Mary
Le Caïnec A propos de " Structure et Clinique de la croyance " c'est
la question
de la créance que je veux poser, à partir de ces deux mots sur lesquels
je me suis arrêtée et qui font le titre de ce travail, c'est à dire la
croyance en tant qu'obligation et l'obligation de croire où se trouve
un parlêtre.
Créance et Croyance sont des doublets, deux prononciations différentes
du même mot qui désigne à la fois le fait de croire et la chose en
laquelle on croit.
Créance est la forme la plus ancienne, utilisée au temps de Descartes
et par lui même :
" J'ai reçu en ma créance, depuis mon plus jeune age, quantités de
fausses opinions pour véritables "
Si "je crois" a totalement remplacé l'ancienne forme verbale "je cres,
je crais", la forme ancienne du substantif "créance" reste utilisée de
nos jours dans le champ juridique.
Le terme Créance désigne " le droit d'exiger l'accomplissement d'une
obligation ". au nombre de ces obligations figure en bonne place
la dette dont on a le devoir de s'acquitter.
Les lettres de créances d'un diplomate sont elles aussi des
propositions qui demandent acceptation pour établir un pacte avec
l'autre dans lequel on croit, on croit en sa parole, on croit qu'il
tiendra parole.
Le mot Croyance nous mène vers un champ qui est celui de la conception
du monde, des idées, des convictions et des savoirs concernant toutes
choses, et pas seulement dans le domaine métaphysique ou eschatologique.
Croire c'est tenir ou admettre qu'une chose existe ou qu'une
proposition ou un énoncé est vrai.
Dans le rapprochement de ces deux mots qui paraissent aujourd'hui
éloignés, ce sont quelques questions, peut être banales, qui me
viennent par rapport à une clinique "sociale" aussi bien que notre
clinique.
Ma première question est celle de l'obligation (créance) - que le sujet
soit obligé ou qu'il se considère obligé de croire - et de la place ou
de l'instance à l'égard de laquelle il se trouve engagé.
Vient ensuite cette question posée dans l'analyse de l'importance que
la croyance a effectivement pour l'être humain, dans quelque chose qui
serait une nécessité ; pourrions nous ne pas croire ?
Et dans l'analyse aussi on peut poser cette question de ce qui fait que
tel sujet croit ou ne croit pas ;. que telle chose existe ou que
tel énoncé est vrai.
Qu'est ce que cela vient dire sur lui, sur son désir ?
Mais aussi dans quoi un sujet est il pris, en quelle place est il mis ?
Freud s'est intéressé à cette circonstance où, pour dire qu'une chose
existe ou qu'un fait est vrai, un sujet affronte déjà le problème de sa
propre perception .
Le " Je n'en crois pas mes yeux " n'est pas une formule vaine.
Et il reprend cette question, de ce qui fait que le sujet accepte de
croire sa propre perception, qu'il peut considérer comme " vraie " , ou
en douter, dans la crainte de sa propre illusion ou erreur. Mais
aussi bien l'hallucination le sujet peut y croire;
Lacan évoque dans le Séminaire XI " Les quatre concepts fondamentaux de
la psychanalyse " la démarche cartésienne et le doute méthodique dans
cette formule "De ce que je doute, je suis assuré de penser ".
Depuis sa naissance la philosophie a repris le débat sur la vérité et
la réalité et reposé au cours des siècles le problème de la croyance,
dans la suspicion ou la condamnation parfois, visant à la fois son
objet : croire quoi - cette chose existe ou cet énoncé est vrai - et
celui dont émane l'énoncé : - croire celui là qui me dit cette chose -
et aussi ce fait même : croire.
Pour Platon, il ne faut pas croire en la Doxa, opinion du vulgaire ou
de la masse, mais il faut rechercher la Vérité auprès d'hommes sages et
éminents.
Pour Hume, il serait permis de croire à des faits et assertions, pourvu
qu'ils puissent paraître vraisemblables ou probables.
Pour Kant l'opposition est fondamentale entre le caractère subjectif de
la croyance et le caractère objectif du savoir.
Descartes, lui, pose la nécessité du doute et d'un jugement critique
qui éviterait toute erreur.
Mais bien sûr, nous croyons depuis notre plus jeune age, comme
Descartes, en toutes sortes de choses ;.. même les plus incroyables
.. ; parce qu'on nous l'a dit ... ;.. c'est notre situation
humaine universelle ...
