Généralités Remarques et réflexions
Peuvent se publier ici les
remarques ou questions que suscitent le séminaire en général et
d'autres choses
encore.
Il ne viendrait à personne d’énoncer qu’un comportement animal est
immoral, ou qu’une conduite animale est immorale. Rigoureusement
organisés par un instinct, ou des schèmes instinctuels, ces conduites
ou comportements ne laissent pas la place à un choix, une hésitation,
ou une valorisation en termes de bien, de bon ou de mieux.
La morale, l’éthique semblent donc propres au sujet humain à y pallier
à ce qu’il manquerait d’instinct programmant ses conduites. Il en
résulte que la psychanalyse, à vouloir théoriser ce sujet dans sa
structure et ses désirs, ne peut que rencontrer les ressorts de cette
morale, s’articulant en conduites. C’est dans la lecture attentive de
Freud, que Lacan, nous invitant à le suivre, cerne les éléments qui, de
ces ressorts, constituent le noyau… Principes de plaisir et de réalité,
« das Ding », la sublimation, etc…
Et d’en proposer la comparaison, en une vaste fresque historique, de
Moïse, Aristote, le Haut Moyen-âge, la Renaissance, les Lumières,
jusqu’à la Révolution Française, avec ce que chaque morale, les « dix
commandements », « L’éthique à Nicomaque », « Le fin’amor », la morale
kantienne, sa confrontation avec Sade, comporte de spécifique.
Dans cette seconde partie (leçons 14 à 27), Lacan nous entraine
dans cet "au-delà" dont la répétition signifiante avait alerté nos
oreilles.
Au-delà de la frontière, que semblait dessiner le principe de plaisir
et sa visée de moindre tension, nous séparant de la jouissance aux
abords néantifiants de Das Ding.
C'est la question que pose la jouissance à l'éthique, la passion au
sens fort, qu'interroge Lacan, aussi bien que le fondement freudien de
la loi dans le meutre du père.
La réponse d'Aristote, cf "L'éthique à Nicomaque", paraissant un peu
courte: "il suffit de moyenner", puisque des passions l'homme ne peut y
résister, en accepter un peu mais pas trop.
Or cet au-delà, c'est là où
Sade met en scène cette jouissance dans la passion promulguée de la
pulsion de destruction... Et l'histoire contemporaine ne semble pas
s'être contentée d'élucubrations imaginaires
C'est aussi l'au-delà de la morale commune, celle de la cité, telle que
se dresse Antigone habitée d'une passion où elle se réalise dans sa
destruction même. Désir habitant une étrange jouissance.
Mais où s'articule la beauté, comme prolongement de l'interrogation de
la sublimation, non pour Antigone, mais pour le spectateur.
Textes
Des textes trouvés par les uns ou les autre en référence au séminaire:
Commentaires et résumé Ali Paris de la leçon 1 Marc Darmon
Commentaires et résumé Ali Paris des
leçon 2 et 3 Marc Darmon
Marie-Christine Salomon Clisson se propose pour étudier les
leçons
1 et
2
L’ÉTHIQUE DE LA PSYCHANALYSE (1959-1960)
Mon intérêt à partager la lecture de ce séminaire s’est accru
proportionnellement à la dictature de la morale actuelle. « Le siècle
où la parole a été victime » (Livre Y. Bonnefoy) : nous sommes dans
l’après-coup de ce traumatisme où le totalitarisme renaissant s’exerce
en vue d’une éradication de la parole adressée. Le marathon
d’aujourd’hui, sera celui de l’art du commentaire à plusieurs voix. Le
marathon est une course d’endurance, avec cette urgence d’avoir à
gagner contre la mort. Nous avons maintenant à y participer au un par
un, au sein d’un collectif. Aujourd’hui le malaise dans la civilisation
ne s’exprimerait-il pas dans la façon d’utiliser le langage, dans une
certaine perversion de la langue, qu’elle soit langue de bois ou langue
réduite à un code ? La méthode de Lacan, son mouvement particulier (3
pas en avant, 3 pas en arrière, 2 pas sur le côté et 2 pas d’ l’autre
côté).
« Ce séminaire, je l’écrirai ».
Pourquoi cela avait-il tant d’importance pour Lacan que ce séminaire il
puisse non pas simplement le dire mais l’écrire ? Pourquoi ne
souhaitait-il pas que l’oralité de son discours en reste à une
transcription ? Quelle serait l’articulation d’un texte à dire avec un
texte à écrire ? Serait-ce l’indication d’un franchissement, celui du
symbolique qui a à surmonter non seulement l’imaginaire mais le Réel
dans une logique ternaire ? L’écriture serait-elle nécessaire pour
rendre compte des effets réels de notre parole et de notre capacité à
penser à partir de cette tentative de retrouvaille de l’objet ?
(l’écrit c’est la parole même nous dit Yves Bonnefoy dans Raviver les
mots). Nous pourrions faire l’hypothèse que ce séminaire, il l’a bien
écrit, dans l’après-coup, nous proposant une nouvelle éthique cette
fois-ci borroméenne, en inscrivant l’objet « a » au centre du nouage
pour mettre en évidence ce qui doit se perdre pour qu’il y ait une vie
subjective.
Première leçon (p 9 à 28)
Dans cette première leçon, Lacan pose les jalons du chemin qu’il
souhaite faire avec nous concernant la spécificité d’une éthique de la
psychanalyse, ce sujet n’ayant jamais été abordé en tant que tel par
ses prédécesseurs. Sa réflexion sera dans le droit fil du séminaire
précédent, « Le désir et son interprétation ». Il nous propose
d’utiliser ses propres outils : les catégories du Symbolique et de
l’Imaginaire en y ajoutant celle du Réel car nous dit-il, cette
dernière est nécessaire pour explorer l’éthique dans le domaine de
l’Idéal (qui est l’ensemble des valeurs morales). Tout ceci pour, d’une
part mettre en avant la nouveauté des propositions freudiennes
découlant toujours de l’expérience et, d’autre part, faire, à son tour,
un pas de plus, que je qualifierai d’« Au-delà » pour nous mettre sur
le chemin de l’articulation du désir et de la jouissance. Lacan insiste
sur la prise en compte de l’histoire et de l’expérience singulière,
celle de la cure, où, dit-il, « la réponse rigoureuse concernant une
demande n’est là que pour en faire émerger la part inconsciente qui
mène au désir »). MC : comment sommes-nous entrés en analyse ?
Lacan choisit le terme éthique plutôt que celui de morale et va s’en
expliquer.
Toute société se construit en établissant des règles de conduite dont
l’ensemble forme la morale. Le non respect de ces règles ayant valeur
pour tous, vient bousculer la vie de chacun. Nous baignons dans les
problèmes moraux où s’insinue la faute portant le nom de péché dans les
milieux religieux qui n’ont de cesse de la faire disparaître.
L’expérience psychanalytique a permis d’approfondir l’univers de la
faute que Lacan qualifie ici de morbide (ou la notion de mal apparaît,
avec celle du pathos de la maladie (Réf. Cathelineau : à partir de
cette qualification Lacan s’avance sur sa proposition d’avoir à
formuler une nouvelle éthique en prenant en charge l’objet
pathologique, c’est-à-dire l’affection sensible). Il met l’accent, à la
suite de Freud (Malaise dans la civilisation ch. 7 et 8), sur l’attrait
de la faute avec le besoin de punition qui serait la conséquence de la
faute commise.
Mais de quelle faute s’agit-il et quelle serait la spécificité de la
faute en psychanalyse ? Celle du meurtre du père à l’origine de la
culture dans la mythologie freudienne ou l’instinct de mort qui
deviendra pulsion de mort, qui serait à prendre comme une faute plus
constitutive de l’être humain ?
Toujours à partir de l’expérience, Lacan affirme que la dimension
éthique ne se limite pas au sentiment d’obligation. Elle est constituée
de l’expérience morale qui met l’homme dans un rapport à sa propre
action. Il ne s’agit donc pas seulement d’une loi articulée car elle
appelle un bien qui engendre un idéal de conduite. C’est un au-delà du
sentiment d’obligation et vous entendez qu’avec ce terme « au-delà »,
toute l’élaboration va se transformer, à l’égal de la proposition de
Freud dans son « au-delà du principe de plaisir ».
Freud a fait progresser la réflexion sur l’expérience morale et a mis
en évidence l’omniprésence du sentiment de culpabilité (ch. 8 du
malaise), qui est le côté désagréable de l’expérience morale. La
progression de Lacan a été de remettre en faveur la fonction féconde du
désir, précisant que la dimension morale de Freud ne s’enracine que
dans le désir lui-même. Il fait un pas de plus en disant que c’est de
l’énergie de ce désir que la dimension de la censure va trouver sa
fonction (Cathelineau : terme utilisé dans la Traumdeutung où le
travail de l’analyste va être de déjouer les effets de la censure par
l’interprétation des rêves).
Au regard de l’histoire, il va resituer le désir, tout d’abord dans son
affranchissement naturaliste avec la réflexion sur l’homme du plaisir
au 18ème puis une certaine philosophie du 19ème. Il nous fait remarquer
que le caractère impératif de l’expérience morale s’est accru et que
l’homme est chargé de lois et de devoirs tout autant qu’avant cette
expérience critique de la pensée libertine.
Freud s’est intéressé à l’expérience perverse et nous a permis de
comprendre l’échec de la théorie morale de l’homme de plaisir (Lacan
passe du désir au plaisir et du désir au plaisir). En effet, cette
expérience fixe l’articulation de l’homme du plaisir au divin. Dieu
étant l’auteur de la nature doit rendre compte des anomalies de cette
expérience. C’est l’Autre qui est le Juge. C’est Dieu qui sera sommé de
rendre des comptes sur le marquis de Sade où tout autre s’adonnant à
l’expérience perverse. Dans cette littérature nous trouverons la
dimension de l’érotique (ce qui procède de l’amour).
Freud a donné aux origines du désir, dans ses formes infantiles, un
caractère de perversion polymorphe. La pente de la réflexion analytique
a été de réduire cette origine paradoxale du désir et de nous montrer
une convergence vers des fins d’harmonie que Lacan va appeler un
moralisme plus compréhensif pour apaiser la culpabilité. C’est le terme
de partiel qui permet de donner tout son poids à la pulsion perverse.
C’est autour de ce terme qu’il s’est intéressé à la fonction du désir
(Darmon : la perversion serait une persistance du caractère partiel des
pulsions ou les pulsions refuseraient d’être convergentes pour en
privilégier une).
Lacan revient à Aristote. Où situe-t-il le désir quand il parle de
l’éthique ? Il relève deux points où le désir est mis hors du champ de
la morale : un qu’il ne cite pas et dont Cathelineau rend compte dans
son article « Sade une éthique de la jouissance ? »: « pour Aristote
l’éducation éthique vise à prendre de bonnes habitudes en faisant un
jeu de mots éthos (conduite) et êthos (caractère). C’est la bonne
conduite qui détermine le bon caractère. Par l’acquisition de bonnes
habitudes on acquiert un bon caractère, l’éducation se réduit à un
dressage ». L’autre point que cite Lacan: le corps des désirs sexuels
sont des anomalies monstrueuses ou bestiales.
L’expérience de la psychanalyse va subvertir la morale d’Aristote.
Lacan nous fait cette proposition : « c’est la transformation de
l’énergie du désir qui va nous permettre de concevoir la genèse de sa
régression. Ce désir, avec l’attrait de la faute, va nous permettre de
mettre en évidence une complexité supérieure qui nous permet de saisir
la dimension de la civilisation comme telle ».
Est-ce que tout cela se limite à la genèse du surmoi ? Lacan nous
invite à distinguer le registre des besoins collectifs et celui où se
joue le rapport au signifiant avec la loi du discours, ce registre
qui a une autonomie et nous permet d’y situer l’expérience de la parole.
Cette dimension de la parole, Lacan la trouve dans « Malaise dans la
Civilisation » (1929) après que Freud ait mis au premier plan la notion
de l’instinct de mort et élaboré sa deuxième topique. Il parle à ce
moment, d’un tournant de la civilisation (ne sommes-nous pas dans un
autre tournant ?). Nous avons à prendre en compte ce malaise, à la
condition de le cerner et il ajoute que cela se passe très au-dessus de
lui. C’est là que Lacan situe le point de réversion de Freud dans le
rapport de l’homme au logos. Il s’agit d’une œuvre essentielle pour
comprendre la pensée de Freud. Elle met en évidence ce qui fait la
spécificité de l’expérience analytique et nous indique ce que doit être
notre position quant à la demande humaine à laquelle nous avons à faire
dans notre praxis. Voici la position de Freud* soulignée par Lacan :
L’expérience morale se résume de l’impératif original qu’est l’ascèse
freudienne :« Wo Es war, soll Ich werden » et l’aboutissement qu’il en
propose dans ses nouvelles conférences. La racine de cette expérience
morale se situe au principe de l’entrée du patient dans la
psychanalyse. (« les Ecrits – 1955 -La Chose freudienne p 416-417 :
C’est au lieu : Wo ou Es : sujet dépourvu d’article subjectivant, war :
était (qui est un lieu d’être) et en ce lieu, soll : un devoir au sens
moral qui s’annonce : Ich : je (là dois-je, comme on disait ce «
suis-je » avant « c’est moi »), werden : devenir, c’est à dire venir au
jour de ce lieu même en tant qu’il est lieu d’être).
Le Je qui doit advenir s’interroge sur ce qu’il veut. Il n’est pas
seulement interrogé par l’Autre, dans cette expérience, il se pose
cette question à l’endroit des impératifs qui lui sont proposés par son
expérience morbide. Va-t-il se soumettre à cet impératif du Surmoi
(semi inconscient précise Lacan qui indique une possibilité de choisir
de s’y opposer consciemment), ce Surmoi qui se révèle au long de la
cure. Son vrai devoir ne serait-il pas d’aller contre cet impératif ?
(ADW reprendra ce travail à la suite de Lacan dans « Les trois temps de
la Loi »).
Comment se structure au départ l’expérience d’un obsessionnel qui a un
savoir sur cette énigme autour du terme « devoir » (« L’enfer du devoir
» disait Denise Lachaud), savoir qu’il formule avant même qu’il
n’arrive à la demande d’analyse ?
Il s’agit de savoir si notre réflexion éthique a une portée
universelle. Ce qui voudrait dire que le devoir ne serait pas seulement
une pensée du philosophe qui justifierait ce qui se présente comme une
obligation, dans une forme imposée, mais bien une interrogation
universelle.
Lacan pose cette question : ne serions-nous qu’un lieu d’asile et
seulement là pour répondre à la demande de ne pas souffrir avec cet
espoir ou non qu’avec la compréhension l’analysant pourrait se libérer
de son ignorance et de sa souffrance ? C’est ici que nous pouvons
situer les idéaux de la psychanalyse et notre travail est bien de les
mesurer, les repérer, les situer et les organiser. Il nous en propose
trois (3 valeurs) de la réflexion morale concernant l’amour humain :
1 – l’idéal de l’amour génital
Cet idéal, cet amour médecin, serait censé modeler une relation d’objet
satisfaisante où semblerait se limiter le champ de l’ambition
analytique. Mais l’analyste trouve une limite. L’union monogamique ne
résout pas le problème de l’expérience morale. En remettant l’idéal de
l’amour au centre de l’expérience éthique, l’analyse apporte un
changement de perspective, et pousse plus loin son investigation d’une
érotique sur laquelle Freud a buté. Lacan resitue le contexte
historique de cette fin de 19ème, d’où émergeront de nouvelles
questions. Il propose un congrès sur la sexualité féminine pour pallier
cette carence (les Ecrits : Propos directifs pour un Congrès sur la
sexualité féminine p 725).
2 – l’idéal de l’authenticité
Si l’analyse est une technique de démasquage (dévoilement de ce qui est
caché), elle suppose cet idéal. Cet idéal va nous permettre de poser
des normes cliniques. Lacan fait référence à Hélène Deutsch qui a mis
en évidence des personnalités en difficulté avec ce qui serait exigible
dans la relation sociale, dont l’attitude est perçue par l’autre comme
marqué du « As if ». Nous sommes ici dans un domaine qui ne se limite
pas à l’expérience morale et c’est là que nous arrivons à cette
question de la pleine présence, cette question déjà abordée dans sa
conférence de 1953 et qu’il reprendra tout au long de ses séminaires
avec des abords différents.
3 – l’idéal d’une prophylaxie de la dépendance.
Je dirai que c’est à partir de cet idéal que nous voyons poindre ce que
Lacan appellera le processus d’Aliénation/Séparation. Lacan pose cette
question : y a-t-il une frontière qui sépare le désirable et les moyens
d’y parvenir ? Il précise : quand nous sommes amenés à empiéter sur le
champ de « l’orthopédie », les moyens employés s’appuient sur une
éthique de l’analyse.
Ce qui spécifie l’éthique de l’analyse, c’est l’absence d’une
dimension, celle de l’habitude. C’est en cela elle se différencie des
autres éthiques. Elle s’inscrit dans les termes de traumas et leurs
persistances. L’essence de l’inconscient s’inscrit dans un autre
registre que celui sur lequel Aristote a construit son éthique. [Lacan
reprend le jeu de mot d’Aristote : l’éthos (l’habitude) ce n’est pas
l’êthos (l’éthique). L’éthique d’Aristote est une science qui s’occupe
de la formation du caractère, C’est une action qui vise les habitudes,
un dressage, une éducation]. La proposition de Lacan est une position
radicale pour repérer l’originalité de la position freudienne en ce
domaine. Il s’agit ici d’un changement d’attitude dans la question
morale elle-même.
Pour Aristote, c’est le problème d’un Bien. (Cathelineau : Chez
Aristote l’éthique est bien une orientation vers un Bien comme idéal de
la conduite). Il met l’accent sur le plaisir et sa fonction dans
l’économie mentale de l’éthique. Lacan nous fait remarquer que c’est
également le point de référence de la théorie freudienne concernant les
systèmes psy et phi, les processus primaires et secondaires. Le plaisir
a-t-il la même fonction dans les deux systèmes ? Pour répondre à cette
question, Lacan nous propose 3 termes (S, I et R), afin que nous
puissions repérer la différence et saisir le progrès lié à l’histoire.
Lacan nous a d’abord parlé de l’interaction du S et de l’I. C’est en
explorant le domaine de l’éthique qu’il affirme qu’elle doit viser dans
le domaine de l’Idéal, de l’irréel dans le sens de la notion de Réel *.
L’éthique sera une opération de repérage par rapport au Réel. Et
j’ajouterai dans une dimension cette fois-ci ternaire.
Pourquoi Freud a-t-il fait un progrès dans ce sens ? Grâce à ce qui
s’est passé dans l’intervalle. Avec Hegel, au 19ème, il y a eu un
déclin radical de la position et de la fonction du maître. La vertu du
travail passe par les voies du vaincu, de l’esclave. C’est une vision
radicalement différente de celle d’Aristote. Cette position nous amené
à une pensée dite utilitariste avec une révolution dans les rapports
humains. La question n’est plus simplement de ce qu’il y a comme biens
sur le marché et de leur répartition. C’est RomanJakobson qui apporte à
Lacan ce qu’il a découvert dans l’œuvre de Jeremy Bentham qui oppose le
terme de réel à celui de fictitious, à entendre au sens de structure de
fiction (Maud Manonni : la psychanalyse comme fiction). A partir de là,
une dialectique du rapport du langage au réel devient possible. Bentham
situe ce bien réel, ce plaisir en l’occasion, qu’il articule
différemment.
C’est là entre cette opposition fiction/réalité que vient se placer le
mouvement de bascule de l’expérience freudienne *. Cette distinction
nous fait arriver à quelque chose d’inattendu : ce qui caractérise le
plaisir (ce qui enchaîne l’homme dit Lacan) se trouve entièrement du
côté du fictif, qui n’est pas ce qui est trompeur mais qui est le
Symbolique lui-même. Que l’inconscient soit structuré en fonction du S
(le principe du plaisir étant ce que l’homme recherche), c’est le
retour de ce qui est un signe, quelque chose qui mène l’homme à son
insu dans une conduite qui lui fait plaisir. Ce que l’homme cherche et
retrouve (la fameuse retrouvaille) - de l’objet perdu à l’objet
retrouvé - c’est la trace (l’inscription) aux dépens de la piste
(chemin). A partir de là, Freud va nous permettre de concevoir la
fonction de la réalité.
