’est
cette mise
au travail à laquelle je m’emploie donc dans ces mesures, le plus
souvent en
proposant pour commencer – et parfois nous en resterons à ce seul
niveau – un,
voire quelques entretiens avec le parent et l’enfant concernés
Il me
faut en
premier lieu composer avec le jugement, auquel je dois me référer
suffisamment,
tout en intégrant la part d’impossible qu’il peut contenir, lorsqu’il
me donne
pour mission notamment de « favoriser
la reprise d’un dialogue et de relations de confiance entre l’enfant et
son parent… ».
Car ce qui est a priori attendu par le magistrat, à savoir que quelque
chose
d’un « dialogue et de relations de
confiance » se rétablisse, est parfois tout bonnement
inenvisageable,
au moins pour l’un des protagonistes Aïcha
a 12 ans
et demi lorsque je fais sa connaissance. Ses parents ont très peu vécu
ensemble
et sa mère s’est trouvée enceinte alors qu’elle ne s’y attendait pas,
dit-elle.
S’il en est un qui n’était pas préparé à cette idée d’un enfant, c’est
bien le
père, qui ne vit rien venir, ou peut-être ne voulut rien voir. Car il
me confie
pourtant, avoir entrevu à l’époque chez sa compagne comme un certain
désir
d’enfant. L’affaire dit-il avait
« mal commencé… je voulais pas
d’enfant… j’étais jeune ». Il se sentit « déboussolé »,
voulut que sa compagne « avorte », ce qui
n’était en rien
dans les intentions de celle-ci. Il la quitta, avant de revenir, pris
de
remords, mais aussi vraisemblablement, sous l’emprise de facteurs
culturels et de
la pression familiale. « Pourmoi,
c’était quand même mon bébé »
dit-il ; il n’imaginait pas « abandonner »
sa fille, qu’il reconnut donc. /span> La
mère quant à elle, décrit le père comme un homme immature, qui vivait
à ses dépends et dont elle se lassa rapidement. Peut-être lui avait il
donné
finalement ce qu’elle voulait, cet enfant qu’elle dit n’avoir pas
désiré, au
moins consciemment serai-je tenté d’ajouter. Elle le quitta alors que
la
fillette n’avait qu’un mois et demi
La
suite, c’est l’autorité judiciaire qui en décida, reconnaissant au
père, contre l’avis maternel, un droit d’accueil de sa fille un
week-end sur
deux, chez ses parents où il s’était réinstallé. Aïcha n’avait
quasiment jamais
vu cet homme lorsque sa mère dut la déposer pour un week-end chez des
grands-parents qu’elle ne connaissait pas plus ; elle avait à peine un
an et
demi. La scène fut semble-t-il mémorable, la mère éplorée laissant une
fillette
en larmes, auprès d’un père sidéré : « voir tout
le monde pleurer… j’étais perdu dans tout ça »
dit-il. Cet incident semble avoir inauguré une longue série de
rencontres
impossibles
Pendant
les douze années qui suivirent en effet, Aïcha dut, à fréquence
plus ou moins régulière, se rendre chez ses grands-parents, avec
lesquels elle
semble avoir résisté à créer le moindre lien : « je
voulais pas leur parler… j’ai pas la même religion qu’eux… je
restais près de la fenêtre », à guetter l’arrivée de sa
mère ;
« je me sentais exclue… je voulais
pas être là-bas… je m’excluais
un peu aussi, parce que je voulais pas être avec eux… j’aurais préféré
être du
côté de maman ». Elle y rencontrait son père épisodiquement,
un homme
qui lui-même se dépeint comme déprimé à cette époque - « je faisais
le bilan de ma vie… zéro patate »
- ne faisant alors chez ses parents que quelques passages éclairs, et
affichant
toute son incapacité à nouer une relation avec la fillette :
« je la voyais, je savais même pas quoi faire
avec elle »
Aïcha,
happée par le désir maternel et dissuadée par un père dans
l’incapacité de se reconnaître à cette place, conçut une représentation
particulièrement négative de cet homme : « il
sait rien sur moi… c’est comme si j’étais pas sa fille… pour moi,
c’est pas un père ». Elle attend qu’il « sorte
de ma vie… je veux plus le voir »
Pourtant,
parfois, elle fit peut-être quelques tentatives vers lui. Un
jour par exemple, elle voulut « pour
entamer la conversation…, pour essayer », lui expliquer
qu’elle avait
« un amoureux. Mais dans
une grande maladresse, lui lança, pour toute réponse, que ce n’était
pas de son âge.