Dans notre clinique ce mot peut venir de façon inattendue, et je me
rappelle cet homme jeune qui venait pour une demande d'analyse ... Ce
furent ses premiers mots " Je suis croyant " et c'est la relation à son
père qu'il viendra interroger ...
Certains patients emploient le mot croire ou croyance là où on pourrait
attendre le mot penser ou idée. " Je n'ai pas les mêmes croyances que
les autres, je ne peux pas le dire, je n'ose pas parler ... Je me sens
coupable, j'ai peur qu'on me punisse " disait un patient.
" Ce ne sont pas mes croyances " disait curieusement cette femme qui
souffrait de croire aux discours et idées de sa mère.
Et c'est bien un paradoxe de la croyance pour le sujet humain divisé,
qu'à la fois elle est partie obligatoire de son rapport à l'autre et de
sa pensée propre, et que cette obligation, créance, posera problème,
symptôme lié au fait du langage.
Le schéma L ( Séminaire sur la Lettre volée, dans Les Ecrits) m'a
semblé utile pour articuler et analyser ce paradoxe de la croyance.
Dans le schéma L, Lacan dispose le circuit de la parole et du
signifiant par rapport au Symbolique et à l'Imaginaire qui se croisent.
L'inconscient est sur l'axe symbolique.
Il apparait bien que dans la réalité de l'échange langagier, le sujet
se trouve face à ces deux points - A et a' - A désignant le trésor des
signifiants et a' le semblable.
Comment ces deux points se distinguent-ils ou se confondent-ils ?
L'être humain - parlêtre - se trouve dès sa naissance immergé dans un
bain de langage.
C'est à travers les paroles de l'autre, la mère en premier en place de
grand Autre, et de ceux qui parlent autour de lui que le petit humain,
dès son plus jeune age en effet, va acquérir l'usage des signifiants et
les premiers éléments d'un savoir sur le monde, sur la vie, sur le
social qui l'entoure et où il peut s'inclure.
Cet autre, semblable, intervient dans une transmission, un héritage et
dans un transfert d'amour ou d'autorité ; et le petit humain est
obligé de croire.
Ce processus est souvent relancé par les questions de l'enfant ; et
sera dès le départ une réponse à son angoisse devant l'inconnu, on lui
donne quelques repères et une base essentielle pour la constitution
d'un certain nombre de savoirs, de sa pensée à venir.
L'enfant est obligé de croire par son attente propre, bien sûr, mais
aussi il est obligé de croire par l'attente de l'autre ; ne pas
croire pose problème.
Et je me souviens d'un père fort inquiet et désemparé " Je lui dis, il
me regarde droit dans les yeux, mais il ne me croit pas . "
Et bien après ce temps de l'enfance, cela reste le contrat de la parole
: celui qui parle demande que l'on croie en sa parole, qu'on croie en
lui, et cela même si sa parole est mensongère : il la dit pour qu'on la
croie.
Nous avons tous cru au père Noël et cela participe de notre univers
culturel.
Croire ou ne pas croire cette parole de l'autre situe le sujet par
rapport à l'autre.
La question de la tromperie de l'autre, ou de son erreur, vient
redoubler la question du sujet sur sa propre perception, ou la fera
oublier : on s'en remet à l'autre, l'erreur est la sienne.
Dans la clinique de l'adolescence, le problème de la croyance est un
des éléments qui recèle une grande violence, dans ce conflit entre les
parents qui désirent que l'enfant garde ce lien des pensées et idées
communes, et l'enfant qui a grandi et ne croit plus en eux comme avant.
L'adolescent rencontre d'autres figures, d'autres discours dans
lesquels il peut désirer croire ou se trouver pris, attiré, séduit.
C'est aussi un moment critique que ce temps où il va se détacher de ce
qui faisait vérité pour l'enfant, les valeurs en lesquelles il croyait,
valeurs héritées de ses parents, dont il veut se séparer.
Le problème de la croyance dans l'histoire humaine est bien sûr marqué
par ce fait toujours existant que la croyance peut être une obligation
- créance - à l'égard de l'autre, d'un pouvoir qui se donne le droit
d'y contraindre un sujet.