Freud et Aristote ne doute pas que l’homme cherche le bonheur et que
cela se présente en terme de rencontre : la tuchè. Pour nous c’est
aussi Augurum : un bon présage et une bonne rencontre. Lacan revient
sur le terme allemand Glüch, c’est aussi Gelück (2 rencontres). En
anglais happiness, c’est happen. Il n’est pas sûr que ces termes soient
synonymes va-t-il nous dire. Lacan bénéficie des avancées concernant
les langues et leur traduction et les mettra en jeu dans la chaine
signifiante pour affiner sa pensée.
(Y. Bonnefoy : Il n’y a pas de pensée dans l’absolu, toute pensée est
de circonstance. La circonstance la plus fondamentale étant la langue
que l’on emploie, qui est quelque chose de particulier avec des hasards
profonds, une vision du monde tout à fait singulière. Le moment
historique est également une circonstance).
Ici entre en jeu la question de la traduction.
Are you happy ? Etes-vous heureux ? Oh yes ! I am very happy (oui, je
suis très heureux ! Il poursuit en allemand : Aber nicht glüklich !
Mais pas heureux !
Pour Freud le bonheur doit être proposé comme terme à toute recherche,
si éthique soit-elle, dit Lacan. Mais, quand Freud sort de son domaine
en écrivant Malaise dans la Civilisation, il nous dit que pour le
bonheur il n’y a rien de préparé dans l’universel ni dans le singulier.
Pour Aristote, le plaisir a quelque chose de non contestable. Ce
plaisir est le pôle directif de l’accomplissement de l’homme pour
autant qu’il y a chez l’homme quelque chose de divin qui est cette
appartenance à la nature. Mais, la nature chez Aristote n’est pas la
même que pour nous : elle exclut tous les désirs bestiaux de
l’accomplissement de l’homme.
Dans l’intervalle, il y a Freud et son renversement de perspectives :
tout ce qui va vers la réalité exige un abaissement de l’énergie du
plaisir. *
La façon dont s’organisent les fictions du désir a permis à Lacan
d’écrire la formule du fantasme. La notion de désir doit être prise
comme étant le désir de l’A. C’est là qu’il prend tout son poids. Il
n’en reste pas là et revient sur une note de le Traumdeuntung , dans
laquelle Freud nous dit que nous avons un deuxième facteur à ne pas
négliger : la satisfaction d’un vœux doit apporter du plaisir mais il
est bien connu du rêveur qu’il n’a pas un rapport univoque avec son
vœu. Il le rejette, le censure, il n’en veut pas. Nous retrouvons, dit
Lacan, la dimension essentielle du désir comme étant toujours désir au
deuxième degré, à savoir désir de désir.
Lacan reprend la théorie des valeurs : « la valeur d’une chose est sa
désirabilité ». Il s’agit de savoir si une chose est digne d’être
désirée et là, nous tombons sur une drôle de forme concernant les
aspirations des hommes. Son souhait : que la structure constituée par
la relation imaginaire (où l’homme entre double dans la dialectique de
la fiction), trouve son aboutissement à partir de ce travail sur
l’éthique de la psychanalyse. Au dernier terme nous arriverons à la
question du masochisme dans l’économie pulsionnelle et Lacan précise
qu’il souhaiterait nous amener à l’approfondissement du rôle économique
du masochisme pour conclure ce séminaire.
Réf. Journées Kant avec Sade (« Sade, une éthique de la jouissance ? »
de Pierre-Christophe Cathelineau et « Désir et Jouissances » de
Jean-luc de Saint-Just.)
Deuxième leçon (p 29 à 50).
Nous entrons dans le vif du sujet, avec ce déploiement logique d’une
pensée proprement psychanalytique.
Lacan veut nous apporter son miel, sa nouvelle production et se pose la
question du pot, comme nous nous posons la question de ce qui peut
donner forme à notre praxis. Son point de départ : « quelle est la
portée de notre parole ? ». Son hypothèse est que le problème moral,
éthique de notre praxis est lié au fait que toute psychanalyse nous
laisse dans une insatisfaction profonde car elle n’est qu’un alibi de
notre tentative de pénétrer le problème de notre propre action qui est
le fondement de toute réflexion éthique. Notre recherche : que
devons-nous faire pour agir d’une façon droite (juste) étant donné
notre position d’homme ? Notre action spécifique passe par ce point de
départ, une demande, un appel d’urgence, comment donc y situer notre
éthique ?
Reprenant les grandes lignes du programme qu’il s’est fixé, qui va de
l’omniprésence de l’impératif moral jusqu’au plaisir dont le second
degré est le masochisme moral, il nous fait une proposition inattendue,
en quelque sorte une demande, de nous référer à sa thèse qui est la
suivante : « le commandement moral (de la loi morale), ce en quoi cette
instance s’impose à nous, est ce qui représente, ce par quoi se
présentifie le Réel dans notre activité qui est structurée par le
Symbolique. Il va nous dire : la loi morale s’affirme contre la
plaisir. Le fait même d’introduire le Réel à propos de cette loi, remet
en question la valeur donnée à ce que nous appelons l’Idéal. Il précise
qu’il s’agit bien de donner du sens à ce terme de Réel ».
Sa proposition est en lien avec la pensée de Freud qui, partant d’une
opposition entre principe de plaisir et principe de réalité, aboutit à
un « au-delà du principe de plaisir », avec ce dernier terme,
l’instinct de mort (qui deviendra pulsion de mort), qui serait une loi
au-delà de toute loi, s’il ne s’agissait de quelque chose comme le
dévoilement, la retrouvaille où ce principe de réalité ferait resurgir
quelque chose au-delà qui gouvernerait l’ensemble de notre rapport au
monde, appelé réalité ?
C’est de cette façon que Lacan va pouvoir spécifier le terme de réalité
apporté par Freud et celui de Réel allant au-delà de cette réalité.
De quoi s’agit-il avec ce terme de réalité ? De la réalité quotidienne,
de la conformité aux usages reçus ou de la réalité psychique ? Voilà ce
qui anime la recherche de Lacan. Il va se confronter au caractère
problématique de la réalité psychique. Pour ce faire, il va se dégager
de l’expérience morale en tant qu’impérative et porter son intérêt sur
l’action morale qui s’y oppose. Cette action morale apporte quelque
chose de nouveau, la notion de présence. (YB : certaines philosophies
dominées par le souci épistémologique, tentent de réduire l’expérience
de la présence). Et c’est l’analyse qui nous y ramène, cette cure par
la parole redonne aux mots leur qualité de présence. Les limites
éthiques de l’analyse sont liées aux limites de sa praxis qui n’est que
le prélude d’une action morale, l’action étant ce par quoi nous
débouchons dans le réel, nous dit Lacan.
En quoi consiste l’Ethique d’Aristote ?
Lacan remarque que, comme pour toutes les autres éthiques, elle se
réfère à un ordre qui se présente d’abord comme une science, l’épistèmê
(science de ce qui doit être fait). Cet ordre va définir la norme d’un
certain caractère, l’éthos (l’état éthique). Comment le sujet va-t-il
se soumettre à cet ordre dans quelle adéquation à l’êthos, ce quelque
chose qui, pour Aristote, différencie l’être vivant de l’être inanimé.
Pour atteindre cet état, l’homme doit prendre l’habitude de se
conformer à cet ordre, à ce Bien, nommé souverain Bien, ce quelque
chose qui permet d’unir le particulier à l’universel, dans une
imitation de ce que serait l’ordre cosmique.
Il s’agit donc de se conformer à quelque chose qui n’est pas contesté
dans la réalité et qui suppose les voies de cet ordre. C’est le
disciple, la personne à laquelle Aristote s’adresse, qui possède cette
science. Par son écoute, il est censé participer à ce discours de la
science. Aristote introduit le discours droit : l’orthos logos, dans
lequel la question éthique est posée. Reste une question : si une bonne
action se conforme à ce discours, comment se fait-il que subsiste
l’intempérance nommée par Aristote ?
Pour Aristote, l’Idéal humain c’est celui de l’Idéal du maître. Il va
donc tenter d’élucider l’intempérance avec la mise en défaut de la
vertu du maître antique qui a pour fonction d’être une présence, une
condition humaine liée à l’esclave. Pour Aristote, le maître est comme
le Dieu au centre du monde gouverné par le « nous » (tilde sur le u)
(l’intelligence, l’esprit, la pensée). C’est l’intendant qui va
gouverner les esclaves tandis que le Maître va vers un idéal de
contemplation, dans la perspective de cette éthique. Il va pratiquer
l’oisiveté. Ce terme est employé par la scolasticos qui dispense un
enseignement philosophique et théologique au sein de l’université (du
11ème au 17ème siècle) et dont le propos est de réconcilier foi
chrétienne et raison.
Ne sommes-nous pas à la recherche d’une vérité libératrice à partir de
notre expérience analytique ? Oui dit Lacan mais cette vérité se
présente avec un caractère de « Wunsch » (souhait, vœux, désir)
impérieux, qui se normative par l’expérience de plaisir ou de peine
d’où il jaillit et qui se conserve à l’intérieur du sujet sous une
forme irréductible. Cela se rencontre chez tous les êtres humains, sous
cette forme régressive, de désir pris pour la réalité.
Est-ce que c’est cela notre morale, la découverte de cette pensée de
désir, la vérité de cette pensée ? D’une certaine façon oui, mais Lacan
nous propose de dire : tout est voilé en précisant que cette idée est
née bien avant la psychanalyse faisant référence à ce temps historique
de la révolution industrielle et de ses effets sur les poètes
romantiques anglais à savoir donner une valeur aux souvenirs d’enfance.
Cette idée que l’homme doit être autre chose qu’un enfant et en même
temps qu’il a à prendre en compte les expériences de l’enfant qu’il a
été, est apparue dans le domaine de la psychologie au 19ème siècle.
Lacan propose de poser la question autrement même si nous nous la
posons de cette façon à partir de l’expérience de la genèse singulière
du névrosé car là aussi, dit-il, quelque chose nous est voilé. Il y a
une autre tension entre la pensée à laquelle nous avons affaire dans
l’inconscient apporté par Freud et celle qui est appelée pensée adulte.
Il s’agit donc de réinterroger la pensée à partir de ce qui s’ordonne
en terme de développement Idéal à savoir cette opposition processus
primaire et processus secondaire pour rendre compte du principe de
plaisir et du principe de réalité. Et une autre opposition fondamentale
à partir d’un autre système de référence qui nous donne la possibilité
de penser les choses dont on a besoin, d’une part et d’autre part, ce
qui est désagréable, les états d’humeur, les états de sentiments qui
cachent la réalité (Die Virklichkeit). Pour Freud, ce sont ces états
d’humeur qui font obstacle à la réalité qu’il cherche à mettre en
évidence. Voilà comment se pose l’expérience freudienne à l’origine. Il
précise même que l’excitation sexuelle est pour lui quelque chose
d’inutilisable pour cette recherche. (Lacan précise qu’en extrayant une
phrase de son contexte on déforme son sens, et c’est bien ce qui se
passe en ce moment).
La conception fondamentale de la structure psychique est dans
l’Esquisse laissée à l’état de brouillon, (que F pensait intituler «
une psychologie à l’usage des neurologues). C’est à partir de là que
Lacan souhaite interroger l’opposition principe de réalité et principe
de plaisir. Cette opposition que Freud réarticule tout au long de son
œuvre : dans l’Entwurf (l’Esquisse-1895), dans le chap. 7 de la
Traumdeutung (nouvelle articulation des processus primaires et
secondaires en p. de plaisir et p. de réalité (1900) ainsi qu’avec le
rêve du père mort, qui pourrait se traduire « De la Structure psychique
»(1911), puis dans Malaise dans la Civilisation (1929).
Lacan peut maintenant revenir sur Aristote pour qui la fonction du
plaisir est le rayonnement et le signe de l’épanouissement d’une action
au sens de l’énergie, là où s’articule cette action qui comporte en
elle-même sa propre fin. Puis il revient à Freud pour qui le plaisir
est associé au principe de plaisir qui est un principe d’inertie et qui
règle tout ce qui résulte d’un processus au sein d’un appareil
neuronique. Il va donc régler les frayages (Bahnung) qui résultent d’un
effet de décharges que l’appareil conserve après les avoir subis. Une
quantité va pouvoir s’écouler, ce qui fait l’efficace du principe de
plaisir. C’est la formulation de l’hypothèse de Freud, mise un peu de
côté du fait qu’elle ne présentait pas, en apparence, de référence à
l’effet clinique.
Il peut reprendre son hypothèse de travail grâce aux échanges avec
Fliess bien que quelque chose soit masqué dans l’expérience pour tenter
d’expliquer le fonctionnement de l’esprit. Il part de données de
l’expérience qui contredisent un système où le développement irait vers
l’équilibre et peut faire l’hypothèse d’un système qui irait vers le
leurre, vers l’erreur : l’organisme serait fait non pas pour satisfaire
le besoin mais pour halluciner le besoin. Freud pense qu’il doit y
avoir une distinction entre les appareils même s’il n’est pas possible
d’en trouver un support anatomique. Un troisième entre en jeu pour
exercer un principe de réalité qui est essentiellement un principe
correcteur. Ce principe de réalité, est ce qui donne son efficace à
l’appareil neuronique : il corrige, compense et s’oppose à la pente
naturelle de l’appareil psychique.
Ce système de reconstitution de l’action humaine a un caractère
fondamentalement conflictuel. En effet, le dédoublement des systèmes a
pour principe d’aller contre l’inadéquation foncière d’un des deux.
C’est l’opposition du système Phi avec le système Psy. Pour la
justifier Freud part des quantités immaîtrisables dans l’expérience de
la névrose et cela correspond à l’expérience vécue la plus immédiate,
celle du poids de l’inertie, auxquels s’opposent des choses dans les
symptômes avec un caractère irréversible. Pour Lacan, il s’agit d’un
texte où l’on ressent une expérience d’ordre moral.
Cette activité de retenue du principe de réalité, opère pour contourner
les déchaînements de catastrophes du principe de plaisir. Il peut le
lâcher trop tôt et provoquer une douleur, un déplaisir, ou trop tard,
lorsque une décharge ne va pas dans le sens d’une solution avec
l’action, provoquant l’hallucination, décharge régressive, également
source de déplaisir. Lacan précise que ce raisonnement peut être proche
de celui d’Aristote quand il se pose la question de savoir comment
celui qui sait, peut être intempérant. Aristote donne une tentative de
solution (Chap.V de l’Ethique à Nicomaque) à partir de cette
proposition universelle « il faut goûter à tout ce qui est doux »,
l’accent serait porté sur « ce qui est doux », proposition mineure. Le
jugement porté à cette mineure entrainerait une action erronée. C’est
le désir sous-jacent de la proposition universelle qui ferait surgir ce
jugement erroné concernant l’actualité du soit disant doux vers lequel
l’activité se précipite.
Pour lacan, il n’y a rien de mieux que l’Entwurf pour penser le champ
de l’action psychologique. Freud reprend les articulations logiques qui
sont les mêmes que celles des éthiciens mais dont auxquelles il donne
une toute autre portée.
L’interprétation de Lacan sur l’orthos Logos est la suivante : il ne
s’agit pas d’une proposition universelle mais une façon d’articuler ce
qui se passe dans l’Inconscient, c’est à dire du discours qui se tient
au niveau du principe du plaisir. C’est par rapport à ce « droit » que
le principe de réalité va guider le sujet pour qu’il aboutisse à une
action possible.
Pour Freud, le principe de réalité s’exerce d’une façon précaire. C’est
nous qui en donnons la mesure et il n’y a pas à chercher au-delà. La
position n’est pas confortable et Freud va dire que c’est la raison
pour laquelle les commandements qui en tracent la voie, sont
tyranniques. Les sentiments en tant que guide pour appréhender la
réalité, sont trompeurs. L’intuition de Freud concernant l’abord de
l’homme vers le réel (la réalité) ne peut se faire que par la voie
d’une défense primaire. Ce terme de défense existe avant même qu’il
puisse formuler les conditions du refoulement.
TABLEAU.
Lacan nous propose un tableau pour mettre l’accent sur le paradoxe du
rapport au réel (réalité) dans Freud. Il place d’un côté l’inconscient
et de l’autre la conscience, avec les pôles sous lesquels se
manifestent au niveau de la connaissance l’opposition de cet appareil
(principe de plaisir et principe de réalité).
La perception s’articule à la réalité. Mais, selon l’hypothèse de
Freud, le principe de plaisir s’exerce sur la perception.
Dans le chap. VII de la Traumdeutung, Freud nous dit que le processus
primaire tend à s’exercer dans le sens d’une identité de perception
(réelle ou hallucinatoire). Si elle ne se recouvre pas avec la réalité,
elle sera hallucinée avec ce danger que le processus primaire ne prenne
la main.
Vers quoi tend le processus secondaire, le principe de réalité ? Vers
quelque chose qui est une identité de pensée. Il s’exerce par
tâtonnements, par rectification. Le sujet est conduit par les décharges
de déplaisir. Il va mettre en avant un système de plaisir attendu. La
pensée devrait être mise dans la même colonne mais Freud insiste pour
nous dire que ce processus est inconscient par lui-même et par nature.
Rien de ces frayages n’est perceptible. Toute pensée s’exerce par des
voies inconscientes. Ce n’est pas le principe de plaisir qui gouverne
la pensée mais c’est dans le champ de l’inconscient que cela se passe.
Dans sa conscience le sujet ne reçoit que des signes de plaisir ou de
peine.
Comment appréhender les signes de la pensée ? Uniquement s’il y a des
paroles, dont Freud précise qu’elles sont ce qui caractérise le passage
dans le Préconscient qui est le lieu de passage des mouvements de
l’Inconscient. Nous ne connaissons les processus de la pensée que par
des paroles. Le connu de l’inconscient c’est quelque chose qui nous
vient en fonction de paroles. C’est ce que Freud, articule dans
l’esquisse précise que nous n’aurions de l’objet désagréable que la
notions la plus confuse. Cet objet, jamais détaché du contexte, serait
le point de « non dit » qui arracherait avec lui le contexte
circonstanciel. (Y.B dans Raviver les mots : « je pense que le fait que
le signe soit arbitraire, qu’il ne soit qu’une sorte d’objet sans
rapport essentiel avec le monde naturel, c’est bien parce que cela fait
de lui une chose et du moment où c’est une chose, cette chose a
l’infinité intérieure, tel l’absolu d’une pierre sur un chemin, c’est
l’unité du monde, qui peut revenir vers nous à l’intérieur de cette
chose.)
L’objet ne se signale qu’au niveau de la conscience à la condition que
la douleur fasse pousser un cri au sujet. L’existence du mauvais objet,
c’est le cri du sujet. La fonction de ce cri est d’être un processus de
décharge où quelque chose peut être attrapé dans la conscience. C’est
au niveau de son cri que quelque chose peut être identifié comme ce
vécu de mauvais objet qui resterait un objet obscur et inconscient s’il
n’était pas là. Il est un signe dans la conscience qui lui donne son
poids, sa présence, sa structure. Les objets qui comptent pour le sujet
humain sont des objets parlants, des autres qui, sans le savoir, par
leur discours, vont lui révéler les processus qui habitent son
inconscient. L’inconscient n’est révélé que par ce qui est articulé en
paroles. C’est ce qui permet à Lacan de dire que l’Inconscient n’a pas
d’autre structure qu’une structure de langage. La valeur, pour Lacan,
des théories atomistiques (précisant qu’elles ne recouvrent pas la
théorie de l’appareil neuronique), c’est qu’elles nous permettent
d’appréhender ce champ du langage, car elles mettent en jeu les
rapports de contiguïté et de continuité et nous permettent d’illustrer
la structure signifiante qui intéresse toute opération de langage.
(Appui sur la linguistique pour ce qui concerne la langue et les
domaines concernés par le langage)
Sur ce tableau, nous voyons un double entrecroisement du principe de
plaisir et du principe de réalité. En effet, le principe de réalité,
gouvernant ce qui se passe au niveau de la pensée, ne peut le faire que
si la pensée revient s’articuler en paroles (traduction en mots), et
ainsi venir à la connaissance du sujet dans le conscient. Inversement,
l’inconscient constitué d’éléments logiques de l’ordre du logos,
articulés sous formes d’ortho-logos, au cœur d’un lieu où s’exercent
les frayages motivés par l’attraction et la nécessité, à savoir
l’inertie du plaisir, feront valoir tel signe plutôt qu’un autre à la
condition qu’il puisse se substituer (fonction métaphorique) à un
premier signe ou, au contraire, qu’il endosse la charge affective liée
à la première expérience.
Nous voyons trois ordres qui s’ordonnent :
- une substance de l’expérience ou sujet d’une expérience, qui
correspond à l’opposition principe de réalité / principe de plaisir.