Aïcha
lui a d’ailleurs trouvé un remplaçant, en la personne du mari de sa
mère, un homme qu’elle connaît depuis qu’elle a quatre ans et que,
« je […]considère comme mon vrai père ».
C’est dans le rapport à cet homme qu’elle semble avoir bricolé une
certaine
construction œdipienne. A l’école, dans son club de gymnastique, elle
se fait
appeler du nom de ce père de remplacement, avec, il faut bien le dire,
une
certaine bénédiction maternelle. Aïcha attend avec impatience qu’il
l’adopte. A
sa mère et à cet homme, elle interdit de révéler aux trois enfants
qu’ils ont
eus ensemble, sa différence de filiation paternelle
La
saisine du juge aux affaires familiales fut de l’initiative de Madame
qui refuse après douze ans de souffrance, de contraindre Aïcha à se
rendre chez
les grands-parents. Elle soutient que le père n’est rien pour
l’adolescente,
pas plus que les grands-parents d’ailleurs, des gens « qu’elle
n’aime pas et qu’elle ne considère
pas comme sa famille ». Elle semble attendre de moi que
j’entende
Aïcha et que je porte sa parole auprès du Juge, afin de se voir
définitivement
débarrassée de ce grain de sable dans la chaussure de son ‘’bonheur
familial’’
reconstruit : « je veux que ce
soit elle, que ce soient ses choix… je l’ai tellement forcée à y aller…
elle
m’en voulait énormément… je me la suis tellement mise à dos… j’ai plus
le droit
de la forcer sur ce sujet là » Monsieur
convient volontiers qu’il ne fut pas à la hauteur de la tâche auprès
d’une
enfant dont il reconnaît implicitement, n’avoir consenti à se déclarer
le père
qu’au regard d’exigences culturelles et des pressions de son entourage,
sa mère
en particulier. Probablement n’aurait-il pas insisté s’il n’y avait eu
cette
mère, et le poids surmoïque de la culture : « moi,
je voulais tout laisser
tomber ». Aujourd’hui,
il réalise que « la petite me
déteste » et ne sait comment se débrouiller avec cette
situation
inextricable. D’autant qu’il connaît par ailleurs des tensions avec sa
compagne
actuelle, qui le presse pour concevoir un enfant, ce à quoi il ne peut
consentir : « si j’ai pas réglé le
problème avec Aïcha, je peux pas faire un autre enfant ». Quel
est
donc ce ‘’règlement’’ qu’il attend ? /span>
Il
vient me voir – toujours sous une certaine pression familiale – avec
un maigre espoir de voir évoluer la situation, pourtant sans vraiment y
croire
; il s’attend à entendre « des
choses que j’ai pas envie d’entendre », des reproches ;
il
n’imagine pas « forcer »
Aïcha, ne tient pas à lui « gâcher
la vie ». Il espère qu’elle changera d’avis dans les années à
venir,
comme si cette éventualité l’aidait à supporter l’impossible de leur
rencontre
Une
seule entrevue aura lieu, en ma présence, au cours de laquelle
l’adolescente,
ne s’adressant quasiment pas à son père, martèlera son refus de tout
contact
avec lui : « j’ai pasdemandé à
être à ce rendez-vous… on m’a
forcé à venir… j’ai rien à lui dire… ça fait treize ans que ça dure… on
n’a pas
de lien…. Il se passe rien entre nous ». Droite sur sa chaise,
elle
prend cet air déterminé ; elle veut rompre avec celui qu’elle ne
considère
pas comme son père ; elle est venue pour le dire et ne veut rien
entendre
des arguments qu’il développe pour tenter d’expliquer son propre mal
être. Et
lorsqu’en fin de rencontre, j’évoque l’éventualité d’un autre
entretien, sa
réaction ne se fait pas attendre ; il n’en est pas question ;
l’affaire est close, elle a dit ce qu’elle avait à dire et ne viendra
plus
« Ça s’est pas arrangé, c’est
encore pire que ce que je pensais » me dira Monsieur la fois
suivante,
en évoquant les reproches sans concession que lui asséna sa fille.