Croire l'autre ou croire comme l'autre est devoir d'obéissance, ne pas
croire , ne pas accepter une opinion comme vraie pour soi même - et pas
seulement sur le plan religieux, mais aussi bien sur le plan des
théories scientifiques ou d'autres domaines de la vie d'un groupe -
peut ainsi devenir une faute inacceptable, crime de lèse majesté, un
crime puni de prison - privation de liberté - de bannissement ou de
mort.
Croire ou ne pas croire comme l'autre fera lien ou conflit dans un
groupe familial ou social, et entre des groupes différents.
Et j'avais été d'abord surprise, puis fort intéressée par la démarche
d'un patient né en Inde, hindouiste, qui s'était converti à la religion
musulmane alors qu'il émigrait vers un pays d'Afrique, et se faisait
baptiser avec sa famille au moment où il venait en France, ce qui pour
lui semblait exprimer un désir de créer un lien, en se ralliant à la
croyance de l'autre
On voit plus souvent au contraire, les croyances des autres condamnées,
dévalorisées ...par ceux qui n'y croient pas ... précisément parce que
ce sont les croyances des autres ou des autres peuples.
On n'y croit pas parce qu'on croit à d'autres valeurs comme vérités.
Et bien sûr tout ne se vaut pas, mais l'histoire des hommes est faite
de ces conflits.
Préjugé ou progrès, illusion ou raison, superstition ou science, ces
mots ont pu désigner les mêmes objets de croyance, un savoir transmis
en des temps et des lieux différents.
Et dans l'histoire d'une société, d'une culture, c'est aussi un moment
de crise que ce temps où s'effondrent brutalement les croyances dans
les vérités qui faisaient vivre un groupe.
Cela peut être une catastrophe collective, mais aussi de cette
catastrophe on peut souhaiter que naîtra un autre lien plus
satisfaisant que la croyance ou ce sera de nouvelles croyances, de
nouvelles idoles.
Dans le débat sur l'objet de la croyance et aussi sur l'autre dont la
parole suscite la croyance, on a pu tenter d'opposer croyance et foi,
définissant la croyance comme une persuasion déterminée par un motif
lié à l'objet, et la foi comme une persuasion déterminée par l'autorité
de celui qui parle.
On peut dire plutôt que ces mots se recroisent et forment tout un champ
avec d'autres expressions : donner sa foi, avoir confiance, accorder
crédit, se fier à l'autre ou à soi même et donc croire c'est accepter,
avoir foi ou donner foi en quelque chose qui peut être un fait perçu,
une opinion personnelle, mais le plus souvent idée, prévision ou toute
sorte de proposition émanant de l'autre.
Et les degrés varient dans ce qui peut être croyance ou simple
adhésion, conviction intime: être persuadé, ou doute, refus, rejet
d'une idée.
Se pose alors la question de ce qui dans un sujet va accepter de croire
ou refuser de croire : conscience réflexive ou sujet du désir ;
Curieusement l'objet de la croyance peut être revendiqué et défendu
comme son idée propre, en oubliant tout à fait qu'il vient de l'autre
;. et c'est bien la situation la plus banale du sujet humain
conscient, et voulant justement ignorer sa situation d'aliénation à
l'égard d'un objet et à l'égard de l'autre dans son désir d'une
position de maîtrise.
Que nous apporte le schéma L de Lacan dans ces multiples questions de
la croyance, et cette étrange confusion entre fait de croire, croire
l'autre, croire quelquechose ?
Il situe bien le sujet humain comme parlêtre qui a affaire au
signifiant dans la parole et dans le langage.
Et comme toujours Lacan tient à différencier la parole, qui permet la
communication avec l'autre, et le langage qui est pur chiffrage.
Et Lacan donc resitue ce parlêtre dans son rapport au symbolique.
" Si l'homme vient à penser l'ordre symbolique, c'est qu'il y est pris
dans son être.
L'illusion qu'il l'ait formé par sa conscience provient de ce que c'est
par la voie d'une béance spécifique de sa relation imaginaire à son
semblable qu'il a pu entrer dans cet ordre comme sujet "
Dans ce qu'il introduit dans le schéma L , Lacan établit les rapports
croisés entre quatre éléments : le je -sujet- S , le moi a, le
semblable - petit autre - a' et le grand Autre - trésor des signifiants
-A.