- un processus de l’expérience qui correspond à l’opposition de la
pensée à la perception. Ce processus se divise :
1) selon qu’il s’agit de la perception liée à l’activité
hallucinatoire, au principe de plaisir, et que Freud appelle réalité
psychique. Procès de fiction.
2) Processus de pensée par quoi se réalise l’activité, qui est un
processus de recherche, de reconnaissance que Freud qualifiera plus
tard de retrouvaille de l’objet. C’est l’autre face de la réalité
psychique, procès inconscient et de désir.
Au niveau de l’objet : il y a le connu et l’inconnu. Ce qui est connu
ne peut l’être qu’en paroles et ce qui est inconnu se présente comme
ayant une structure de langage.
Qu’en est-il au niveau du sujet ? En quoi consiste l’appréhension de la
réalité entre l’un et l’autre des deux principes ?
Voici la proposition de Lacan : ce qui se présente comme substance, au
niveau du sujet, au niveau du principe de plaisir, c’est le Bien du
sujet, pour autant que le plaisir gouverne l’activité subjective.
C’est la raison pour laquelle les éthiciens ont essayé d’identifier ces
deux termes : le plaisir et le Bien. Quant à nous, nous ne pouvons
mettre au niveau du substrat de la réalité de l’opération subjective
qu’un point d’interrogation.
Quelle est la figure nouvelle apportée par Freud dans cette opposition
principe de plaisir/principe de réalité ? Il ne songe pas à identifier
l’adéquation à la réalité à un Bien quelconque. Dans Malaise dans la
Civilisation, Freud dit : « assurément la civilisation, la culture en
demandent trop au sujet ».
S’il y a quelque chose qui s’appelle son bien et son bonheur, il n’y a
rien à attendre de lui-même, ni du macrocosme. Lacan termine sur ce
point d’interrogation.
---
MC : Hypothèse du Bien-dire à la place du point d’interrogation.
Cathelineau : l’objet pathologique c’est l’affection sensible, le
pathos. C’est l’inclination corporelle et celle des objets empiriques
qui peuvent le satisfaire. Le Bien : un seul mot en français, deux mots
en allemand : wohl : ce qui fait plaisir (le bien du bien-être), gut :
le bien moral (celui de la loi morale) Pour une action morale (une
éthique), nous ne devons pas nous référer à un objet pathologique, nous
ne pouvons la déterminer que dans la forme de la loi universelle. Avec
la découverte de la Chose, la loi s’articule à la visée du R qui est la
garantie de la Chose. Le bien suprême n’est pas dans l’objet mais dans
la volonté du sujet.
Michel Robin se propose pour étudier les leçons 3 et
4
Commentaires et résumé Ali Paris de
la leçon 4 M.C Laznik
Leçon III - Michel Robin -
Lacan revient sur le recours à l’Entwurf ou esquisse pour une
psychologie, sorte de base de la réflexion de Freud qui pour Lacan
s’insère dans son propos de l’année. Ainsi s’intéresser à l’opposition
principe de plaisir et principe de réalité ou à l’opposition processus
primaire- processus secondaire, c’est de l’ordre de l’éthique, c’est de
l’ordre de la dimension où se déploie l’action humaine, avec la
question d’un conflit d’ordre moral. La succession des éthiques dans
l’histoire traduit les réflexions théoriques sur l’expérience morale
avec un retour sur le même thème du plaisir apparaissant comme opposé à
l’effort moral sans oublier le souverain bien comme dernier terme.
C’est dire que la question du conflit se pose avec constance.
Freud articule la question profondément à la suite de nombreux auteurs
: Aristote dans l’Ethique à Nicomaque met au premier plan le problème
du plaisir – Lacan nous parlera de la théorie utilitariste qui est
significative du virage qui aboutit à Freud. Il importe de montrer
quelque chose de proche du procès du langage et qui est au premier plan
du fonctionnement du processus primaire et suppose le terme de Bahnung
c’est-à-dire de frayage. Freud nous précise l’essentiel du problème
moral et le vrai sens du mot réalité d’où la puissance et le côté
durable de ses conceptions, d’où l’intérêt de l’Entwurf surtout dans la
forme que lui donne la langue allemande. Lacan montre qu’ avec
l’Entwurf, en passant aussi par le chapitre VII de la Traumdeutung on
peut ainsi préciser la démarche de Freud qui va du processus primaire
au processus secondaire avec les rapports du conscient, du
pré-conscient et de l’inconscient avec les fonctions réciproques du
moi, du surmoi et du monde extérieur et tout cela autour du thème :
comment se constitue pour l’Homme la réalité. Il s’agit d’y retrouver
la trace d’une pensée éthique : l’intuition éthique qu’il y a chez
Freud. Lacan propose alors à Lefèvre-Pontalis de prendre la parole.
Lefèvre-Pontalis :
L’Entwurf relevait pour certains de l’illusion de chercher à imposer un
ordre et des lois scientifiques par le recours aux notions et à la
terminologie de la physique donnant ainsi un sentiment de rigueur :
l’appareil psychique montré comme un système de neurones animé de
modifications quantitatives. Il partage avec Lacan l’idée qu’on peut ne
voir là que le contenu manifeste du texte ce qui conduit à en réduire
la portée en voulant n’y voir que les premiers intérêts de Freud pour
l’étude microscopique du système nerveux.
L’Entwurt a été conçu à la même époque (1895) que la publication des
Etudes sur l’hystérie, époque où Freud avait déjà découvert : règle
d’association, transfert, résistance, remémoration, abréaction, pouvoir
du silence, interprétation. Il ne s’agit donc pas de la préhistoire de
la doctrine freudienne. Freud s’y engage avec une certaine exaltation,
souvent sans référence à l’expérience ; texte écrit en deux semaines et
envoyé à Fliess.
A cette époque, Freud réfléchit sur 3 mécanismes de formation des
névroses : la conversion des affects pour l’hystérie, leur déplacement
pour la névrose obsessionnelle et leur transformation dans la névrose
d’angoisse avec pour celle-ci cette question : comment une tension
sexuelle peut -elle se transformer en angoisse ?
Freud précise qu’à une excitation donnée il faut une réponse donnée, et
pas n’importe quelle décharge sinon pas de liaisons avec des groupes de
représentations, c’est-à-dire pas de médiation d’où l’angoisse telle
qu’elle se manifeste dans la névrose actuelle
Comment s’effectuent ces médiations, c’est la question de Freud à cette
période. On peut se demander, devant cette première construction de
Freud, quel rôle joue la réalité. L’organisme, nous dit Freud, se
trouve dépassé par les stimulations internes, conséquences de la vie et
il ne trouve, dans son équipement, dans ses montages, aucun moyen de
réponse, ni une quelconque marche à suivre. Pourtant il va édifier sa
fonction secondaire avec un appareil psychique qui dès lors se trouve
confronté à la dimension éthique.
La fonction primaire reste toujours prévalente mais se complexifie et
c’est là que se situe ce que Freud appelle l’épreuve de satisfaction.
C’est une expérience tout à fait originelle vécue par l’enfant
: tension créée par le besoin intérieur quand l’enfant est totalement
dépendant de l’extérieur ; par exemple, l’enfant alerte une personne
extérieure par ses cris ; l’image de l’objet est investie de même que
le mouvement réflexe et c’est réactivé lors d’une nouvelle tension ; il
en résulte quelque chose d’analogue à une perception, c’est-à-dire une
hallucination qui vient reproduire
le phénomène ( processus primaire ) et le désir trouve là son principe
par la pensée ( processus secondaire ) .Ceci conduit au fait qu’on ne
se livre à l’épreuve de la réalité que parce que les objets autrefois
cause de satisfaction réelle ont été perdus, ( fonction de mythe dans
le développement ultérieur).
Un seul principe intervient, c’est le principe de plaisir et les
systèmes secondaires servent à la fonction primaire et favorisent même
le leurre hallucinatoire.
On peut même dire que le désir ignore le principe même de sa
satisfaction effective et ne fait aucune différence entre la
satisfaction hallucinatoire et la satisfaction réelle. Le processus
primaire reste prévalent et l’indice de réalité très limité. Le désir
est ainsi très dépendant du principe de plaisir. L’indice de réalité
n’opère qu’avec le système φ qui opère une sorte de filtrage pour
maintenir une homéostase.
Freud envisage un 3ème système, le système de la perception, ω, qui
tend à échapper aux considérations énergétiques et reste relativement
indépendant. C’est alors que la conscience peut refléter le monde
extérieur qui jusque-là a été mis entre parenthèses concernant sa
structure objective.
Pour que l’indice de réalité fonctionne ; pour qu’il y ait distinction
effective entre perception et représentation il faut que l’indice de
réalité soit retenu comme critère ; il faut la régulation du système Ψ.
Freud dit : « Cette inhibition, due au moi, rend possible la formation
d’un critère permettant d’établie une distinction entre la perception
et le souvenir. » Sans ce système, il n’est pas possible d’échapper au
leurre hallucinatoire, c’est-à-dire de ne pas aller trop fort du côté
de l’investissement des souvenirs de satisfaction.
Lefèvre-Pontalis fait alors une remarque qui semble aller à l’encontre
de Lacan quand il parle de l’inconscient comme n’ayant d’autre
structure que celle du langage. Il ressort du texte de Freud que la
médiation des mots serait secondaire à celle du corps propre ; et plus
loin que ce que le refoulement refuse à la représentation c’est la
traduction en mots destinés à rester liés à l’objet. Il y a là quelque
chose à remarquer et qui n’est pas sans rapport avec la question même
de l’éthique, c’est l’opposition souvent faite entre ce qu’il en serait
du corps et de la biologie et la question du langage qui ne serait pas
aussi rigoureuse et « scientifique ». Cette différence est encore
soulignée par le fait que, avoir entendu ou vécu quelque chose sont de
2 choses de nature psychologique tout à fait différente ; idée reprise
à propos de la question du trauma comme échappant au départ à toute
espèce de symbolisation. Il y a là des questions qui restent ouvertes
et Lefèvre-Pontalis nous dit qu’on pourrait, contrairement à ce qu’il
nous expose concernant Freud, envisager le sujet « moins comme porteur
de signifiant que comme porté par lui et exposé à ses lois ».
J. Lacan : Lacan le remercie d’avoir présenté les arêtes vives d’une
question et lui fait remarquer qu’il aurait fallu détailler la position
de la Bahnung ( cheminement ) et de l’expérience de satisfaction ; et
aussi fournir un rappel de ce que suppose, comme topologie, le système
φ, Ψ, ω. Bahnung pourrait même être rapproché de la chaîne signifiante.
Il importe de mettre l’accent sur le rapport du principe de réalité et
du principe de plaisir. Ce dernier ne semble pas se concevoir dans des
termes de nature biologique. L’expérience de satisfaction est suspendue
à l’autre, le Nebenmensch, c’est-à-dire littéralement : l’être humain
qui est à côté et bien sûr en tant que sujet parlant. Ce qui semble
conduire du fait qu’il n’y a aucune raison que la réalité se fasse
entendre et vienne à prévaloir (aperception de la réalité). Freud
précise que dans le système Ψ est retenu quelque chose qui jouera un
rôle essentiel même après décharge complète, sans repos dernier, mais
persistance du fonctionnement du principe de plaisir. Ce qui est
exogène et vient du système φ en complications. D’un système à l’autre
la structure est transformée : d’un côté « Anfbau » (construction) et
d’autre par « Abfuhr » ( rejet) dans l’appareil nerveux dont nous parle
Freud. Freud montre qu’il faut, quand on fait des hypothèses, souligner
l’arbitraire des constructions. Lacan parle plutôt d’une topologie de
la subjectivité avec dans le système Ψ une partie ouverte aux
excitations exogènes et une partie ouverte aux excitations endogènes là
où il n’y a pas d’appareil transformant les quantités. Par rapport à la
partie du Ψ tournée vers l’endogène il y a une partie, les «
Schüsselneuromen » (les neurones clés !) ; partie qui va provoquer des
mouvements qui augmentent la tension avec un rôle dans les névroses
actuelles. Là règne le principe de l’articulation par la Bahnung et là
se produit le phénomène hallucinatoire de la perception et de la fausse
réalité qui est le fait de l’être humain. C’est là que se forment, de
façon inconsciente, les processus orientés par la réalité et là que le
sujet retrouve le chemin de la satisfaction ; laquelle ne doit pas être
confondue avec le principe de plaisir. Parlant du fonctionnement normal
de l’appareil psychique, Freud parle de spezifische Action
correspondant à la satisfaction qui correspond à l’objet retrouvé et au
fondement du principe de répétition. A cette spezifische Action il
manquera toujours quelque chose, dit Lacan, c’est ce qui se passe au
moment où se produit la réaction motrice, l’acte pur, la décharge d’une
action. Lacan avec Freud nous fait remarquer une chose inhérente à
l’expérience humaine : la distance de l’articulation du souhait chez
l’homme à ce qui se passe quand son désir prend le chemin de se
réaliser ; ce qui mène à la question : pourquoi il y a t -il toujours
là quelque chose qui sera très loin de la satisfaction et qui ne
comportera pas les caractères recherchés dans l’action spécifique ? Il
note le terme de « qualité monotone » par rapport à la recherche du
sujet. Il y a là à réfléchir sur la question de l’expérience morale
dans cette recherche d’une qualité archaïque, presque régressive qui
vient animer toute la tendance inconsciente. Un rapprochement doit être
fait entre le fait qu’il ne peut y avoir de réalisé, de satisfaisant et
le sens moral.
Leçon IV
Lacan aborde la question de la Chose , das Ding. Il rapproche à la
fois les ambiguïtés concernant l’opposition principe de plaisir –
principe de réalité, la question de l’éthique et des questions
linguistiques. Il y a en allemand une distinction à faire entre das
Ding et die Sache . (Il semble bien que les études et distinctions
faites sur les signifiants nous rapprochent de la question de
l’éthique.) La chose, dans la langue allemande, das Ding, rassemble les
résultats une opération juridique avec la réunion complète des éléments
(Vollversammlung) (réunion complète). L’approfondissement linguistique
avec les traces de la tradition et des générations n’est pas ce qui
doit nous guider. Il s’agit surtout de repérer l’usage du signifiant
dans sa synchronie et la façon dont das Ding et Sache sont utilisés
couramment. Ainsi dans un dictionnaire étymologique, la connotation
juridique de Sache se retrouve aussi. Et pourtant les deux termes ne
sont pas équivalents. Cette distinction est reprise un peu plus loin à
propos de ce qui chez Freud concerne Sachvorstellung comme appartenant
à l’inconscient et Wortvorstellung comme appartenant au préconscient ;
ce qui semble aller contre ce que Lacan affirme sous la forme :
l’articulation signifiante donne la véritable structure de
l’inconscient. Reprenant l’article die verdrängung, le refoulement,
Lacan montre qu’il opère sur les signifiants et que là va s’opérer une
relation du sujet au signifiant. Freud montrait aussi dans cet article
la prévalence des affinités de mots dans ce qu’il appelle le monde du
schizophrène. C’est à partir des signifiants et du refoulement que
Freud souligne qu’il est possible de parler d’inconscient et de
conscient.
Lacan reprend ce que Freud montre comme opposition entre
Wortvorstellung et Sachvorstellung et en souligne la difficulté voire
l’impasse. Il est important de distinguer l’opération du langage comme
fonction avec un rôle dans le préconscient et la fonction du langage
comme structure ; c’est selon cette structure que s’ordonnent les
éléments mis en jeu dans l’inconscient. Lacan fait remarquer que Freud
parle de Sachvorstellung et non de Ding vorstellung : la faille des
mots ( Sache) en a porté le grain ( Wort) . Les choses du monde humain
sont des choses d’un univers structuré en paroles. Les processus
symboliques gouvernent tout. Le processus symbolique est inopérant dans
le monde animal et il ne s’agit pas d’une différence d’intelligence.
Importance d’une connaissance du processus symbolique !! (une remarque
sur les rapprochements un peu rapides du monde humain et du monde
animal et la confusion entre langage et code). Die Sache est donc la
chose au sens de la chose concrète, chose que notre intérêt peut faire
venir à la conscience, là où viendra s’articuler le mot. Sache et Wort
situés là comme un couple. Il y a , nous dit Lacan, autre chose dans
das Ding. Ce qu’il y a dans das Ding, c’est le secret véritable, car le
principe de réalité est en quelque sorte toujours tenu en échec et
n’aboutissant à se faire valoir que par une sorte de pression qui nous
est montrée par l’expression du texte allemand « die Not des Lebens » ?
Expression qui traduite, montre la quantité d’énergie nécessaire à la
conservation de la vie. Cela au niveau du processus secondaire.
Le
principe de réalité dépend du monde physique extérieur mais agit
lui-même comme isolant le sujet de la réalité. L’appareil appelé par
Freud système φ, est dirigé vers l’extérieur et les perceptions
corporelles et tout cela vient s’inscrire d’une façon discontinue selon
une échelle, en somme, coupée aux deux extrémités, raccourcie selon les
différents champs de la sensorialité qui sont intéressés ; cela agit
comme un tamis selon la valeur que l’on peut donner à ces perceptions.
Quelque chose trie, tamise et fait que la réalité n’est aperçue que
sous une forme profondément choisie. Freud nous montre que c’est la
fonction de signe qui intervient. Ces signes nous avertissent de la
présence de quelque chose qui se rapporte au monde extérieur ; quelque
chose avec quoi la conscience humaine doit se débrouiller. Mais
s’agit-il bien là du principe de réalité dont nous parle Freud ? Le
monde, lui, se présente comme un monde de hasard, un monde chaotique .
C’est ce que Lacan va nous proposer avec la notion de das Ding.
Reprenant le tableau de la leçon II qui oppose Lustprinzip et
Realitätsprinzip, Lacan montre que « c’est du côté du principe de
plaisir que ce qui est inconscient fonctionne » et de l’autre côté les
processus de pensée dominés par le principe de réalité sont eux-mêmes
inaccessibles et ne parviennent à la conscience que pour autant qu’on
peut les verbaliser comme autant de ruses de la pensée. « Il y a
surabondance de raisons pour nous faire croire à je ne sais quelle
rationalité de la succession de nos formes endopsychiques ». La
véritable liaison est ailleur . Le processus de pensées inconscientes
qui implique l’accès à la réalité ne nous est accessible que pour
autant que les rapports sont parlés, qu’il y a mouvement de la parole (
Bewegung) avec quelque chose qui s’intercale dans le circuit et tend,
au niveau de l’appareil φ, à maintenir un niveau bas de tension avec un
mouvement de rejet ( Abfufr). Quelque chose peut ainsi être amené à la
conscience, sous le signe du principe de plaisir, dans la mesure où il
y a sentiment de mouvement, sentiment d’effort. Le monde humain
s’organise dans un cheminement de représentation en représentation. Au
niveau du système Ψ, quelque chose est ainsi rétroactivement perçu sous
la forme Wortvorstellung. Le système ω peut enregistrer quelque chose
et Freud fait prudemment allusion à une perception endopsychique. Dans
le système Ψ Freud isole le système de l’Ich, situé plus tard comme en
grande part inconscient et à propos duquel on peut parler d’un
investissement égal ou uniforme et pour lequel on peut parler de
fonction régulatrice. Le système qui perçoit, qui enregistre, la
conscience est un appareil qu’il faut que Freud invente, qui serait
intermédiaire entre le système ω et le système φ sans être pour autant
à la limite des deux. Le système φ pénètre et se ramifie dans le
système Ψ dans lequel il n’abandonne qu’une partie de ce qu’il lui
apporte. Le système ω, lui, ne recueille pas son énergie de la quantité
extérieure mais il en enregistre la période et permet de situer
l’attention sur tel ou tel point du circuit en lien, là encore, avec le
principe de plaisir. Lorsque avec Freud nous essayons de nous
représenter le fonctionnement du système perception- conscience, nous
voyons que c’est autour de la succession des inscriptions (
Niederschriften) qu’il fait tourner sa théorie, de la mémoire avec
l’exigence d’ordonner les traces mnésiques et ce vers une conception
cohérente de l’appareil psychique. L’impression du monde extérieur est
marqué selon Freud comme une inscription ( Niederschrift) et même comme
quelque chose qui fait signe et qui est de l’ordre d’une écriture.
Première
inscription avant 4 ans puis après jusqu’à l’âge de 8 ans une
inscription plus organisée pouvant mener à la constitution d’un
inconscient. . Ainsi toute la chaine qui va de l’inconscient le plus
archaïque jusqu’à la forme articulée de la parole chez le sujet, se
passe entre perception et conscience et ce n’est pas tellement à
identifier au point de vue de la topologie subjective avec un appareil
neuronique. C’est pour autant que la structure signifiante s’interpose
entre perception et conscience n que l’inconscient intervient et que le
principe de plaisir intervient selon la structure de l’expérience
accumulée. L’économie totale de l’appareil suppose un entrecroisement.