Notre
dernier entretien sera pour lui l’occasion de revenir sur ces douze
années
pendant lesquelles il ne parvint jamais à se mettre à cette place
paternelle
qu’il n’avait pas désirée. Il évoquera aussi son trouble lorsqu’il
entendait
qu’à cette même place impossible à tenir, sa fille y mettait un autre,
le
compagnon maternel en l’occurrence : « elle
disait papa, moi, ça m’achevait ». Il reviendra aussi
longuement sur son sentiment d’humiliation face au regard
désapprobateur d’un
entourage qui ne transige pas avec la morale, la tradition, et veut
ignorer un
certain ‘’bien dire’’ auquel il semble s’essayer ici ; sa mère qui
le
prévenait – « tu vas perdre ta fille »
- son avocate aussi qui tentait de le convaincre de ne pas « laisser
tomber » et lui intimait
l’ordre de se « battre »
A ses
parents, Monsieur n’aura rien dit de l’évolution de la situation et
notamment de la rencontre avec Aïcha en ma présence ; pour cela,
« j’attends la fin »
Ce
point final, apparaît comme un point de butée – « on
peut rien faire » dit-il – un
point d’impossible que même l’institution judiciaire ne peut l’aider à
contourner : « la Justice va
pas m’aider ». Pourtant, il attend encore après la prochaine
audience
– « au mois de mars je serai à peu
près fixé » - comme s’il subsistait peut-être un espoir pour
lui
d’être, par une décision du juge, dégagé de sa propre responsabilité
En
quittant mon cabinet ce jour là, il me remercie. Mais de quoi ?
Certainement pas d’avoir, comme la mission me le commandait, favorisé
la reprise d’un" dialogue et" relations de confiance L’impossible
s’impose aussi à Aïcha par le réel de sa conception qui la
fait fille de cet homme. Elle a beau ne pas le reconnaître comme tel,
et rejeter
avec lui toute la branche paternelle, elle est pourtant bien le produit
de la
rencontre sexuelle entre lui et sa mère. Ce réel, Aïcha semble vouloir
l’ignorer, le contourner peut-être ; elle ne se contente pas
d’avoir
trouvé en la personne du mari de sa mère, un père qui fasse fonction.
Elle veut
le substituer au père réel, s’inscrit sous son patronyme, avec
d’ailleurs
semble-t-il une certaine complicité de sa mère, du corps enseignant,
des
dirigeants du club de gymnastique… Elle exige depuis des années, de sa
mère et
du mari de celle-ci, qu’ils taisent à leurs enfants, sa filiation
différente.
La
saisine du juge, l’adolescente se l’approprie : « j’ai
fait des démarches en allant pendre un
avocat, en allant voir un Juge…. Venir me voir, puis
rencontrer son
père en ma présence, apparaît finalement comme un mode de règlement de
cette
affaire qui n’a que trop duré et à laquelle elle affirme vouloir mettre
un
terme définitif, comme si de ce père, elle espérait s’en débarrasser
non
seulement du point de vue de l’obligation qui lui était faite de le
rencontrer
jusque là, mais aussi purement et simplement en l’effaçant, en le
rayant de la
carte, comme si son existence même et sa trace symbolique, pouvaient se
voir
annulées
Du
côté de la mère, c’est aussi une forme d’impossible que celle-ci
semble chercher à contourner, en soutenant sa fille, et peut-être même
en l’y
incitant plus ou moins consciemment, à rayer le père biologique et
légal. Elle
multiplie les exemples afin de faire la démonstration de ce qu’à cette
place,
jamais il ne s’y colla ; elle abonde avec Aïcha dans le déni de sa
filiation - « elle oublie elle-même
qu’elle s’appelle B… » - et dans le maintien du secret auprès
de ses
autres enfants. Mais elle a beau cautionner tous les dénis du monde et
accomplir
toutes les démarches en Justice pour faire valoir la position de sa
fille, il
est bien un réel qui ne saurait être gommé, celui de sa rencontre
sexuelle avec
cet homme, et dont Aïcha est issue. Et dans cette affaire, elle y
engagea elle
aussi son désir, fut-il inconscient
Notre
dernier entretien portera en partie sur ce secret qu’elle maintient
auprès des plus jeunes, quant à la filiation paternelle de leur sœur,
au motif
que celle-ci le veut. La levée du secret dépend d’Aïcha, c’est elle qui
veut en
décider. Je l’interroge alors ; pourquoi laisse-t-elle à sa fille,
la
responsabilité d’une décision qui ne relève évidemment pas
d’elle ?