Le sujet est un effet du signifiant, et le signifiant lui vient
toujours de ce trésor des signifiants, lieu A où les signifiants
préexistent de façon synchronique, lieu A où se constitue son
inconscient.
Le sujet reçoit ses propres signifiants selon l'axe symbolique A S,
l'inconscient étant représenté par le segment ( en traits pleins) qui
part de A et rencontre l'axe a a' de la relation imaginaire au
semblable.
Le moi est pour l'être humain ce support de l'identification
imaginaire, lié à l'image du corps qui va se constituer progressivement
à partir du réel du corps biologique.
Cette image du corps constituée sera ce qui lui permet dans le stade du
miroir de se reconnaître comme unité imaginaire et comme l'autre
semblable, dans l'image.
Cette image est en même temps consacrée par les paroles que prononce
celui qui est au côté de l'enfant.
La relation imaginaire est cette composante de la relation avec l'autre
figurée par cette diagonale a a' ( en traits pleins ) entre l'image du
moi a et l'image du semblable a'.
Dans le même temps l'autre semblable est cette image et est un être
parlant immergé dans le langage.
La communication entre les humains se fait par la parole dans une suite
diachronique.
L'autre semblable va mettre à l'oeuvre ces signifiants recelés dans ce
lieu A dans tout ce qui est paroles, adresses, demandes, commandements
ou appels que l'enfant très tôt perçoit et reçoit et qu'il va renvoyer
selon la ligne S a'.
Le parcours de la chaîne signifiante traverse l'axe symbolique AS et
l'axe imaginaire a a'.
Dans le schéma L le sujet se trouve face à ces deux points a' du
semblable et A du trésor des signifiants ;.. et nous sommes tous là
dedans ; dans cette proximité qui peut faire confusion, qui fera
nouage aussi.
La ligne S a' est ce que le sujet renvoie à son semblable, et si c'est
sous forme inversée dans la parole fondatrice, dans certaines formes de
la croyance ce serait sous forme non inversée.
Le collage parfait de l'imaginaire au symbolique permet au sujet
d'admettre comme sienne une pensée ou conviction qui lui est
communiquée par l'autre, ou de se " reconnaître " dans l'image de
l'autre qui a même idée ou croyance que lui.
On le sait cette situation quotidienne - le sujet se trouve devant
l'autre qui parle - va se jouer différemment selon certaines conditions.
- La position de celui qui parle par rapport au sujet va changer sa
faculté d'entendre et recevoir une parole : un proche aimé, un maître
admiré ou un inconnu, un étranger, ou l'autre menaçant qu'il soit un
étranger ou un familier.
Pour ce jeune homme qui avait quitté sa famille à l'adolescence, dans
un conflit violent, cet acte de renier la foi de ses pères ( sa famille
était de tradition catholique ) et d'adhérer à une secte d'inspiration
bouddhique vient exprimer la violence du conflit qui mène le sujet à un
refus de la croyance et de la créance au risque d'une catastrophe
subjective.
Je n'ai plus rien à voir avec cet homme, il n'est plus mon père.
- L'image même de l'autre mis dans cette place va aussi jouer dans la
croyance : le fait que l'autre qui parle et veut que je le croie
m'apparaît comme quelqu'un sûr de lui ou quelqu'un qui hésite et semble
douter, quelqu'un qui me parle dans un relatif détachement et me laisse
libre aussi de croire ou pas, ou quelqu'un qui veut à tout prix me
convaincre : je peux le croire ou craindre qu'il veuille me tromper.
Devant ces conditions chacun réagira différemment selon sa structure,
son désir ;
- Le désir du sujet, son angoisse le rend sans doute plus apte à croire
certaines paroles, d'autres ne seront pas acceptées, il ne peut y
croire car cela vient créer chez lui un conflit ou une insatisfaction.
" Ma mère et moi sommes très croyantes "disait cette jeune fille, et
croire sa mère, avoir foi en sa parole était devenu très angoissant :
et ce n'est pas les convictions religieuses de sa mère qui étaient en
cause, mais cet énoncé toujours répété qui disait que son père était
mort.
Alors même que sa mère n'avait produit aucun élément qui le montrait
vivant, ni aucun détail qui rendrait cette mort réelle ou vraisemblable.
Et bien sûr la question de son désir est là, quand elle croit
immédiatement la voyante qui lui dit " Non mon enfant, votre père est
vivant " en place de quelqu'un qui sait.