C’est la structure qui règle la décharge. C’est la fonction qui la
retient et en soutient les réserves. C’est sur cette base qu’entre en
jeu la première appréhension de la réalité comme telle par le sujet.
Réalité qui intervient sous la forme de ce qui a rapport, de la façon
la plus intime, du sujet avec le Nebenmensch. En fait, das Ding, la
Chose, l’objet de l’inceste est l’élément qui, par le sujet, est à
l’origine isolé, dans les deux termes de l’expérience de Nebenmensch,
comme ce qui est de sa nature étrange. Lacan reprend plus loin ce que
dit Freud : « le but premier et le plus proche de l’épreuve de réalité
n’est pas de trouver un objet dans la perception réelle qui corresponde
à ce que le sujet se représente sur le moment, mais de le retrouver ,
de se témoigner qu’il est encore présent dans la réalité. » C’est là
que das Ding comme étranger et comme premier extérieur joue un rôle de
référence par rapport au monde des désirs. Ce qu’il s’agit de trouver
ne peut en fait être retrouvé puisque c’est de sa nature que l’objet
est perdu comme tel, que quelque chose est là en attendant mieux, ou en
attendant pire, mais en attendant.
( Das Ding devient donc l’Autre
absolu du sujet .) « Ce qui est cherché, c’est cet objet par rapport
auquel fonctionne le principe de plaisir. Ce fonctionnement est dans
l’étoffe, dans la trame, le support sur lequel toute l’expérience
pratique se réfère. Eh bien, cette expérience, cette action spécifique,
comment Freud la conçoit-il ?
Reprenant la lettre 52 à Fliess, Lacan
précise d’abord ce qui se produit dans l’accès hystérique qui n’est pas
une décharge mais une action qui concerne le caractère inhérent à toute
action : être le moyen de se procurer du plaisir. Dans l’Hystérie, il
s’agit de la crise de pleurs. Tout est réglé sur l’autre, cet autre
préhistorique que personne n’atteindra jamais plus ; avec une action
dont la fin est de retrouver das Ding et de recréer un état centré par
cet objet qui lui-même est le support d’une aversion. C’est en tant que
l’objet premier est objet d’insatisfaction que s’organise l’expérience
spécifique de l’hystérique. Freud a fait remarquer aussi que c’est par
rapport à das Ding que s’organise l’expérience de fond de la névrose
obsessionnelle par rapport à un objet qui risque d’apporter trop de
plaisir. L’obsessionnel se règle pour éviter ce qu’il voit souvent
assez clairement comme le but de son désir. Et de fait, le principe de
plaisir suppose un mode de fonctionnement qui est justement d’éviter
l’excès, le trop de plaisir. (et ceci n’est pas sans rapport avec la
réalité éthique). Concernant un 3ème terme, la paranoïa, Freud
s’exprime avec le terme : « Versagen des Glaubens » ( « échec des
croyances ») pour nous dire qu’à ce premier étranger par rapport à quoi
le sujet a à se référer d’abord, le paranoïaque n’y croit pas.
(attitude radicale du paranoïaque qui se situe dans le rejet d’un
certain appui dans l’ordre symbolique ). C’est pourtant autour de cet
appui que va se faire la division de deux versants du rapport à das
Ding. C’est par rapport à das Ding que Lacan désigne comme le «
hors-signifié » antérieur à tout refoulement, que se fait le premier
choix, la première assise de l’orientation subjective que l’on peut
appeler le choix de la névrose ; lequel vient régler toute
l’orientation par rapport au principe de plaisir. Plus loin, Lacan fait
remarquer que la fonction de das Ding a été abordée indirectement dans
les essais de la philosophie de la science par Emmanuel Kant. Nous
devons avec Kant voir le point de visée selon lequel se présentera une
action que nous qualifierons de morale ; action qui suppose un certain
courage ( gut). La Chose ne se présente à nous que pour autant qu’elle
fait mot. L’étranger et l hostile comme première réalité pour le sujet
humain se manifeste pour Freud par le cri. Pourtant paradoxalement le
mot, comme dit quelque part La Fontaine, c’est ce qui se tait. Les
choses muettes ont pourtant un rapport à la parole. Pour terminer cette
leçon IV, Lacan nous propose 2 situations extrêmes où das Ding
intervient comme l’Autre absolu du sujet.
-Des situations de
désarroi, de détresse où surgit un « toi » ou un prénom d’appel : toi
de dévotion ou d’apprivoisement de cet autre préhistorique.
-Des
situations où quelque chose nous est imputé de façon extrême suscitant
l’idée de dasDing et qui provoque un « moi » de protestation qui
expulse quelque chose et qui dénonce
Jean-Jacques Lepitre pour les leçons 5 et
6
Leçon 5
Lacan commence en rappelant que la psychanalyse a pu paraître à
certains promouvoir le règne des instincts, elle n'en a pas moins
souligné l'importance de l'instance morale, et du sentiment de
culpabilité inconscient qui en émane, c'est ce qu'il entend serrer dans
son séminaire afin de mettre en évidence la révolution de pensée
incluse dans l'approche freudienne dans le domaine de l'éthique "Das
Ding", il l'a extrait d'un petit passage de "L'esquisse", où Freud
décrit le mécanisme en jeu du jugement de reconnaissance perceptive où
est nommée "neurone a" la chose et "neurone b" son attribut, sa
propriété, dans le système Psy, dans la mémoire. Il en retrouve la
trace dans l'article "La dénégation". Freud à propos du jugement
d'existence y distingue la chose et ses attributs, dans la mesure où la
perception, mesure de la réalité, n'est pas celle d'un objet
correspondant au représenté mais la retrouvaille, c'est à dire la
mesure nécessaire de la plus ou moins grande coïncidence de leurs
attributs. C'est cette nécessité de mesure qui serait l'indice de
réalit. Et c'est cette nécessité d'une retrouvaille , et donc que
l'objet soit déjà perdu, qui met en place l'examen de la réalité.
Cet objet, Das Ding, poursuit Lacan n'a jamais été à proprement parler
perdu puisque n'a jamais été là, mais il s'agit néamoins de le
retrouver, et c'est cette tentative qui organise les frayages
neutronique en quoi consiste les représentations et leurs groupements,
en vertu du principe de plaisir, c'est à dire le maintien de la
quantité d'énergie au plus bas dans le sytème. Ce qui peut conduire à
la production de dérivations afin de diviser cette quantité, si elle
est trop forte, en plusieurs représentations, frayages de voies
nerveuses diversifiées. Il rappelle le détail de "L'esquisse" quant au
diamètre maximum des tuyaux, conducteurs neuronaux, susceptibles de
transmettre une énergie donné... Mais semble t-il, et est-ce un apport
de Lacan (?), ce principe de plaisir maintriendrait la représentation ,
son frayage, à une certaine distance de l'objet, (apport de Lacan, car
c'est l'atteinte de l'objet qui permet la décharge, conformément au
principe de plaisir). Mais objet, ici, comme Das Ding. Mais qui portant
vise bien la satisfaction des besoins vitaux, mais qui trouverait sa
limite en un certain seuil supérieur de quantité, qui serait différent
de la polarité plaisir, déplaisir. N'y a t-il pas là de sa part une
étrangeté de faire sortir cette limit, la douleur donc, de la
construction freudienne. Puisque, pour autant, il le précise c'est
l'impossibilité de la décharge motrice, hypothèse freudienne, amenant
la baisse de quantité par satisfaction du besoin ou fuite de
l'agression qui provoque la douleur. par exemple pour les douleurs
d'origine interne. Et il note la proximité des neurones moteurs et de
la douleur au niveau de la moelle épinière. Il en digrese à propos de
l'architecture où la pierre immobilisée, figée dans la construction, le
bâti présentifie quelque chose de la douleur, évocation des formes
"torturées" du baroque. Quant aux représentations, éléments imaginaires
de l'objet, leurre vital ouvert à la déception, en quoi l'apparence se
soutient, ce qui est mis en avant, ce qui se produit à partir de la
chose. C'est autour de ces représentations que tourné depuis toujours
la philosophie, au moins occidentale Mais Freud en fait un corps vide,
(? ne dit-il pas le contraire après?) de ces représentations. Il les
situe entre perception et conscience, (soit au niveau du systme Psy) où
les processus de pensée règlent, par le principe de plaisir, leurs
investissements et la structure de l'inconscient dans laquelle ils se
floculent, s'agrègent, etc. En représentants de représentations. Et ces
processus de pensée ne sont-ils pas justement ces constructions
d'agrégats, ces représentants de représentations. Qui obéissent déjà
aux lois de déplacement et de condensation: métaphore et métonymie.
Mais, d'autre part, nous ne savons quelque chose que par les
représentations de mots qui instaurent un discours, dans le
préconscient, qui s'articule, le discours, sur les processus de pensée.
Ce qui vient à la conqcience, c'est laa perception de ce discours. Il
n'empêche que ces représentations fonctionnent comme déjà dit selon les
lois de la chaîne signifante, métonymie et métaphore. Ces
représentations qui peuvent apparaître comme représentations de choses,
(? mais ne le sont-elles pas toujours?) s'opposent aux représentations
de mots, mais ne sont pas, ne se conçoivent pas comme étant de l'ordre
de Das Ding, qui est au niveau initial de la génération des
représentations. Entre Ding et Sach à différence entre objet, au sens
trivial, affaire, truc,bidule, chose... donc Sach et Chose en soi,
inconnaissable impensable, Être en soi... Das Ding. Il s'amuse en
allemand: l'affaire est le mot de la chose.. La chose au iveua des
représentations est l'absente, l'irreprésentée. Le bon et le mauvais ne
sont pas de son registre, mais de celui des représentations. Lesquelles
seraient indices d'un état, hors la chose, mais réglé, dirigé par la
chose qui est au delà. Il tente une description: à l'entrée du système
psy: les signes de perception, à la sortie: le préconscient. Dans
celui-ci, les représentations de mots reflètent en un discours les
processus de pensée, qui sont sans paroles, réglés par les lois de
l'inconscient, c'est à dire le principe de plaisir, de moindre tension.
Ces processus de pensée sont les représentants de représentations. Au
niveau de Phi, le système de perception, il y a aussi un effet de
seuil, certaines, choses, quantités, sont amoindris ou éliminées. Le
refoulement se situe au iveau des représentants de représentations. La
dénégation au niveau des représentations de mots. Celles-ci sont au
niveau du discours, du préconscient donc, et la dénégation alors
correspond à l'apparition à ce niveau de c qui est refoulé dans
l'inconscient. Il fait une digression sur le "ne" discordantiel pour
dire que lorsque Freud énonce qu'il n'y a pas de négation dans
l'inconscient, ce n'est pas que l'inconscient ne connaît pas la
négativité, la construction oppositionnelle, mais qu'il ne comporte pas
d'équivalent à une particule négative. Il glisse à la forclusion, non
du "Nom de père" mais "Nom du père". Ce n'est pas qu'un signifiant
manque dans ce qui serait la batterie signifiante minimum
correspondante à l'entrée dans le langage, 3 ou 4 signifiants selon
lui, dans l'apport perceptif, ce serait là le "Nom de père". Il évoque
quant à cette batterie minimum le fort da. Mais ce qu'il manque, c'est
la place où quelque chose contient les mots, la batterie signifiante,
place permettant à la fois la distance et la synchronise par où est
possible la dialectique différentielle du signifian. Cette place est
celle de l'Autre, celui qui est l'Autre de l'Autre. La note ici
s'embrouille un peu. Cet Autre de l'Autre, on y entend le père pour la
mère, le "Nom du père". Il ne vaut que par sa place, et ce qu'on trouve
dans le réel pour occuper cette place n'est, au sens n'a existence, que
d'être cette place même. Introduisant ansi la question du réel et
indiquant qu'elle précise ce qu'il en est du principe de réalité et
comment s'y rattache le sur-moi. Il n'endit pas plus pour l'instant. Il
réévoque la morale. Son abord le plus général, le plus commun, dans nos
sociétés, est telle qu'elle se présente dans les dix commandements.
Mais avant, il rappelle que Freud apporte comme fondement de la morale,
comme loi fondamentale qui l'institue, la loi de l'interdit de
l'inceste.Qui est aussi le désir essentiel. Car la mère est Das Ding.
Das Ding est la mère, la Chose maternelle. C'est à partir de là que se
développent toutes les ramifications morales et culturelles. Ceci est
toujours au moins un peu éludé, même chez Levi-Strauss où si on
comprend pourquoi les pères ne peuvent pas coucher avec leurs filles de
ce qu'elles soient objets d'échange rien n'est dit des mèresconcernat
les mères et les fils. Ce ne sont des raisons biologiques qui
pourraient venir justifier pareil interdit. Les croisements andogames
sont fréquents dans les recherches d'amélioration desespèces tant
animales que végétales. Non, ce que règle le rapport inconscient avc
Das Ding, c'est qu'il faut que le désir pour la mère reste insatisfait
pour que ne s'abolisse pas le monde de la demande qui structure
l'inconscient humain, et qu'aussi ne s'abolisse pas le principe de
plaisir qui fait que l'homme toujours recherche ce qu'il doit retrouver
mais ne saurait atteindre. ( nb: c'est dit de façon un peu confuse:
s'agissant de la Chose en soi, que signifierait son atteinte?). C'est
cela qui se traduirait dans la loi effective, par exemple les dix
commandements. Dans ceux-ci, il n'est pas dit qu'il ne faut pas coucher
avec sa mère, mais pour autant, peut-être bien bien, ils énoncentce qui
règle la distance à Das Ding, à la possibilité de l'inceste, à ce qui
permet qu'il y ait parole, qu'il distingue ici du discours. N'est-ce
pas plutôt cela, plutôt qu'un ensemble de règles sociales, puisque dans
la vie sociale, on n'arrête pas de les transgresser.
En conclusion, avec Freud, le Souverain Bien, c'est Das Ding, la mère,
objet de l'inceste, qui est donc un Bien interdit. C'est le fondement
renversé, par Freud, de la loi morale. Or la loi morale, effective, est
restée intacte, tout à fait positive, plutôt que renversée. On a
cherché à la place de de cet objet irretrouvable l'objet qu'on retrouve
toujours dans la réalité, même si c'est sous une forme fermée,
énigmatique, celui de la physique moderne. C'est autour de cela, à la
fin du 18ème siècle, autour de la révolution française que s'est jouée
la crise de la morale, ( Kant et Sade ).
Résumé du résumé.
C'est une leçon compliquée de ce qu'il tente de faire une relecture de
"L'esquisse" à la fois à partir de "Das Ding" et de certains de ses
concepts précédemment élaborés.
Si on part de la définition kantienne de la Chose en soi qui est la
part opaque, absolument inconnaissable de tout objet, de toute chose
perçue, par opposition à la part intelligible, c'est à dire donnant
lieu à des représentations à partir des perceptions diverses qui en
émanent. Représentations sur les quelles l'intelligence va exercer ses
capacités de combinaison, d'association, de reconnaissanc. On entend là
ce que Lacan à la suite de Freud nomme les processus de pensée, dans
l'Esquisse..
Lacan, à partir de deux lignes de l'Esquisse, où Freud semble faire
cette distinction même qu'indique Kant, entreprend une relecture du
mouvement même de l'énergie, décrit dans l'Esquisse, régulée par le
principe de moindre tension du principe de plaisir, mouvement qui est
celui
du désir de retrouvaille de l'objet, Das Ding, qui comme tel n'a jamais
été là, mais qui est toujours à retrouver, mais donc jamais
atteignable, puisqu'il n'est pas.
Cette Chose originelle, inconnaissable en tant que telle, c'est la
mère. C'est sur elle que porte l'interdiction de l'inceste. Loi unique
et fondamentale, et désir premier, selon Freud. Car à atteindre
l'inatteignable, ce seraient les lois de la parole et la structuration
de l'inconscient qui seraient remises en cause, englouties peut-être
par
l'opacité de Das Ding, ou plutôt de parvenir à son inexistence même.
L'interdit vient circonscrire, recouvrir ce qui n'est pas.
Leçon 6
Das Ding est au coeur du monde subjectif où le signifiant est dans
l'inconscient mêlant ses repères à ceux que le sujet a de son
fonctionnement d'organisme naturel, d’être vivant.
Das Ding est là au centre, mais en tant qu'elle n'est pas, qu'elle est
exclue, cf l'objet a dans le noeud. Il n'y a que la représentation. Et
le bien attaché à Das DIng. Mais ce bien est un attribut, une
représentation donc, telle que résultant des frayages. Ce bien, il
l'entend au sens où Kant entend le bien-être, le bonheur, le confort du
sujet, se référant donc à Das Ding, mais dont la loi est le principe de
plaisir, où se résout une tension liée à des leurres, à des signes, les
représentations, que la réalité honore ou pas. Ces signes, qu'il
rapproche des signes du changeur qu'il a évoqué dans "la causalité
psychique", au travers de leur répétition comme signes du désir
indestructible, filtrés dans la dichotomie plaisir/déplaisir, et où se
règle la distance à Das Ding, source de tout bien-être, et qui serait
ce que certains ont nommé "le bon objet".(nb: attention pour Kant
justement il y a différence radicale entre bien-être et Bien, ou Bon).
Différence que Lacan reprend, au delà du bien-être du principe de
plaisir, se dessine le Bien, le Bon de Das Ding, se pose la question
kantienne non du sujet intelligible comme la note l'indique, mais de
l'être qui a une volonté libre comme cause. Das Ding est ce qui déjà
fait loi au niveau de l'inconscient et dont le sujet n'a aucune
protection. Et ce Bon du coup est aussi bien le mauvais, mauvais objet
comme le théorise Mélanie Klein. Mais Das Ding comme telle n'est jamais
ni bonne, ni mauvaise. Et le sujet s'en tient à distance, il ne saurait
supporter l'extrême du bien que peut lui apporter Das Ding. ( nb: Là,
il y a dans cette distance un a priori que pose Lacan avec une
question: est-ce par trop de jouissance ou est-ce le néant de la Chose
en soi comme inconnaissable?). Mais le sujet n'en a aucune protection,
puisque Das Ding est au delà de l'entendement en même temps qu'interne.
Il ne peut faire que des symptômes, et non des déplacements,
substitution ou métaphores, comme défenses, au sens où le moi ne peut
que s'automutiler, comme le lézard s'automutile pour se défendre en
coupant sa queue. Cette défense, cette automutilation, c'est un
mensonge sur le mal, concernant Das Ding. Le sujet au niveau de
l'inconscient ment. Freud le décrit dans "l'esquisse": premier mensonge
de l'hystérie. A savoir, cette jeune fille ayant la crainte d'être
seule dans les magasins et qu'on se moque d'elle à cause de ses
vêtements. Du fait, qu'à 12 ans, émue par un jeune vendeur, elle ait
cru qu'on se moquait d'elle à cause de ses vêtements. Là est le
mensonge, la transformation mensongère de ce qu'elle avait été pincée
sexuellement, au travers ses vêtements, dans un magasin, par un vieux
barbon, à 8 ans. La représentation, dans le système Psy, mensongère du
vêtement, est l'indice de Das Ding devenue mauvaise que le sujet ne
peut formuler que par le symptôme. Voilà aussi ce que l'expérience de
l'inconscient ajoute à la question éthique, qui a aussi rapport avec le
second principe, corrélat du principe de plaisir, le principe de
réalité qui n'est pas simplement l'échantillonnage au niveau de la
conscience, ou de la conscience perceptive, des signes d'adéquation
avec la représentation. (nb: dans "l'esquisse", c'est plutôt les signes
d'inadéquation, d'obligation de réajustement, de retrouvaille de la
représentation avec des indices que partiellement correspondants). La
réalité, c'est aussi, au delà de cette adéquation, (mais qui est aussi
être à la même place?), ce qui serait toujours à la même place. Il fait
référence à la sphère céleste de l'Antiquité. Et ce qui a pu en être
changé par la physique de Newton et jusqu'à aujourd'hui où rien ne
reviendrait à la même place.(nb: les planètes ont toujours des orbites
régulières?). Or, dit-il, l'éthique reste attachée à ce qui revient à
la même place, (en effet la loi morale ne saurait varier). Cette même
place ne peut évoquer les structures élémentaires de la parenté, ou
quelconque organisation sociale comme constantes, car malgré tout elles
sont susceptibles de varier. L'éthique est au delà. Elle est là où le
sujet se pose la question du bien dans les structures sociales et est
amené à découvrir la liaison de ce qu se présente comme loi à la
structure du désir. Désir que Freud présente comme le désir de
l'inceste, mais dont le sujet se tient sans cesse à distance (nb: parce
que la loi ou parce que Das Ding?). Mais distance proche, intime, comme
l'est le bon voisin, le prochain secourable premier, cf "l'esquisse",
où Freud notait là l'origine de la morale. Et "aimer son prochain comme
soi-même", c'est la loi du sujet humain à lui-même, qu'il se fasse son
propre prochain.