Qu’est-ce que ce collage à la demande d’Aïcha vient dire ? Ma
question
semble la faire vaciller un peu et elle acceptera finalement l’idée que
je lui
suggère ; peut-être devrait-elle en parler avec son mari
En
quittant les lieux, elle aussi me remercie, de l’avoir écouter, ainsi
que sa fille. Je suis d’abord tenté d’entendre ce remerciement comme
l’expression de sa satisfaction ; elle a compris que je ne
proposerai pas
au magistrat de continuer d’imposer un droit de visite. Finalement,
elle aura
probablement ce qu’elle veut, à savoir la libération de sa fille (et la
sienne)
des contraintes liées au père. Mais ce remerciement vient-il seulement
souligner une ‘’victoire’’ qui s’annonce ? N’est-il pas à entendre
aussi
comme un possible effet de notre dernier échange et de ce qu’il aurait
pu
ouvrir, pour elle ? C’est une question Cette
mesure d’accompagnement n’aura en rien permis une quelconque
réconciliation entre Aïcha et son père. Bien au contraire, elle en aura
mis en
évidence tout l’impossible. Si l’on s’en tient exclusivement ici à une
évaluation
en rapport avec un projet prédéterminé, selon les modalités qui se
généralisent
aujourd’hui dans le secteur social et médico-social, on ne pourra que
conclure
à l’échec de cette mesure. Pourtant, est-ce à dire que le travail en
lui-même
aura été inutile ? Est-ce à dire que les rencontres avec ces
personnes
auront été vaines ? Je ne le crois pas. N’est-ce pas l’une des
particularités du travail social que de ne pouvoir prédire les effets
de son
action, autrement dit les effets d’une rencontre intersubjective
support au
déroulement d’un dire dont on ne peut qu’espérer, sans garantie aucune,
qu’il
produise quelque réaménagement dont il faudra de surcroît supporter de
ne rien
maîtriser du sens dans lequel il adviendrait ?
Le
terme d’accompagnement appliqué à ces mesures, pourrait être entendu
dans son acception musicale, c’est-à-dire comme une partition d’arrière
plan en
quelque sorte, destinée à soutenir, à mettre en valeur la ligne
mélodique. Ce
qu’il convient ici de soutenir, c’est à mon sens le trajet singulier de
chacun,
trajet qui parce que non prédéterminé, peut s’autoriser à se chercher
dans une
parole hésitante, incertaine. De l’impossible constaté, acté, vérifié,
un
possible pourra peut-être alors se dessiner
Je
crois que pour Monsieur particulièrement, quelque chose s’est tissé
dans une parole moins marquée par des injonctions surmoïques, qui
peut-être lui
permettront d’appréhender désormais le lien à sa fille, de façon moins
saillante. Il semble avoir pris acte de l’impossible à traduire en
relation, ce
lien imaginaire dans lequel il s’est longtemps situé à son égard. Un
certain
renoncement s’est peut-être inscrit
En
repensant à ces deux parents, c’est donc l’idée d’un apaisement qui
m’est venue, lorsque je mettais un point final à mon rapport. Aïcha
quant à
elle, en sortira-t-elle véritablement et durablement apaisée au-delà de
la
satisfaction à sa demande qu’elle obtiendra probablement ? Je
n’en sais
rien, et à vrai dire, je ne n’en suis pas si sûr, tant c’est elle qui
me semble
avoir résisté le plus nettement à toute entame d’un discours
parfaitement
huilé, laissant finalement peu de prise au doute, au questionnement