L'inconscient tient dans la croyance une place beaucoup plus grande
qu'il ne semble acceptable pour les exigences rationnelles dans ce
choix : croire ou ne pas croire, c'est à dire accepter une proposition
ou la refuser comme étrangère, fausse, inadmissible, intolérable,
folle, y compris dans le rêve qui de tout temps a pu être considéré
comme message des dieux, que l'on doit entendre et admettre même s'il
paraît inadmissible.
Et à la suite de Freud croire ou ne pas croire au rêve ne se réduit
plus à une crédulité.
Une patiente raconte un rêve qui l'a beaucoup perturbée la nuit
précédant la séance, et qu'elle appelle curieusement rêve prémonitoire.
Elle se voit dans le rêve avec sa mère et des personneges inconnus. Une
discussion a lieu entre ces différents protagonistes où elle est
incluse. Le motif de la discussion est la vente de la maison de sa
mère, le prix et les modalités, les inconnus sont les acheteurs.
Elle se réveille bouleversée et téléphone à sa mère, qui lui dit que
oui bien sûr elle va vendre ; Mais aucune démarche n'a encore été
faite, même si son intention est bien de vendre.
Ce qui est paradoxal, c'est que sa mère depuis longtemps lui avait fait
part de ce projet, et la patiente en avait parlé plusieurs fois en
séance, en disant toujours " Non, je ne crois pas qu'elle le fera, elle
en parle comme çà " ou " Je n'arrive pas à y croire " c'est à dire à la
fois c'est contraire à mon désir, et ma mère qui est quelqu'un proche
et que j'aime ne va sûrement pas avoir un désir si opposé au mien.
Que cette idée revienne dans le rêve, fait qu'elle y croit.
D'une part elle peut accepter cette vente comme un fait qui va vraiment
se réaliser, et d'autre part elle peut en parler autrement, non comme
un malheur improbable, mais une réalité acceptable " C'est aussi bien
pour moi " dira-t-elle, car cette maison était très liée pour elle au
souvenir de son père, elle revenait dans cette maison fréquemment le
week end et aux vacances, ce qui ne lui permettait pas de quitter sa
famille et son passé, ni d'investir dans des projets d'avenir avec un
homme.
Et dans la clinique cette place de l'inconscient qui croit contre la
volonté consciente est bien l'image la plus commune de la division.
Une femme se trouvait dans une grande angoisse " Dès le moindre
trouble, je crois que j'ai une maladie grave et que je vais mourir " .
Et ni les preuves objectives des multiples examens qu'elle subissait et
dont les résultats étaient rassurants, ni le savoir de son médecin en
qui elle disait avoir totale confiance ne pouvaient modifier cette
certitude, inaccessible à la raison raisonnable ou rationnelle.
Dans son travail cette femme dira souffrir de son ignorance, non des
connaissance livresques mais c'est un savoir sur elle et sur la vie
qu'elle pourra chercher qui lui permettront de se sentir vivante, elle
parlera de la mort dans un autre mode que cet imaginaire angoissant
d'une mort imminente.
Peut être était elle obligée de croire à la mort faute d'avoir pu en
dire quelque chose dans un savoir qui laisserait une place au je ne
sais pas.
La plainte d'un patient peut aussi bien souvent se dire de façon banale
dans cette expression du " croire en soi " ; ou ne pas croire en
soi.
Peut être cette formule est elle proche de la question de cette
patiente sur son ignorance, puisque croire en soi serait-il se
considérer comme quelqu'un qui sait ?
De quel savoir s'agit il ?
Un savoir scientifique, un savoir de savant sur toutes choses, que l'on
va argumenter et imposer aux autres n'est pas du même ordre que ce
savoir de l'inconscient que chacun peut chercher à atteindre, dans
l'analyse notamment.
Accepter ce savoir, y croire assez pour en reconnaître la valeur de
vérité subjective, sa vérité, et non s'en remettre totalement aux
savoirs des autres ( sont ils objectifs ? ), tous systèmes ou doxa,
donne au sujet une autre place de sujet divisé.
Cette croyance là, est-ce accepter de ne pas tout savoir et accepter
d'être dupe, dupe du signifiant qui circule ?
Et il n'y a pas de garantie dans l'Autre qui protège de cette erreur
possible ou errance inévitable.