La loi morale a cette visée du réel comme garantie de la Chose. ( nb:
de quel réel s'agit-il ici? est-ce la réalité de pouvoir la
retrouver?). La crise de l'éthique, telle que manifestée par Kant,
c'est lorsque le réel est remis en question par la physique demandant à
reposer la question de la raison comme pure capacité, logique, et la
loi morale, fondée de cette raison, ne peut avoir pour référence nul
objet de passion, comme nul bien-être, car alors elle serait variable
en fonction de l'objet ou de la définition du bien-être. Il en découle
la définition de l'acte moral: "Agis de telle façon que la maxime de ta
volonté vaille comme loi universelle". La maxime étant la loi donnée à
soi-même, par soi-même, pour déterminer l'action entreprise par la
volonté. L'éthique donc. Cela sous-entend que la volonté soit libre
pour déterminer en raison la maxime, et que cette liberté soit générale
pour que la réciprocité inclue dans l'universalité soit possible. C'est
un point essentiel qu'il n'aborde pas. Ceci, cette volonté libre et
bonne, ne vise en effet aucun bien-être, aucun bien au sens commun. Il
se répète. Et même, dit-il, si Kant ne se faisait aucune illusion sur
l'application possible de son éthique, celle-ci a tout son intérêt pour
les hommes contemporains, ( nb: les lois démocratiques). Il s'amuse,
détournant la maxime kantienne: aujourd'hui ce pourrait être: "N'agis
jamais qu'en sorte que ton action puisse être programmée". Mais
ajoute-t-il la maxime kantienne c'est aussi de considérer la maxime de
l'action comme la loi d'une nature où nous serions appelés à vivre.
D'une nature et non d'une société car celle-ci est plutôt le lieu des
transgressions des diverses maximes. ( nb: cette question de nature est
un peu délicate, car si c'est à partir de sa prépondérance, la science
ayant mis à mal celle de Dieu, que s'est produite la réflexion
kantienne, c'est la manque d'un instinct naturel qui permette à l'homme
de régler sa conduite qui nécessite la recherche d'une éthique non
fondé sur le besoin, le bien-être, mais sur le spécifique de l'homme: à
savoir la raison.).
Sade pour les mêmes raisons que Kant expose, lui, une antimorale dans
"Français encore un effort pour être républicains". Il commence par une
attaque radicale contre la religion, et donc Dieu, comme partie
absolument liée au despotisme. On peut noter, ce que n'évoque pas
Lacan, l'absence chez Kant de toute référence divine également. Sade
poursuit en montrant tous les avantages de la calomnie, du mensonge
donc, puisque si elle vise des méchants, elle nous en prévient en
quelque sorte, si ce sont des gentils, ils en sortiront grandis d'y
résister. S'appuyant sur les lois de la nature ou soit disant
naturelles, il va promouvoir, le vol, le meurtre, etc... S'appuyant
comme Kant sur l'universalité et la liberté de chacun, il en conclut
qu'au mieux cela amènerait à développer une saine agressivité dont la
république a besoin. Pour s'arrêter à la jouissance: chacun a le droit
de jouir de tous, et ceux-ci n'ont pas le droit de s'y dérober. Ce
droit de jouissance étant universel et réciproque. Tous y ont droit et
tous doivent s'y soumettre. Et les femmes comme les hommes. Elles ont
les mêmes droits de jouir de qui elles veulent. C'est beaucoup plus que
ce que Lacan en dit: qu'elles sont libérées de leurs devoirs habituels
que la société leur impose. Sade apparaît donc comme l'envers
caricatural de Kant. (nb: il est à noter que l'universel de la
réciproque de Sade exclut la synchronie: on ne peut être dans le même
temps baiser et baisé, tueur et tué.) Peut-être y a t-il là l'échec de
l'éthique dans sa référence au principe de réalité interroge Lacan,
dans son rapport à Das Ding, que Kant a relevé, que Sade a illustré,
que ce qui vient à contester le non sentimental de la volonté, c'est la
douleur. Dans Sade, l'extrême du plaisir, qui consiste à forcer l'accès
à la Chose, est insupportable, et c'est ce qui rend difficile ses
constructions, comme cela rend difficile les aveux des fantasmes des
névrosés.
Cet échec de l'éthique est-il la raison de ce que les dix commandements
soient toujours présents sous-jacents y compris dans des sociétés qui
s'y montreraient les plus opposée, comme les sociétés socialistes. Ces
dix commandements énoncés par un "Je suis ce que je suis", c'est ainsi
qu'ici il traduit(?), il les commente. Le premier: "Tu n'adoreras
d'autre dieu devant ma face... Est-ce à dire qu'ailleurs? Le second,
bannissant les images, n'est-ce pas l'interdiction de l'imaginaire?
L'obligation du shabbat, c'est la création d'un trou dans la
continuité. Il s'arrête sur "Tu ne mentiras pas". Cela inscrit, dit-il,
le lien intime du désir avec la loi. A rapprocher du sophisme: "Tous
les hommes sont menteurs or moi qui le dit suis un homme". "Tu ne
mentiras pas" sépare le sujet de l'énonciation de l'énoncé, cf la
solution du sophisme, et comme loi inclut le mensonge comme désir
fondamental. Et si les avocats refusent le détecteur de mensonges pour
leurs clients, c'est qu'à objectiver la parole du sujet on nie qu'elle
puisse dire la vérité en mentant, et mentir à vouloir dire la vérité.
Ce qui fait de ce commandement une des pierres angulaires de la
condition humaine. Un autre commandement: "Tu ne convoiteras pas la
maison, la femme, l'âne, etc, de ton prochain". C'est en tant que
chacun de ces objets sont la Chose de mon prochain qu'il m'est interdit
de les prendre. Et ce commandement préserve la distance de la Chose.
Alors est-ce que la loi est la Chose? Curieuse question puisque
d'évidence non. Toutefois se répond-il, je n'ai de connaissance de la
Chose que par la loi. Et là, il cite St Paul, "épitre aux romains", en
remplaçant "péché" par "Chose". "La chose produit en moi toute sorte de
convoitises grâce aux commandements. Car sans la loi, la chose est
morte. Or j'étais vivant sans la loi. Et quand le commandement est
venu, la chose a flambé, est venue de nouveau, moi j'ai trouvé la
mort." Il conclut que le rapport de la chose à la loi ne saurait être
mieux défini. (nb: n'est-ce pas étrange de substituer, et de ce fait
d'égaliser "chose" et "péché", d'autant que le texte de St Paul dit que
c'est la loi qui, créant le péché, produit la mort? Alors de quelle loi
s'agit-il? Celle qui produit, ou celle qui indique la Chose? La loi de
l'inceste qui recouvre l'inconnaissable de la Chose en soi, celle du
signifiant qui la produit?). Est-ce que la découverte freudienne,
l'éthique psychanalytique nous laisse suspendus dans ce rapport du
désir et de la loi qui ferait que notre désir n'est dans un rapport à
la loi que désir de mort... grâce à la loi, le désir prend ce caractère
pécheur (péché = manque). Nous avons à explorer ce qui, dans la raison
humaine, est capable de transgresser cette loi, pour produire au-dessus
de la morale une érotique. En fait, c'est ce qu'ont fait toutes les
religions, ce que Kant appelle les rêveries, les fantaisies
religieuses. Et là une remarque quand même de ce qu'il ne dit pas,
c'est que Kant comme Sade, ce à quoi ils ont affaire, c'est à la chute
de toute référence religieuse, transcendante, à savoir de devoir fonder
une morale à partir du seul monde matériel naturel. Y aurait-il quelque
chose autour de la religion de sa part? Il finit par un jeu de mot: Si
la question de Das Ding reste suspendue autour du manque, du péché, du
dam, selon St Paul peut-on glisser à la Dame, et jouant sur
l'étymologie dans un rapprochement avec danger, domination. Etre au
pouvoir de l'Autre, c'est être en grand danger. (nb: retour au danger
de Das Ding ?).
Corinne Vallet pour la leçon 7
Leçon VII – de la pulsion doctrine freudienne de la sublimation
Lacan se propose de nous mener en un point problématique non seulement
de la doctrine de Freud
mais de notre responsabilité d'analystes. La sublimation. Cette autre
face de cette exploration que Freud a fait en pionnier des racines du
sentiment éthique.
La question est de savoir si pour nous qui nous trouvons avec Freud à
portée de donner une critique nouvelle quant aux sources, à l'incidence
réelle de la réflexion éthique, si l'expérience analytique relève du
Bien ?
Selon Lacan nous ne pouvons faire l'économie de cette question.
Freud quelque part dans les 3 essais sur la sexualité 1905 emploie deux
termes corrélatifs pour qualifier les effets de l'aventure libidinale
individuelle, fixation fixierbarkeit, (en tant qu'elle est tentative de
rendre explicable de l'inexplicable ), et haftbarkeit, traduit par
persévération, à la curieuse résonance en allemand de responsabilité,
d'engagement et c'est bien de cela aussi qu'il s'agit dans notre
histoire collective d'analystes … . Lacan nous fait remarquer que n'est
pas d'un seul trait que Freud a poursuivi le chemin dont il nous a
légué les jalons et qu'il se peut aussi que nous soyons , par les
effets des détours de Freud, accrochés à certains points de sa pensée
sans avoir pu nous rendre compte de son caractère de contingence comme
tout effet de l'histoire humaine ...
Lacan va s'attacher dans un 1er temps à qualifier ce qu'il pourrait en
être de l'analyse dans l'ordre éthique.
Au 1er abord elle pourrait nous sembler recherche d'une morale
naturelle.
Quelque chose qui nous conduirait via la maturation des instincts à un
équilibre normatif avec le monde.
Lacan désigne ironiquement de « pastorale analytique » ce « chant des
sirènes » ou « prêche moderne » qui entretient le malentendu, l'
imposture d'une harmonie naturelle avec l'objet que l'analyse
permettrait de retrouver, dénonçant ainsi les tenants du « génital love
» .
Cette dimension de la pastorale n'est jamais absente de la civilisation
et n'a jamais manqué de s'offrir comme recours à son malaise. Mais s'il
y a une chose que nous apportent les travaux de Freud c'est bien que
l'analyse ne relève pas du tout d'une amélioration naturelle mais bien
plutôt de la mauvaise incidence, de ce qui tombe mal, voire même de
quelque chose qui se présente avec un caractère de méchanceté.
C'est celle que dégage Freud de plus en plus tout au long de son œuvre
via les obstacles et impasses repérés dans sa clinique traduits dans la
notion d’un « Au-delà du principe de plaisir » et qu'il porte à son
point maximum d'articulation quand il étudie les mécanismes de la
mélancolie ou le « Malaise dans la civilisation ».
C'est la nouveauté du séminaire ce que Lacan désigne comme « le secret
du principe de réalité » qui bien loin de s'opposer au secret du
principe de plaisir se dédouble entre ce qui est réglé par les lois du
langage en phase avec le principe de plaisir et un Au delà, terme qui
revient sans cesse, étranger et pourtant intime, « extime » aussi
difficile à nommer qu'à approcher que Lacan va désigner comme la chose .
Ce que Freud a mis en avant, c'est un conflit concernant la pulsion
sexuelle, aussi entre Eros et la pulsion de mort, la pulsion de
destruction, laquelle nécessite d'être réprimée et se paye pour le
sujet de culpabilité, et à l'échelle sociale d'un malaise. Freud a
développé la théorie du surmoi lui permettant d'expliquer le besoin de
punition, le retournement de la pulsion agressive contre le sujet lui
même.
Lacan pointe ce paradoxe par quoi l' instance morale du surmoi se
manifeste d'autant plus exigeante qu'elle est plus affinée. Son
caractère en quelque sorte inextinguible, de cruauté paradoxale. Ce
qu'il appellera « la gourmandise structurale du surmoi ».
C'est là l'apport de l'analyse au terme dernier, dans le sens de ce que
nous pouvons appeler au fond de l'homme cette haine de soi. Là est
l'éthique dite sauvage, l'éthique telle que nous la retrouvons non
cultivée, fonctionnant toute seule.
Lacan s'emploie à donner la clé du malaise dans ce qu'il avance depuis
le début de son enseignement, à savoir que l'homme se trouve supporter
l'ordre du signifiant.
Et c'est par le seul jeu du signifiant, la force de son articulation
que nous pouvons y avoir accès au delà de ce qui apparaît comme
description contingente, comédie, dévoilement du fond par
l'intermédiaire du non sens, exercice auquel Freud nous a initié. (
Terence celui qui se punit lui même ).
Ce que nous voyons surgir c'est ce quelque chose qui se profile au delà
de l'exercice de l'inconscient le point par où se démasque la pulsion
qui n'est pas loin de ce champ de das ding vers lequel Lacan nous
propose de recentrer le mode sous lequel se posent les problèmes dans
le champ analytique.
Les trieb ont été découverts par Freud à l'intérieur d'une expérience
fondée sur la confiance faite au jeu des signifiants , à leur jeu de
substitution à traduire aussi prêt que possible de l'équivoque, de
cette dérive polyglotte (le drive qui traduit en lui même en anglais le
trieb allemand ) de laquelle se motive tout le jeu, toute l'action du
principe de plaisir qui nous dirige vers ce point mythique plus ou
moins heureusement articulé dans les termes de la relation d'objet avec
toutes les confusions, ambiguïtés significatives introduites autour de
la notion d'objet et de la relation d'objet dans l'analyse .
Partant de ce que Freud a formulé sur la nature des pulsions et plus
spécialement sur sa façon de les concevoir comme pouvant donner au
sujet matière à satisfaction de plus d'une manière, Lacan revient sur
l'extraordinaire plasticité des émois pulsionnels sexuels et leur
caractère de réseau, mais conteste la métaphore d'un réseau de
satisfaction sous la forme des vases communicants nous rappelant que
même s'il y a rassemblement des pulsions sous la suprématie du
Genitalprimat , cette structure ne peut être considérée comme une
vorstellung unitaire, sorte de résolution des contradictions liée à la
multiplicité des pulsions partielles .
La libido est essentiellement structurée par un rapport imaginaire en
tant qu'elle est vouée à glisser dans le jeu des signes, à être à la
place de quelque chose pour quelqu'un. C'est là que nous trouvons
l'articulation comme telle des possibilités de déplacement, de
substitution, plaisirs partiels dans la libido génitale autrement dit
ce rapport qui structure la libido avec ses caractères paradoxaux et se
développe sous la forme de « collages surréalistes » liés à la
variabilité des montages pulsionnels des différents stades .
Cet imaginaire n'a rien d'archétypique. Il n'a rien à faire avec le
macrocosme.
Il revient à l'investigation freudienne d'avoir définitivement remis
dans notre corps et pas ailleurs ce qui a longtemps habité la pensée
théologique sous la forme du diable, d'avoir mis le diable au corps .
Il n'y a plus d'aucune façon à rechercher ni le phallus ni l'anneau
anal sous la voute étoilée, il en est définitivement chassé.
Lacan décèle en Luther un artisan de la modernité sans lequel
l’invention freudienne n’aurait pas eu lieu proposant ainsi une
improbable généalogie par delà les siècles entre le père du
protestantisme et de la psychanalyse....
Luther (1483-1546) théologien, réformateur de l'église, a renouvelé le
fond de l'enseignement chrétien en venant remettre en question le
principe d'identité entre Dieu et le bien porté par une longue
tradition philosophique et théologique et porté à ses dernières
conséquences le mode d'exil où l'homme est par rapport à quelque bien
que ce soit dans le monde « le déchet qui tombe par l'anus du diable ».
Il l'a évacué du ciel où le plaçait la métaphysique ce qui n'a pas été
sans effet sur la pensée et les modes de vivre des gens de ce temps. Il
suffit de lire les sermons de Luther pour voir à quel point et jusqu'où
a pu s'affirmer la puissance d' images, qui sont celles aujourd'hui
investies du caractère d'authentification scientifique que nous donne
l'expérience analytique. C'est au tournant de cette crise, source de
déréliction pour l'homme, ce moment de chute dans le monde ce moment où
il est tombé dans l'abandon qu'est sortie notre installation moderne.
Mais est ce que les points de fixation fondamentaux décrits par Freud,
ces zones érogènes portent à l'optimisme pastoral ? Loin d'être une
voie ouverte à la libération, telle que que chantée par les poètes,
voie qui pourrait nous permettre un rapport copulatoire, total et
frémissant de notre corps au monde celles ci se présentent
littéralement comme la plus sévère servitude se limitant à des points
élus, points de béance, nombre limité de bouches à la surface du corps
d'où Eros a à tirer sa source …
Au niveau de la source des trieb, Freud nous marque le point
d'insertion, caractère irréductible des formes archaïques de la libido.
Ce sont les aspirations les plus archaïques de l'enfant qui sont en
quelque sorte le point de départ, le noyau jamais entièrement résolu
sous un primat quelconque d'une quelconque génitalité.
Au niveau du but, les substitutions semblent au premier abord presque
sans limite.
Si nous reprenons la 1ère topique, notamment les 3 essais sur la
sexualité, la sublimation se caractérise par un changement dans les
objets, non pas par l'intermédiaire d'un retour du refoulé directement
ou indirectement ou symptomatiquement mais d'une façon directement
satisfaisante, la libido sexuelle vient trouver sa satisfaction dans
des objets.
Des objets qui ont à prendre une valeur sociale collective.
Ainsi est définie la possibilité de sublimation, par la satisfaction
substitutive liée à la valeur sociale collective de l'objet.
Mais toujours dans les 3 essais, Freud introduit une contradiction dans
sa propre formulation en mettant en relation la sublimation, dans ses
effets sociaux les plus évidents, avec la formation réactionnelle, en
insistant sur le fait que, loin de se faire dans le prolongement d'une
satisfaction instinctuelle, cela nécessite la construction d'un système
de défense face à l'antagonisme de la pulsion anale.
Il faudra sa 2nde topique en particulier « Pour introduire le
narcissisme » publié en 1914 et ce qu'il développe des relations de
cette formation de l'idéal à la sublimation pour que la sublimation
devienne un procès qui concerne la libido d'objet .
Puis un autre complément, sous la forme de cette opposition
ichlibido-objektlibid , libido du moi, libido d'objet , articulé sur le
plan analytique qu'avec l'Einführung ( 1916-17) pour permettre de
rendre compte de la position foncièrement conflictuelle de l'homme
quant à sa satisfaction et rendre aussi nécessaire ce Das ding de
départ pour autant que l'homme pour suivre le chemin de son plaisir
doit littéralement en faire le tour.
Ce que Freud nous dit n'est alors ni plus ni moins la même chose que
Saint Paul. A savoir que
ce qui nous gouverne sur le chemin de notre plaisir ce n'est aucun
Souverain Bien. Qu'au delà d'une certaine limite nous sommes concernant
ce que recèle ce das ding dans une position énigmatique.
Qu'il n'y a pas de règle éthique qui fasse médiation entre notre
plaisir et sa règle réelle.
Derrière Saint Paul il y a l'enseignement du Christ qui interrogé sur
ce qu'il faut faire pour accéder à la vie éternelle répond : « Qui sait
ce qui est bon ? Seul Lui, celui qui est au delà notre
Père sait ce qui est bon et Lui il vous a dit …. n'allez pas au-delà ».
Pour Lacan, au delà il y a « Aime ton prochain comme toi même »
inacceptable pour Freud, qui après en avoir récusé les conséquences
nous dit qu'un commandement d'une telle absurdité témoigne de
l'importance majeure de la pulsion de destruction et de la nécessité de
la réprimer.
Mais surtout il y a si l'on prend le temps de s'y arrêter le paradoxe ,
les béances du non sens telles qu'elles ressortent dans La parabole de
l'intendant infidèle.
C'est d'ailleurs sur ce point de l'amour du prochain que Lacan sera
amené à prolonger Freud et d'une certaine façon à s'en détacher, Freud
éludant l'essentiel, la question de la jouissance.
Car cette négation de ce Bien qui a été l'objet éternel de recherche de
la pensée philosophique concernant l 'éthique, cette pierre
philosophale de tous les moralistes c'est ce qui est rejeté à l'origine
dans la notion même du plaisir, du principe de plaisir comme tel en
tant que règle de la tendance la plus foncière : l'ordre des pulsions
dans la pensée de Freud.
Tout cela concerne le Père.
Et il faut bien reconnaître que cette position de Freud concernant le
père n'est pas sans lien avec là où s'articule la pensée d'un Luther
concernant Dieu … Lacan voit dans « le serf arbitre » publié par Luther
contre Erasme en 1525 – celui ci avait publié « Du libre arbitre » pour
rappeler appuyé par toute l'autorité chrétienne depuis les paroles du
Christ jusqu'à celles de Saint Paul d'Augustin et toute la tradition
des Pères - une entreprise pour accentuer le caractère radicalement
mauvais du rapport que l'homme entretient avec l'homme et ce qui est au
cœur de son destin , ce Ding, causa de la passion humaine la plus
fondamentale Luther réarticulant les choses à ce niveau « La haine
éternelle de Dieu contre les hommes, non seulement contre les
défaillances et contre les oeuvres d'une libre volonté est une haine
qui existait même avant que le monde fût créé »
Dans un raccourci structural Lacan va jusqu'à faire de cette haine
primordiale et du rapport de Das ding à la loi ce à quoi Freud a
affaire quant à la question qu'il pose sur le père, qui le conduit à
nous montrer en lui le personnage qui est le tyran de la horde celui
contre lequel le crime primitif est dirigé.
Ainsi Lacan fait il une lecture non imaginaire du mal, une lecture
symbolique et réelle du mal avec accentuation de la dimension de
jouissance celle à qui intrinsèquement le mal est lié, le mal n'étant
ni le péché ni la transgression mais inséparable du désir de l'Autre en
tant qu'il méconnait la dimension désirante du sujet.
Freud selon Lacan a escamoté cette dimension en se centrant sur le
problème du rapport à l'objet avec l'einfuhrung .
Si nous reprenons ce problème du rapport à l'objet dans son émergence,
c'est à dire dans un rapport qui est un rapport narcissique,
imaginaire, l'objet s'introduit ici en tant qu'il est perpétuellement
interchangeable avec l'amour qu'a le sujet pour sa propre image.
La libido du moi et la libido d'objet sont introduits dans Freud pour
autant que dès cette 1ère articulation de l'einführung c'est autour de
l'idéal du moi et du moi idéal, du mirage du moi et de la formation
d'un idéal qui prend son champ tout seul, qui devient préférable au moi
qui vient à l'intérieur du sujet donner une forme à quelque chose à
quoi il va désormais se soumettre .
C'est pour autant que le problème de l'identification est lié à ce
dédoublement psychologique que le sujet va être dans cette dépendance
par rapport à cette image idéalisée, forcée de lui même, sorte de
mirage.
Cet objet d'amour cependant n'est pas la même chose que l'objet visé à
l'horizon de la tendance,
l' objet de la pulsion.
Entre l'objet tel qu'il est structuré par la relation narcissique et
das ding il y a une différence et c'est dans la pente de cette
différence que se situe le problème de la sublimation.
Pour terminer Lacan attire notre attention sur une note de bas de page
des 3 essais où Freud fait référence aux Alten, anciens ou pré
chrétiens lesquels mettaient l'accent sur la tendance elle même alors
que nous la mettons sur l'objet .
Ils étaient prêts à faire honneur à un objet de moindre valeur ou de
valeur commune alors que nous exigeons quant à nous le support de
l'objet par ses traits prévalents.
Qu'en est il ? Freud a écrit sur les ravalements de la vie amoureuse.
Mais ces ravalements , c'est au nom de quoi ?
Au nom d'un idéal lequel correspond à une modification historique de
l'Eros, l'exaltation de la femme un style chrétien de l'amour dont
parle Freud. Déjà cependant chez les auteurs antiques plus les latins
que les grecs il y avait certains éléments de ce qui caractérise le
culte de l'objet dans un référence idéalisée déterminante quant à
l'élaboration sublimée d'un certain rapport .
L'objet si tant est qu'il est inséparable d'élaborations imaginaires et
très spécialement culturelles, l'objet au niveau de la sublimation y
trouve le champ de détente par où elle peut en quelque sorte se leurrer
sur das ding, coloniser avec ses formations imaginaires ce champ de das
ding.
C'est dans ce sens que les sublimations socialement reçues se dirigent
et s'exercent mais elles ne le sont pas uniquement en raison de
l'acceptation du bonheur trouvé par la société dans les mirages que lui
fournissent ceux qui créent ces formes imaginaires.
Ce n'est pas simplement pour la sanction qu'elle y apporte en s'en
contentant que nous devons chercher le ressort de la sublimation .
C'est dans le rapport d'une fonction imaginaire, très spécialement
celle à propos de laquelle peut nous servir la symbolisation du
fantasme, la forme sous laquelle s'appuie le désir du sujet .
C'est pour autant que socialement, dans des formes spécifiées
historiquement, il se trouve que les éléments « petit a » , éléments
imaginaires du fantasme, viennent à être mis en place, recouvrir,
leurrer le sujet au point même de das ding.
C'est ici que doit porter la question de la sublimation.
Dans les prochaines leçons il se propose d'aborder l'amour courtois au
Moyen Age, le théâtre élisabéthain en tant que nous y trouvons le point
tournant de l érotisme européen pour autant que se produit à ce moment
cette promotion de l'objet idéalisé dont nous parle Freud, lequel nous
a laissé devant un problème d'une béance renouvelée concernant le das
ding des religieux et des mystiques au moment ou nous ne pouvions plus
en rien le mettre sous la garantie du père.
Rima Traboulsi pour les leçons 8 et
9
Articulation de la Chose à l’Ethique
Dans ces 2 leçons, Lacan fait des allers retours entre 2 concepts : la
Chose et la sublimation, afin de mettre en lumière leur implication
dans l’Ethique analytique et ce au moyen des notions d’objet, de
pulsion et de désir.
Leçon VIII
L’objet et la Chose
Points à retenir, certains qu’il développera dans les leçons suivantes :
I) Das Ding comme nécessité interne à la psychanalyse
Point de départ de la leçon VIII, la pertinence du concept de la Chose
(un « détail » peu développé dans l’Enwurf), au regard de la
psychologie des affects. Lacan critique celle-ci car elle méconnait en
elle-même que sa matière, la pensée, est soumise à la texture de la
chaîne signifiante dont la logique apporte avec elle la négation, le
clivage, la division.
Il rappelle que pour Freud, pour qui l’affect n’est qu’un signal, que
Das Ding se situe au-delà du Principe de Plaisir (PP) et du côté du
sujet et non de l’objet. Elle est cet intérieur exclu du Moi-réalité
qui fait référence à ce quelque chose qui, dans la vie, préfère la
mort. Lacan se propose d’éclairer la manière dont nous avons affaire à
Das Ding au niveau de l’Ethique, non seulement dans son approche mais
aussi dans son rapport au désir individuel et aux exigences sociales.
Pour les analystes Das Ding est une nécessité interne, dans leur
expérience analytique, visible dans la théorie.
II) La Chose et la sublimation chez Mélanie Klein
Pour cela, il part de la pensée Kleinienne qui met le corps mythique de
la mère à la place centrale de Das Ding et l’articule à la sublimation
qui serait une réparation symbolique des lésions imaginaires apportées
à l’image fondamentale du corps maternelle mais selon Lacan, Mélanie
Klein omet une dimension qui est l’évaluation de la sublimation, au
regard de la reconnaissance sociale. Freud, lui-même, avait dit que
toute production est historiquement datée.
Si on élargit le concept de sublimation à la question de l’Art, une
nouvelle question se pose : quelle satisfaction la société peut y
trouver ?
C’est là, dit Lacan, le problème de la sublimation, en tant qu’elle
crée un certain nombre de formes dont l’art n’est pas la seule.
III) La sublimation dans son rapport à l’objet et à l’Ethique
Lacan pose que la sublimation a à être jugée en fonction du problème
éthique c’est-à-dire des valeurs socialement reconnues qu’elle crée.
Concernant l’Ethique Il évoque la perspective Kantienne qui insiste sur
le poids de la raison et de la douleur comme corrélative de l’acte
Ethique. (Ex des 2 prologues) pour pointer ce qui échappe à Kant, à
savoir la surévaluation possible de l’objet. Par exemple, celui de
l’objet de la passion amoureuse qui prend de ce fait une certaine
signification.
Lacan introduit là, la dialectique où se situe la sublimation de
l’objet féminin en s’appuyant sur Freud qui énonce que la libido est
portée plutôt sur l’objet que sur la tendance.
Il poursuit en faisant un détour par la Mine (amour courtois) pour
approcher certaines traces en nous du rapport avec l’objet. Il évoque 2
formes de transgression au-delà du PP :
- soit par sublimation excessive de l’objet (la femme)
- soit par perversion.
IV) Articulation Das Ding, pulsion et sublimation,
Pulsion et sublimation, sont dans un rapport au désir. Donc face au
critère du PP, un autre critère entre en jeu il concerne Das Ding comme
lieu des pulsions et donc du désir du sujet.
2 remarques sont à prendre en compte :
- la satisfaction des pulsions conduit rarement à l’émergence de
relations tempérées entre l’être humain et ses semblables
- La sublimation est elle-même rattachée aux pulsions.
V) Problèmes posés par le concept Freudien de la sublimation
Lacan fait un retour sur le concept de la sublimation qui, pour Freud,
est une forme de satisfaction des pulsions par détournement de son but.
Freud nous incite à ne pas confondre but et objet et à différencier
sublimation et idéalisation car dans l’idéalisation il y a
identification du sujet à l’objet alors que la sublimation est « autre
chose ».
Lacan, lui, propose un autre abord afin d’éprouver la valeur et la
fonction de la sublimation car plusieurs questions se posent :
Qu’est-ce que la satisfaction des pulsions ailleurs que dans son but
sexuel ?
Est-ce que la libido est désexualisée ?
Est-ce que ce nouvel abord va venir compléter la solution imaginaire de
Mélanie K.
VI) Objet et Chose dans la définition de la sublimation
Lacan avance que la pulsion a un rapport avec Das Ding en tant que Das
Ding est différente de l’objet, il propose de considérer la sublimation
comme une satisfaction des pulsions par le rapport qu’elle maintient
avec la Chose.
C’est ce qui nous permet de sortir de l’impasse de la désexualisation
de la libido.
Das Ding est différent de l’objet celui-ci n’étant que l’image, le
reflet, l’autre chose de la Chose.
La sublimation selon L élève un objet à la dignité de la Chose.
Illustration dans l’amour courtois où l’objet féminin a été,
inconsciemment, sublimé en même temps que, consciemment, un déplacement
s’est produit donnant lieu à une production de règles et de codes qui
ont promu cet objet à une fonction particulière alors que c’est un
objet « naturel ». (Femme élevée à la dignité de la Chose)
D’un point de vue topologique, dans cette notion de la Chose, il n’y a
pas de glissement mais un « cernement » par un réseau de buts (p 185).
Pour qu’au niveau de l’art, l’objet vienne à cette place de la Chose,
il faut que quelque chose se soit passé au niveau du rapport de l’objet
au désir.
VII) Le prologue de Jacques Prévert comme illustration
Lacan rappelle que l’objet comme fondement de la collection est
différent de l’objet de l’analyse ; celui-ci (l’objet de l’analyse) est
un point de fixation imaginaire donnant satisfaction à la pulsion,
l’objet de la collection est « autre chose ».
A la fin de la leçon, il donne l’exemple de la collection de boites
d’allumettes vides de Jacques Prévert et de son effet ornemental. Le
choc n’est pas dans le rassemblement de ces boites mais dans la
révélation que la boite d’allumette est une Chose car elle se présente,
du fait même de sa forme et de la disposition qui en est faite (tiroir
plus ou moins tiré avec ce vide en son centre et boites qui peuvent «
s’enfiler ») avec un pouvoir copulatoire. La disposition, l’image
dessinée par la composition de Prévert, était destinée à nous le
montrer et à accentuer la révélation de la Chose au-delà de l’objet.
Leçon IX
Dans la leçon IX, Lacan reprend certains développements de la leçon
précédente pour les approfondir et les mener plus loin, notamment d’un
point de vue topologique.
Il démarre son propos par :
I)La fonction de la Chose dans la définition de la sublimation.
Il fait référence aux travaux de Glover qui lui-même cite 2 articles de
Mélanie Klein :
Le 1er : « Infant Analysis » évoque chez l’enfant des fonctions
essentielles de sublimation qui peuvent être inhibés secondairement
quand elles sont trop libidinalisées.
Le 2ème : « Contributions to Psychoanalysis » que Lacan regrette de
n’avoir pas lu plus tôt car il lui a apporté la satisfaction de la
bague au doigt. Cet article comporte 2 parties :
Dans sa première partie M.K démontre à travers l’œuvre « l’enfant et
les sortilèges » (thème de Colette et musique de Ravel) que celle-ci
colle avec la succession de fantasmes concernant le corps maternel, que
sa théorie a décrit. (Agressivité primitive, contre-agression,
correspondants aux positions schizo-paranoïde, sadique anale,
dépression etc)
Dans la partie suivante, la plus remarquable, selon Lacan, elle décrit
un cas clinique (pris chez une autre analyste et intitulé « l’Espace
vide ») qui viendrait également confirmer cela. Cas limite ou
dépression mélancolique, il s’agit d’une femme qui n’avait jamais peint
auparavant et qui s’est souvent plainte d’un espace vide en elle. Elle
se marie et son état s’améliore, au début, puis à nouveau survient un
accès mélancolique suite à la vente d’un tableau de son beau-frère,
tableau qui laisse un espace vide dans la pièce qui était tapissée de
ses tableaux. Finalement elle décide de peindre un tableau, au plus
près du style des autres, imitant son beau-frère, à tel point que quand
elle lui montre, celui-ci se met en colère car il ne peut croire
qu’elle en est l’auteur.
C’est, essentiellement, malgré l’imprécision de ce cas, de ça qu’il
s’agit.
Cet exemple est la confirmation d’une structure topologique,
schématisant la manière dont la question de la Chose se pose.
II) Eclairage topologique
Mélanie Klein, elle, n’y voit que la confirmation des phases de toute
sublimation/corps de la mère.
Lacan, lui, s’amuse de cette sorte de topologie sur laquelle se place
les sublimations et souligne à nouveau que la sublimation est d’abord
en rapport avec la Chose, celle-ci occupant une position centrale quant
à la constitution de la réalité du sujet (p 193).
Il revient sur le prologue de Jacques P. (rappel la sublimation est la
transformation d’un objet en une Chose). Pour préciser que la Chose est
toujours voilée, il faut la contourner pour la concevoir.
(Irreprésentable, pas d’accès direct, obligation donc de passer par «
autre chose ») Ceci, car elle est ce qui du réel pâtit du signifiant
puisque c’est en éléments signifiants que se constitue le système ψ,
lui-même soumis à l’homéostasie, à la loi du PP. Dit autrement, le
Signifiant fait trou dans le Réel, ce trou est le lieu de la Chose.
L’organisation signifiante de l’appareil psychique domine, il n’y a
rien entre le réseau des représentants de la représentation et le réel,
dans lequel le champ de la Chose se constitue et se présente en négatif
entre les deux. C’est dans ce même champ que l’objet retrouvé de Freud
se situe. (Association avec le NeBo : trou dans lequel se loge l’objet
a)
Lacan fait remarquer que Freud n’a jamais dit que cet objet ait été
réellement perdu. L’objet est dans sa nature retrouvé et c’est ce qui
fait qu’il a été perdu (déduction logique nécessaire). Ici réside le
parallèle avec les caractéristiques de la Chose.
Ce n’est jamais Das Ding qu’on retrouve mais ses coordonnées de
plaisir. La Chose, elle, est représentée par autre chose.
III) Articulation signifiant, objet crée et Chose
Remarque : Ce qui est retrouvé est cherché dans les voies du signifiant
or cette recherche est au-delà du PP. La fonction du PP est de porter
le sujet de signifiant en signifiant afin de ramener le niveau de
tension au plus bas.
D’où plusieurs questions :
- Comment le rapport de l’homme au signifiant le met en rapport avec un
objet qui représente la Chose ?
- Que fait l’homme quand il façonne un signifiant ?
Rappel :
- les signifiants sont façonnés par l’homme
- Les structures d’opposition sont ce qui constitue le signifiant
C’est à ce niveau que l’articulation avec la sublimation (en tant que
création) peut se faire. La notion de création comprenant le savoir du
créateur et de la création, est centrale non seulement/ à la
sublimation mais aussi / à l’Ethique (p195).
Lacan pose qu’un objet, peut remplir la fonction de ne pas éviter la
Chose comme signifiant (maintient d’un rapport cf leçon VIII) il peut
la représenter par un objet crée.
IV) Fonction signifiante du vase
Il prend appui, sur la fonction artistique du potier et de sa création,
le vase, depuis longtemps pris comme support parabolique, métaphorique
des mystères de la création, notamment par Heidegger) pour qui (et
c’est ce que retient Lacan) le vase est la conjonction de l’humain et
des puissances sacrées, célestes et terrestres.
Pour Lacan/vase : il faut distinguer son usage de sa fonction
signifiante et s’il est pris comme premier signifiant façonné, il est à
prendre comme exclusivement signifiant avec « rien de particulièrement
signifié ». (Différence avec Heidegger)
Le « rien de particulier » qui caractérise le vase, dans sa fonction
signifiante, est que dans sa forme il introduit dans le monde, le vide
et la possibilité du plein. (Pas de plein sans vide) (p 198).
V) Création ex-nihilo
Il donne l’ex du pot de moutarde, « Bornibus » qui a pour essence de se
présenter comme un pot de moutarde vide (// avec parole vide et parole
pleine). Cette illustration permet de situer que c’est autour de ça (du
vide) que se trouve le problème central de l’Ethique et non autour de
Dieu, d’une puissance raisonnable ou du « souverain Bien » ; sinon,
comment expliquer que quoique l’on fasse ou pas le monde aille si mal.
Ce qui n’est jamais mis en valeur en valeur dans le prologue de l’acte
créateur (quelque soit le domaine) c’est que tous les développements
s’appuient sur la matérialité du « vase » et sur un postulat « rien
n’est fait à partir de rien ». Toute la philosophie antique est pensée
selon l’idée, toujours présente, que la matière est éternelle et close
et que le monde des rapports interhumains, celui du langage est inclus
dans cette nature éternelle et limitée.
Or la Chose, ce vide au centre du réel, se présente dans la
représentation comme « rien ». Le vase est créé à partir du trou
central, toujours élargi et bordé par les mains du créateur (potier) (p
199).
Le façonnement du signifiant (vase) se situe donc dans la notion de
création ex-nihilo, avec l’idée, qu’un jour dernier, toute la trame de
l’apparence se déchirera à partir de cette béance introduite.
VI) Perspectives Ethiques
De tout temps, l’articulation du problème moral s’est faite autour de
l’idée du Bien, du Beau (l’œuvre étant du côté du beau) puis autour du
bienfait ou méfait de l’œuvre.
Lacan trouve l’exemple du vase, de par sa tripartition, éclairant, pour
localiser le Mal :
1°) dans l’œuvre : position du Taoïsme pour qui l’œuvre comporte autant
de bien que de mal et qui prône une position de renonciation.
2°) dans la matière : ex dans le Catharisme qui pense que c’est le
mauvais créateur qui a transformé la matière et que la position à tenir
serait de maitrise, de contrôle dans une recherche de pureté qui in
fine, ne peut être atteinte que dans la mort. Même perspective chez
Aristote pour qui la transformation perpétuelle de la matière est le
lieu du mal.
3°) ailleurs, le mal peut être dans la Chose en tant qu’elle n’est pas
ce signifiant qui guide l’œuvre, pas non plus la matière de l’œuvre
mais qu’elle définit l’humain (p 204) en tant qu’il nous échappe. Cette
position maintient l’humain au centre du mythe de la création, (le mal
est toujours pensé en terme créationniste)
Ici l’humain, comme la Chose, est ce qui du réel pâtit du signifiant.
Lacan en fin de leçon, fait un détour par la pensée de Freud qui nous
fait poser le problème de ce qu’il y a au cœur du fonctionnement du PP,
(celui-ci est présent dans le système φ 1aire et Ψ 2aire mais la
fonction du plaisir est-elle la même ?) à savoir un au-delà du PP et
qu’il a lui-même appelé une foncière « bonne ou mauvaise volonté » qui
n’est pas à entendre comme la définition de ce qu’est un homme bon ou
mauvais.
Il s’agit pour Lacan, de prendre en compte , l’ensemble c’est-à-dire le
fait que l’homme , en fin de compte, est façonné et introduit dans le
monde par ce signifiant, ce signifiant étant lui-même façonné à l’image
de la Chose qu’il nous est impossible de nous imaginer. « C’est là le
problème de la sublimation. »
VII) Ouvertures pour la suite du séminaire :
Pour finir, il revient rapidement sur la Mine et pose la question de
l’existence ou pas d’un lien entre le Catharisme et l’amour courtois,
fondement de toute une morale, de toute une éthique. Il souligne le
paradoxe stupéfiant entre les mœurs de bandits et l’élaboration des
règles de l’amour courtois (c’est-à-dire d’une relation de l’homme à la
femme) où l’objet féminin, la Dame, loué, servi, semble faire référence
à une seule personne alors que les protagonistes sont nombreux et bien
réels.
Il conclue que l’analyse peut résoudre ces énigmes car permet de
considérer ce phénomène comme une œuvre de sublimation (p 206) ; en
d’autres termes, on donne à un objet, la Dame, valeur de représentation
de la Chose.
Il termine en faisant remarquer que nous sommes tous pris, dans la
notion de Créateur (même si celle-ci reste obscure). Si du fait des
apports de Freud, nous sommes convaincus que Dieu est mort. Il faut se
souvenir que Dieu est sorti du fait que le père est mort (il est venu à
cette place laissée vide) c’est le père mort à l’origine qu’il dessert,
il était donc mort depuis toujours.
Pour Freud, la question (du Créateur) se pose aussi / à la science dans
cette même perspective. C’est en fonction de ceci que se pose, pour
nous, le mode sous lequel la question de la Chose se pose.
La pulsion ne peut se limiter à une notion psychologique, elle est
ontologique et répond à une crise de conscience que nous ne pouvons
repérer car nous la vivons.
Lacan termine en proposant d’articuler la manière dont nous la vivons
afin de nous en faire prendre conscience.
Das Ding de Heidegger. Résumé.
Notion de proximité c’est le
point de départ. Constat par Heidegger d’une rétraction des distances :
accès plus direct, mais pas plus de proximité (celle-ci est
indépendante de la distance).
Qu’est-ce que la proximité quand tout est également proche, également
lointain ?
Exemple
de la bombe atomique, l’homme ne peut détacher sa pensée des suites que
pourrait avoir cette explosion. Son angoisse désemparée est en attente
d’un effroyable qui a déjà eu lieu.
Ce qui terrifie étant ce qui fait sortir tout ce qui est de son être
antérieur.
Quelle
est cette chose qui nous met hors de nous ? Qui se montre et se cache
puisque la proximité, de ce qui est, demeure absente.
Dans la proximité, il y a des choses.
Qu’est-ce qu’une chose ?
Exemple
de la cruche. La cruche est un vase contenant en soi « autre chose ».
Le contenant étant le fond et les parois (ce tenant pouvant lui-même
être tenu par l’anse).
Le vase est quelque chose qui tient en soi. Donc autonome, il devient
un objet par perception directe ou souvenir.
Mais c’est une chose pas parce que c’est un objet représenté ni parce
qu’elle peut être objectivée.
La cruche est un vase même si pas de représentation. Comme vase, la
cruche tient en soi.
Caractéristique de la cruche comme Chose
/ à la matière
/ à la production
La cruche comme vase a été produite par le potier. La matière c’est la
terre, l’argile.
Si on considère la cruche comme un récipient produit, (par l’homme), il
est une chose et pas seulement un objet.
La cruche n’est pas simplement un objet de la représentation mais objet
d’une production.
C’est la production et le tenir en soi qui caractérisent la cruche
comme chose.
Qu’est-ce qui appartient à la chose comme telle ? Qu’est-ce que la
chose en soi ?
Pour y répondre il faut d’abord penser la chose en tant que chose.
Dans
l’ex : la cruche est une chose en tant que vase, non pas du fait d’être
produite, mais parce qu’elle se tient et se con-tient dans ce qui lui
est propre et non pas dans les mains et les pensées du potier.
Question de l’origine de la chose : « pro-venir »
Le
vase est un contenant. Il contient grâce aux parois et au fond qui ne
laissent pas passer le liquide. Mais en fait, ce qui contient c’est le
vide, fond et parois ne contiennent pas.
Le potiers saisit le vide, lui donne forme en façonnant l’argile.
Le vase est une chose du fait du vide qui contient et non de la matière.
Remarque : pour les physiciens ce n’est pas du vide, mais de l’air
(vide comme rien rempli par l’air).
/
à la réalité scientifique, remplir la cruche c’est échanger un liquide
par un autre. Ceci est réel mais cette réalité n’est pas la cruche.
Cette
réalité n’est que ce que la représentation scientifique a elle-même
admis comme objet possible. La science représente quelque chose de réel
puis règle objectivement ses démarches.
Le savoir scientifique est
contraignant, car il oblige à annuler la chose qu’est la cruche. Il ne
prend en compte que les objets.
La choséité de la chose demeure oubliée car la science suppose que son
expérience atteint le réel dans sa réalité.
La chose n’a jamais pu apparaître comme chose à la pensée ( !!! car non
pensable, représentable ?)
Qu’est-ce que la chose comme chose pour qu’elle ne soit jamais apparue
dans son être ?
Dans
la cruche, nous nous sommes représenté le vide comme ce qui reçoit ou
comme cavité remplie d’air(pensée du physicien) donc ici le vide est
pensé comme réel.
Nous n’avons pas pensé au contenant ni à ce qui peut être contenu et
comment c’est contenu.
A la question, comment le vide contient, la réponse est en prenant ce
qui est versé.
De fait, le vide a 2 façons de contenir :
- en prenant
- en retenant
Mais aussi en déversant !
La cruche vide, elle aussi, tient son être du versement, bien qu’elle
ne permette aucun versement hors d’elle.
Dans le versement, du fait que ça implique recevoir, on a :
- le ciel
- la terre
Du fait que ça implique l’offrande, on a :
- le mortel
- le divin
Donc
dans le versement du liquide offert, nous avons les 4. Ce versement est
versement pour autant qu’il retient les 4, « retenir » dans le sens de
faire apparaître.
On peut dire que la cruche comme cruche accomplit son être dans le
versement.
Celui-ci rassemble en lui le double contenir : prendre et retenir, le
contenant, le vide et le versement comme don.
Dans le versement, il retient et fait apparaître le Quadriparti
Donc l’être de la cruche est le rassemblement qui verse, qui offre et
qui rend présent la Quadriparti
Bouclage logique de son propos
Développement
étymologique sur les différents termes, « thing », « dinc », « res » «
cause », qui renvoient à « ce qui touche à l’homme » puis retour à la
signification du mot « Chose » notamment dans le sens de « rassembler ».
La cruche est une « chose » en tant qu’elle rassemble.
Comme elle rassemble, elle retient.
Comme elle retient, elle rend les 4 dans une proximité tout en
maintenant leur lointain.
La proximité conserve l’éloignement. Quand quelqu’un dit l’un, on pense
les autres.
La chose rassemble le monde mais attention tous les objets ne sont pas
des choses.
Christian Lemaire pour la leçon 10
Dans l'hommage fait à Marguerite Duras, du "ravissement de Lol V.
Stein" , Lacan écrit ceci :
"les noces taciturnes de la vie vide avec l'objet indescriptible"
Ce pourrait être la leçon de cette leçon du 3 février 1960.
Dans cet hommage, il relève en Marguerite d'Angoulème, reine de Navarre
et en Marguerite Duras, une commune "charité sévère sans grande
éspérance" où "la sublimation opère la tentative d'une récupération
d'un objet-sans-espoir."
On voit dans "l'héptaméron"de Marguerite de Navarre, et selon la leçon
de Lucien Febvre : "la vie nue, celle de la pureté, du mariage, mais
aussi du mensonge, ou du viol. Ces récits donnent prétextes à la
réflexion morale qui suit chacune des 72 histoires données pour vraies.
Si l'objet fuit, et se poursuit, c'est sans doute d'être le miroir de
la profonde division qui anime les protagonistes de chaque histoire.
Dans le roman de Marguerite Duras, Lol V. Stein, la vie vidée fuite. Il
s'y étale la chose/non-chose comme une anamorphose en travers du récit.
Lola.Valérie.Stein est dé-possédée, possédée par sa dépossession. A
partir de cette dé-possession de l'amour, dès l'origine du roman, la
déflagration d'un trou dans le champ visuel de cet être, organisera
tout l'errance de récupération.
La fonction de l'amour courtois, que l'on pourrait croire circonscrite
dans le temps et comme relevant d'un problème d'ésthétique, Lacan
annonce vouloir en montrer le retentissement actuel sur un plan éthique
concernant les rapports entre les sexes, comme forme exemplaire de
sublimation dont les effets sont de nature à nous rendre sensibles à ce
que la psychanalyse porte au premier plan comme l'important de la
sublimation.
La valeur d'exemple localisé de cette occurence de sublimation dans la
ligne du rapport homme/femme, Lacan nous met en garde de ne pas y
réduire la sublimation.
La théorie freudienne est de nature a apporter certaines lumières à ce
que les spécialistes qui se sont attachés à cette question de l'amour
courtois, reconnaissent unanimement n'avoir pas réussis à en expliquer
l'émergence historique. La recherche des influences, revenant à
reporter le problème.
C'est , nous indique Lacan, que le problème a sa source dans la
communication de quelque chose qui s'est produit à côté. Encore faut-il
savoir comment ça c'est produit à côté?
L'abord freudien aura valeur de méthode. Celui-ci ci implique de
prendre cette question par son coeur et non pas en ayant recours à sa
périphérie.
Le geste de Lacan est de mettre en action un élément distinctif, un
outil de discernement propre à servir de repère afin d'ordonner la
lecture. Sur le cadran solaire, le gnomon est ce stylet, fonction
d'équerre qui permet la lecture de l'heure.
Cet élément gnomique, c'est le vide déterminatif , d'où se profile,
selon un ordre inversé, la chose qui n'est représentable que par son
ombre. Ce ne serait pas la première fois que du néant, du négatif, on
fasse surgir l'étant. C'est de ce surgissement que l'homme est mis en
fonction de médium, entre le réel et le signifiant. Je n'exclus pas
sous ce vocable de "médium" d'entendre toutes les formes de diableries
dans lesquelles l'homme peut se réhausser : sorcellerie, divination,
magie telle que Marcel Mauss l'intègre dans le fait social global.
Rappelons nous que les procès Cathares se firent majoritairement sur ce
fond : A l'endroit même de la profession de pureté, l'inquisition a
diabolisé la quête Cathare en traquant la figure diabolique supposé de
leur adoration, ce "Baphomet", animal/homme à l'ambiguité sexuelle .
Revenons à cette ossature, ternaire: le réel et le signifiant, centré
par la chose/le vide, où l'homme est mis en fonction de médium. Lacan
fait jouer cette ossature comme une schématique propre à saisir par
quelle voie se situe la chose dans ces formes créés par l'homme, qui
sont du registre de la sublimation ; où le vide détermine la
sublimation.
Il articule ces traits essentiels afin de rendre compte de ce qu'il en
est de trois modes de rapport à ce vide pour trois formes d'existence :
ces trois modes sont l'art, la religion et la science. Les trois formes
d'exister sont l'hystérie, l'obsessionalité et la paranoïa
Ceci se décline comme suit :
: l'art est un mode d'organisation autour de ce vide où le sujet se
trouve en position hystérique.
: la religion, est un mode d'évitement de ce vide. L'obsessionnel tient
ce vide en respect de manière indéfectible.
: le troisième terme qu'est le discours de la science, Lacan en voit la
généalogie dans le discours de la sagesse dont la philosophie est
l'héritière dans notre tradition. Ce mode est un certain rapport à la
vérité. Les marqueurs en sont le soupçon, la certitude, l'incroyance
dont la paranoïa se fait le lieu dont le sujet est expulsé.
L'idéal du discours de la science se profile dans l'incroyance et sa
perspective de savoir absolu.
Dans l'art il y a une forme de refoulement de la chose.
La leçon résonnera probablement pour Roger Dragonetti. Dans le "gai
savoir dans la rhétorique courtoise". il suggère que les lacunes des
textes de la poésie courtoise sont constitutives, consubstancielles à
cette forme. Il note ce que les troubadours attentif et travaillés en
eux-même par le travail de la lettre, soulignent, trouvères et troués,
"trovëre/trouëre" sonnent ensemble. Poésie du son, de la disparition du
nom ou de sa dissémination à l'intérieur du texte, de l'énigme et des
perspectives dont on à pas encore dit qu'elles étaient dépravés, mais
où le trompe l'oeil est le mode du mi-dire, de voir et de dire-vrai,
pour paraphraser un long poème de Guillaume de Machaut.
Une lecture rasante du texte de Duras, par le bon angle du tableau,
nous laisse entrevoir le vide du personnage éponyme s'enroulant et
avançant dans le récit. Les narrateurs diffractés dans les miroirs de
la narration oscillent autour de deux postures rhétoriques, celle du
"croire" et celle du "voir". Le nombre d'occurence de ces deux verbes
fait style chez Marguerite Duras, presque tout le style, faisant de ce
texte à l'instar de Guillaume de Machaut, un "voir-dit".
Pour en terminer avec ce qui en creux animent Marguerite de Navarre et
Marguerite Duras, l'une écrit en au XVIème siècle, pour passé le temps
dit-elle, fuire l'ennui, la cause énoncée est une crue, une inondation
au lieu même où le groupe qui raconte et écoute et commente les
histoires, étaient venus prendre les eaux de cure..c'est comme un
principe générateur de l'Héptaméron, l'autre Marguerite au XXème nous
dit qu'elle écrit parce qu'elle n'a pas le courage, de ne rien faire.
René Spitz est d'origine hongroise, Ferenczi l' adresse à Freud. Pour
lui, la relation réciproque entre la mère et l'enfant d'avant la
parole, est la matrice du développement des relations sociales. Avec la
"cavité primitive", c'est l'ontogenèse de la perception qu'il vise. Par
ailleurs, il repère trois organisateurs du développement psychique de
l'enfant. Ce sont : la réponse au sourire comme ontogenèse de la
relation sociale , l'angoisse, et le non.
Quand à l'émergence de ce "non", avant l'apparition du langage, Spitz
l'origine d'une dialectique de deux gestes, gros de possibilité
signifiante :
d'une part, celui de la tête d'avant en arrière lors de la têtée, au
moment de la consommation et au moment du retrait du mamelon.
Précurseur du "oui"
d'autre part il origine dans le fouissement (rooting) du museau (snout)
à l'approche du sein l'enracinement du vocable "non" comme geste
précurseur de la forme sémantique.
Lacan souligne qu'il s'agit d'un geste d'approche, d'attente de la
satisfaction. Ce geste s'inscrira comme une trace, un dernier souvenir
face à ce qui peut surgir lorsque le sein se refuse, comme une
catastrophe. Le modèle de la névrose traumatique permet d'approcher
celui de la frustration. La reprise du fouissement dans le geste du
"non" n'est pas une régression. C'est l'utilisation d'un motif , d'une
forme, qui existe et est réactivée par identification avec le "non" de
la mère.
Peut-être vaut-il de faire un détour par cette phase de la frustration
puisque c'est dans ces parages que s'installe le voisinage du
"nebenmensch" et que la chose pose son ombre sur l'objet.
Liée au premier âge de la vie, le mécanisme de la frustration est rendu
possible par un précipité et un retournement, dans le paysage
fondamental de ce qui n'est pas encore l'organisation des relations
primitives de l'enfant concernant l'objet.
Ce paysage fondamental est constitué par la relation dialectique entre
principe de plaisir et satisfaction où l'hallucination est le moyen de
cette relation. Son régime est celui de l' absence/présence, dans une
période où la relation du sujet est centré sur l'image/rapport
primordiale au sein maternel. L'élément catastrophique qu'évoque Spitz,
est la possibilité qu'un "non" , qu'un refus, qu'une négation,
s'interpose entre le principe de plaisir et la satisfaction. Le régime
absence/présence s'en trouve complexifié par la constitution, la
réalisation, de l'agent de la frustration ,la mère en général, et la
constitution de l'objet réel.
Cette séquence se spécifie d'être posé objectivement ET articulé
vocalement : l'objet maternel est appelé et rejeté selon le même
registre qu'est l'appel ; amorce de l'ordre symbolique.
Dans cette séquence, l'agent se constitue comme puissance, dé-couplée
de l'objet de satisfaction de l'enfant.. Du fait qu'elle puisse
répondre ou pas, à son gré, elle s'autonomise de ce qui la fait objet
présent/absent en fonction de l'appel, elle change de registre. Un
retournement s'opère où la mère devient réelle et l'objet devient
symbolique. L'objet devient la marque de la valeur de cette puissance,
témoignage du don de la puissance maternelle. A partir de ce moment,
l'objet à deux propriétés : il répond à un besoin, et aussi, il
symbolise une puissance qui détient tout ce dont le sujet peut avoir
besoin et qui peut lui être refuser. Cette toute puissance est une mise
sous dépendance symbolique. D'où se déduit que c'est la mère qui est
toute puissante, pas l'enfant.
Il faudra pour que s'ordonne un passage au niveau de la loi, qu'on se
serve de la fonction "père".
Le vide dont Lacan fait le tour, est une mise en valeur de
l'irréductible qui dans la tendance se propose à l'horizon d'une
médiation.
Du fait même qu'il soit soumis au principe de plaisir, l'homme est
engagé dans les voies du signifiant, ce qui a une incidence sur le réel
psychique. L'encerclement de la chose est impliqué par notre rapport au
signifiant
La chose est donc ce qui du réel pâtit de ce rapport fondamental
Ni la science ni la religion ne sont de nature à sauver ou à donner la
chose. Et cette chose que tend à réaliser la sublimation reste une
illusion.
Aucune réification ne saurait résorber ce vide
Dans le réel psychique, la chose pâtit du signifiant, et on ne répond
qu'avec ces signifiants en jeu.
Que se passe-t-il lorsque le lexique ne remplis pas les conditions de
possibilité de la pensée?
A propos de la limite de l'in-croyance, qui forme un chapitre du texte
que Lacan met en avant, Lucien Febvre resitue Rabelais dans le contexte
de la langue qui est en jeu,"Questions de milieu" chapitre-t-il , dans
le monde de Rabelais , se pose cette question : "..quelle netteté,
quelle efficacité pouvait avoir la pensée d'hommes qui pour spéculer,
ne disposaient pas encore dans leur langue, de ces mots usuels qui
reviennent d'eux mêmes dès lors que nous commençons à penser". Suit ici
trois pages de "mots qui manquent". Là-bas au XVIeme siècle, manquent
les mots qui auraient permis de discriminer ce qu'il en était du finis
et de l'infini dont L. Febvre fait la généalogie depuis les grecs.
Manquent ceux afin de mettre en crise la question entre l'hypothèse et
la réalité et pour finir je le cite : "au vrai, personne n'avait le
sens de l'impossible.../.. la communication entre naturel et surnaturel
demeure incessante et surtout normal".
Là-bas au XVI ème comme ici, certaines dimensions, comme la croyance ou
l'incroyance sont assujetties au mode dans lequel l'homme est
parti-pris au champ sémantique qui représente le monde et donne sa
substance à l'homme. Par extension, qu'en est-il de la transformation
du lexique, que ce soit en 1933 ou en 2020?
Bossuet est précurseur en utilisant la métaphore de l'anamorphose dans
un de ses sermons. Je ferais court : si vous ne voyez pas dieu c'est
une question de perspective, vous êtes au mauvais endroit.
Cela a sans doute commencer avec la dépravation des perspectives des
colonnes grecs jusqu'à Vitruve par ces rectifications légères dont on
disait que c'était afin de "remèdier à l'erreur de la vue".
Rassembler et rendre lisible, d'où le plaisir de voir surgir. Voici un
programme qui fera florès dans les années 70 d'où un certain plaisir du
texte émergera. Roland Barthes s'avance avec la nouvelle
critique/anamorphotique Est-ce qu'avec cette métaphore de l'anamorphose
Lacan aurait offert un mot qui manquait à tout une époque, où double,
rime avec trouble, coupure et évasion, "l'hors d'oeil, l'hors
discours". Rendre compte de la division.
Barthes encore, "il n'y a peut-être qu'une seule rhétorique", je
pourrais lui forcer ce lapsus, il n'y a peut-être qu'une seule
érotique, là où, dit-il ailleurs "le vêtement baille" c'est un peu ce
dont il s'agit depuis Freud, c'est ce que Lacan déplira inlassablement.
Celui-ci ramasse la pensée : défile l'histoire de l'architecture puis
de la peinture et la combinaison entre les deux. On peut dit-il définir
l'architecture comme quelque chose d'organisé autour d'un vide puis
pour des raisons économiques, on fait des images de cette architecture
et pour que cela y ressemble, on invente la perspective ; on croit
entendre l'économie d'une transmission, ce qui ferait fantôme de désirs
en désir.
Lacan suggère un autre temps où on s'étrangle avec ses propres noeuds :
l'architecture se soumet à des lois de perspectives qui fait d'elle sa
propre règle, c à d qui les met à l'intérieur de quelque chose qui a
eté fait dans la peinture pour retrouver le vide de la primitive
architecture ; on croît entendre ce qu'il en serait d'un symptôme. Le
retour baroque a tout ces jeux de la forme (l anamorphose est l'un
d'entre eux) fait resurgir quelque chose qui restaure , (une illusion
qui se transcende elle-même en montrant qu'elle n'est là qu'en tant que
signifiante ) primauté est rendu au langage dans l'ordre des arts ;
pour tout dire primauté est rendu à la poèsie .
C'est pourquoi pour aborder la question des rapports de l'art à la
sublimation, Lacan repartira des textes de l'amour courtois.
Un élément constitutif de la nouveauté freudienne est que le principe
de plaisir s'exerce fondamentalement dans l'ordre de ré-investissement
hallucinatoire et est facilité par les représentations de mots.
La première chose que peut faire l'homme démuni lorsqu'il est tourmenté
par le besoin est de commencer par halluciner sa satisfaction. Le "nerf
diffus du principe de plaisir" est "qu'à chaque fois qu'un état de
besoin est suscité, un réinvestissement hallucinatoire de ce qui a été
antérieurement hallucination satisfaisante, opère.
Le principe de réalité est une seconde étape.
Par bonheur, se font en même temps les gestes qu'il fallait pour se
rapprocher de la zone où l'hallucination coïncide avec un réel
approximatif.
Laurence Desprat pour les leçons 11 et
12
Leçon 11
Lacan commence cette leçon en projetant une anamorphose pour illustrer
sa pensée.
A partir de l’article d’Ella Sharpe à propos des peintures sur les
parois de la caverne d’Altamira ,il interroge le choix de ce lieu :
cavité souterraine, difficilement accessible qui entraine une
complexité dans le travail d’ éclairage, de prise de vue qu’on suppose
en quelque sorte nécessitée par la création sur ces parois d’images
saisissantes, sorte d’épreuves subjectives et objectives, de ces
premières productions de l’art primitif .
. Épreuve pour l’artiste ,comme une mise à jour d’une certaine
possibilité créatrice .
. Épreuve objective ,ayant un rapport avec quelque chose à la fois lié
à la subsistance même des populations de chasseurs, mais aussi avec la
présence d’un caractère d’un au-delà, du sacré, que nous essayons de
fixer par le terme de la Chose.
Les parois, comme un temple , une organisation autour du vide qui
serait la place de la Chose que nous voyons ensuite ,nous dit Lacan ,
sur les parois de ce vide lui-même. La peinture apprend à maitriser ce
vide, à le fixer sous la forme de l’illusion de l’espace autour de
laquelle va s’organiser l’histoire de la peinture .
Or l’illusion de l’espace est autre chose que la création du vide et
c’est ce que représente l’apparitions des anamorphoses à la fin du XVIe
siècle. Lacan va faire référence au tableau d’Holbein, Les Ambassadeurs
avec la présence du crâne .
Avec l’anamorphose l’artiste retourne l’utilisation de cette illusion
de l’espace et la fait entrer dans ce qui est le but primitif d’en
faire le support de cette réalité en tant que cachée ; il s’agirait d’
une façon de cerner la Chose dans toute œuvre d’art .
Il critique la position platonicienne qui situerait l’art du côté d’une
imitation .Or le but des œuvres d’art n’est pas de représenter ces
objets ; elles ne font que feindre de les imiter .Elles font de cet
objet autre chose Et l’objet est instauré dans un certain rapport à la
chose qu’il est fait pour cerner , pour présentifier/absentifier.à la
fois la Chose. Tel le tableau
des pommes de Cézanne ,une façon nouvelle de faire surgir
l’objet,au-delà de l’objet même.
Lacan en revient à ce qu’il veut exposer dans cette leçon, à savoir
cette forme de sublimation qui s’est créée à un moment de l’histoire de
la poésie, l’éros et l’érotisme avec une articulation possible avec
l’anamorphose.
En ce qui concerne l’éthique de la psychanalyse Il souligne comment
Freud , dans sa recherche sur les origines de la morale, et à partir du
mythe œdipien, de Moise et le monothéisme et du Malaise dans la
civilisation ,il fait intervenir ce recours structurant, la puissance
paternelle ,comme une sublimation comme telle. Cela semble pourtant une
impasse dont seule la fonction du mythe avec le meurtre du père ,sorte
d’organisation signifiante , permettrait de sortir .
Alors quelle est cette possibilité de sublimation ?
Pour Freud les opérations de la sublimation seraient éthiquement
valorisées et l’artiste en auraient des bénéfices secondaires .
Pour Bernfeld, pédagogue et psychanalyste autrichien, cette déviation
de la tendance est utilisée au fin du moi .
Il y aurait donc une fonction du poète ;
Lacan va interroger cette fonction poétique à travers l’amour courtois
qui s’appuie sur
le principe d’un idéal pour des cercles de cour, de nobles qui vont y
participer au principe d’une morale ,d’idéaux de loyauté ,d’exemplarité
de la conduite autour ….d’une érotique .
Ceci entre le XIe siècle en France et le XII, voire début du XIII en
Allemagne ;
Jeu des troubadours, dans le midi /Occitanie (origine limousine ,)
trouvères dans le nord, Minnesanger en Allemagne.
Les cours d’amour avec une juridiction des dames a-t-elle vraiment
existé ? Des textes on été retrouvés dans l’ouvrage De arte Armandi
d’André le Chapelin concernant entre autre Éléonore d’Aquitaine ,
épouse d’Henri Plantagenêt futur roi d’Angleterre .
Plusieurs femmes auraient ainsi participé à ses juridictions de
casuistique amoureuse ; Les termes de ces textes sont extrêmement
précis avec une connotation d’idéal à poursuivre, de conduite typifiée
. C’est une Poésie qui se développe en langue vulgaire autour de
différents thèmes avec un récurrent qui serait celui du deuil et même
un deuil jusqu’à la mort . Une caractéristique de l’amour courtois est
d’être une scolastique de l’amour malheureux . nous y trouvons les
règles des échanges entre partenaires et pour obtenir les valeurs de la
Dame . Dans une période historique où la libération de la femme ne
semblait pas d’actualité …et où elle était plutôt un corrélatif des
fonctions d’échange social, un support d’un nombre de biens et de
signes de puissance . Aucune place n’est laissé à sa personne propre
excepté dans le domaine religieux.
C’est donc dans ce contexte que surgit cette fonction du poète de
l’amour courtois ,
Le premier des troubadours est Guillaume de Poitiers ,comte de
Poitiers, duc d’aquitaine et au passage un fort redoutable bandit ;Mais
à partir de certains moments il devient poète de cet amour singulier.
Lacan indique quelques lectures pour approfondir cette question de
l’amour courtois qui était un exercice poétique, une façon de jouer
avec des thèmes idéalisant qui ne pouvaient avoir aucun répondant
concrets réel à l’époque où ils fonctionnaient ;
La question de la parenté de l’amour courtois avec une forme mystique
ou de source religieuse a été mise de coté rapidement .
Ici l’objet, est la Dame à laquelle le troubadour se voue quel que soit
sa position sociale Nobles ou comme Bernard de Ventadour le fils d’un
servant du château .
L’inaccessibilité de l’objet est posée là comme principe . Présupposé
d’une barrière qui l’entoure, l’isole. Cet objet La Domnei ,souvent
appelée » mi dom » mon seigneur donc masculinisé . Cette dame se
présente avec des caractères dépersonnalisés ; l’objet féminin dans ce
champ poétique est vidé de toute substance réelle .La personne est
transformée en une fonction symbolique . (signifiante)
Lacan précise son propos en se référant à ce point central où ce que
demande l’homme c’est d’être privé de quelque chose de réel, Cela fait
apparaitre une zone de vacuité ; cette vacuole crée au centre du
système des signifiants pour autant que cette demande est ce qui est
essentiellement lié à cette symbolisation primitive qui est toute
entière dans la signification du don d’amour .
Ce que la création de la poésie courtoise tend à faire c’est à situer à
la place de la chose et selon le mode de la sublimation qui est celui
propre de l’art , cet objet affolant, pour citer Lacan, partenaire
inhumain car jamais la dame n’est qualifiée de telle ou telle vertu
;Elle est arbitraire et cruelle dans ses exigences . .Cela se repère
bien dans les romans de Chrétien de troyes.
L’anamorphose va ici nous servir, ns dit Lacan à percevoir la fonction
narcissique en nous indiquant de quelle fonction du miroir il s’agit.
Le miroir remplit un rôle de limite , qu’on ne peut franchir et rend
ainsi l’objet inaccessible. Objet séparé de celui qui se languit de
l’atteindre .
Lacan évoque le caractère de détour de la sublimation ,mais qui n’est
pas celui dont parle Freud quand il est destiné à satisfaire au
principe de réalité ; Il fait apparaître cette vacuole qui entoure
l’approche de la Dame, la série des obstacles , les médisants ,le
secret( LA Dame n’est nommée que par un terme intermédiaire le Senhal
qui sera par exemple « Bon voisin » par G. de Poitiers.) ici le détour
en question est celui au travers duquel s’élabore , se projette ce qui
se présente comme une certaine transgression du désir
Là apparaît ce que Lacan nomme « la fonction éthique de l’érotisme »
avec une technique de la retenue, le plaisir de désirer, valorisant les
plaisirs préliminaires avant cet énigmatique Don du merci .
(La genèse de l’instauration idéalisante de l’objet féminin serait dans
le texte d’Ovide « L’art d’aimer »)
Pour Lacan , L’amour courtois a été créé à peu près comme ce fantasme
que vous voyez surgir au sein de la seringue; il fait ici référence à
cette technique de l’anamorphose avec cette forme montante et
descendante que prend l’image dans cette sorte de seringue qu’il
compare à une sorte d’appareil à prise de sang du Graal en sachant que
précisément le sang du Graal est ce qui manque dans le Graal .
IIl finit la leçon sur un poème de Paul Éluard dont le chant poétique
souligne cette frontière, cette limite que Lacan tente de nous
permettre de localiser et de sentir .
Sur ce ciel délabré, sur ces vitres d’eau douce
Quel visage viendra, coquillage sonore,
Annoncer que la nuit d’amour touche au jour,
Bouche ouverte liée à la bouche fermée ;
Leçon XII
Pierre Kaufman, chroniqueur à la revue Combat et assistant de
philosophie à la Sorbonne (psychanalyste à l’école freudienne de paris)
va reprendre l’article de Bernfeld paru en 1922 dans Imago ; Lacan
l’avait évoqué dans la leçon précédente .Cet article se situe donc
avant l’élaboration freudienne sur l’idéal du moi .
Bernfeld apparaît comme un lecteur et commentateur de Freud et il va
porter son analyse sur le rôle de l’idéal du moi dans la sublimation.
Pour lui, cette notion de sublimation a été forgée par la psychanalyse
et transmise à la psychologie, particulièrement celle de l’enfant. Or
cette assertion est contredite à la lecture des Trois Essais sur la
sexualité où Freud dit qu’il l’a emprunté à la sociologie avec une
référence à trois auteurs TIering, Vierkandt et Simmel.
Ce dernier apparaît comme un précurseur de la doctrine freudienne de la
sublimation à la lecture de son ouvrage paru en 1900, intitulé «
Philosophie de l’argent ».
Simmel relie le problème de la signification de l’argent au problème de
la satisfaction du besoin, de la distance à la chose et enfin de la
sublimation . Ce dernier terme est évoqué à propos de la mise à
distance de l’objet ; Il y aurait une constitution d’un objet
indépendant du moi, à distance du moi qui correspondrait à une
atténuation des affects du désir. Cette distanciation de l’objet va
produire une séparation entre le sujet et l’objet, une coupure qui va
faire apparaître une signification propre au moi et une signification
propre à l’objet. D’où l’introduction du terme sublimation qui se
trouve associé à l’idée de distance .Dans l’art, nous retrouvons ce
rapport de distanciation où se trouve le moi vis à vis d’un objet
distant.
Revenons à Bernfeld et comment celui-ci présente la sublimation d’après
ce qu’il pense de l’élaboration Freudienne.
-Elle serait un destin que la pulsion sexuelle doit subir en raison du
déni extérieur ou intérieur de son but (référence à Léonarde de Vinci,
à l’Introduction au narcissisme et aux Trois Essais)
-Ce destin spécifique s’accomplit dans la mesure où il intéresse la
libido objectale ; La pulsion se déplacerait sur un but autre, éloigné
de la satisfaction sexuelle, ; L’accent est mis sur le fait qu’il se
détourne du sexuel .
Puis une question se pose sur l’interprétation de la notion de
sublimation à travers deux textes de Bernfeld
Dans l’article « Le Gauchissement de but de la pulsion du sexuel
définit donc la sublimation « l’origine en serait dans le moi idéal
Dans Imago , il n’est plus dit qu’elle s’origine dans le moi idéal mais
qu’elle peut être excitée, stimulée.
Qu’en saisir ?
Que La sublimation reposerait sur l’accord qui s’établirait entre la
libido objectale défoulée d’une part et d’autre part les buts du moi
c’est à dire la part qui revient au moi dans la sublimation.
Bernfeld va prendre des exemples dont le premier est la création
poétique d’un adolescent entre 13 et 19 ans : ballades, poésie lyrique
issue de sa vie personnelle, drames, autobiographie…Le commentaire
général est qu’avant 14 ans et demi la situation est dominée par le
complexe de castration, puis avec la puberté se produit une tentative
de choix d’objet par rapport à une imago maternelle .A 15 ans se
produit le refoulement des composantes sensibles en vertu d’une
réanimation régressive du complexe d’Œdipe et ce phénomène culmine
entre 16 et 17 ans.
La question étant avec quelle énergie le poète écrit-il ?
Dès le départ l’accent est mis sur le moi idéal avec une libido
objectale d’abord réprimée avec le refoulement des objets sexuels mère
et sœur ; ces buts refoulés sont présents dans les rêveries et non dans
les poèmes ;
Ensuite la libido sera défoulée et ce seront ses sentiments issus de
son amour pour une jeune Melitta qui seront la source de ses poèmes.
Puis un 3eme temps où la libido est à nouveau refoulée et en partie
mise au service du moi idéal et de ce qu’il appelle les buts du moi. Et
là se caractériserait la production artistique.
L’énergie est celle de la libido objectale qui n’est plus refoulée et
qui est détournée de son objet.
Lacan souligne que l’amour enfantin pour Melitta se ressent d’un
processus de refoulement et ce qui ne tombe pas sous le coup de ce
processus, cette part « inaccessible » passe sur le plan de la
sublimation .Une partie refoulée, une partie sublimée.
Finalement pour Bernfeld , il y aurait un accord entre un défoulement
de la libido et les buts du moi dans le cas de la sublimation et c’est
ce qui la différencierait de la formation réactionnelle .
Lacan va souligner à la suite de Freud que la sexualité est là chez le
jeune enfant, avant la période de latence et que la question de la
sublimation se pose donc plus tôt ; ce que Bernfeld sous valorise en
mettant l’accent sur le passage à la puberté .
D’où la place décisive de Das Ding autour de laquelle doit s’articuler
la définition de la sublimation,
Il poursuit avec la notion de distanciation amenée par Simmel et d’un
objet comme ne pouvant être atteint. Or ce qui ne peut pas s’atteindre
dans la Chose c’est justement la chose et non un objet.
Pierre Kaufman fait remarquer que dans sa définition de la sublimation
Bernfeld exclue toute référence à l’évaluation sociale ou à une notion
de valeur.
Pas de référence, non plus au principe de réalité et à l’analyse qu’en
fait Freud quand il dit que l’art est un retour à un nouveau type de
réalité ; réalité d’un manque et non celle d’un plein.
Un deuxième exemple donné par Bernfeld sur un groupe de jeunes juifs de
14 ans qui montent une association scolaire, finit de démontrer les
deux pôles de sa conception de la sublimation :
-Ou la pulsion n’arrive pas à se satisfaire et cherche une voie le lui
permettant --Ou le moi est trop faible et il fait appel à la libido
objectale
Et c’est entre ces deux limites qu’il situe son analyse de la
sublimation artistique et de la sublimation sociale.
Lacan termine la leçon sur ce quelque chose qui se situe entre une
éthique freudienne et une esthétique freudienne.
L’éthique freudienne est là pour autant qu’elle nous montre qu’une des
phases de la fonction de l’éthique est par quoi l’éthique nous rend
inaccessible cette chose qui l’est d’ores et déjà.
Et L’esthétique freudienne nous la montrerait, cette chose,
inaccessible
Là vient s’articuler le problème de l’idéalisation avec le surgissement
du type idéal, comme nous l’avons vu s’ébaucher autour de la
sublimation de la morale courtoise.
Lacan dans les chapitres précédents, a longuement parlé de la
sublimation, des liens avec l’idéalisation. Il évoque les paradoxes de
la sublimation et du voile autour de la Chose : en particulier deux
points :
• Le voile n’est pas obligatoirement sublime
• Le changement d’objet dans la sublimation ne fait pas forcément
disparaitre l’objet sexuel. Celui-ci peut être mis en exergue à travers
une œuvre d’art, même au prix d’une transgression de l’interdit.
Afin d’illustrer ces paradoxes, LACAN cite un poème de l’amour courtois
d’un troubadour limousin, Arnaut DANIEL, célèbre pour avoir inventé un
style poétique basé sur une certaine répétition. Ce poème déclamé en
langue occitane est un « hapax » et se singularise des autres œuvres de
l’amour courtois, par sa paillardise
Pour rappel, cet art de l’amour courtois comporte des règles précises
(idéal de la Dame, inaccessibilité de la Dame en tant qu’objet sexuel,
élévation signifiante de l’Amour porté à la Dame). Il implique toute
une mesure de comportements qui tournent autour d’une érotique et de
relation de service. Arnaut DANIEL pose le problème suivant à des
compères poètes, RAYMOND et TRUMALEC. Une dame commande au poète de
créer un message destiné à son chevalier afin de formuler une requête
sexuelle. C’est un ordre qui doit mettre à l’épreuve la dignité de
l’amour du chevalier pour elle. Et cet ordre c’est d’emboucher sa
trompette. Le chevalier refuse, mais les autres poètes s’indignent.
Comment refuser à la Dame un ordre ?
Arnaut DANIEL feint de prendre le parti du chevalier et raille la
soumission de ses compères ; il prend plaisir à brouiller les
perspectives .Il nous tend son miroir dans lequel le poète ne pourra
qu’être vieux et blanchi avant d’accepter de pareilles requêtes. Son
image vieillissante révèle t-elle comme dans une anamorphose, la
fonction narcissique derrière l’artifice de la construction courtoise ?
Comme le dit LACAN dans le chap.11 « le miroir annonce une dimension
destructrice et agressive de l’exaltation idéale visé dans l’amour
courtois ; il remplit également un autre rôle celui de limite ».L’objet
doit rester inaccessible, c’est même la seule organisation à laquelle
le miroir participe. L’objet n’est pas seulement inaccessible, il doit
être séparé de celui qui se languit d’atteindre l’objet, quitte à nous
exposer avec crudité et comme par accident, la nature exacte de la
trompette.
A ce passage là, LACAN fait allusion à un peintre célèbre.S’agit-il de
Gustave COURBET et de son tableau « l’origine du monde » ou d’autres
peintres qui ont réalisé des anamorphoses ?"
Dans le poème, le surgissement anatomique fait retentir également
plusieurs niveaux de transgression d’interdit.
. Il y a transgression de l’intimité du lecteur mis en position de
voyeur, qui est forcé à subir la perception par le poète, du fantasme
de la dame.
Il y a transgression de l’intimité féminine réduite à un cloaque qui se
vide. Tel l’exemple de la boite d’allumettes de Prévert (dans le chap.
9), la dame est rabaissée à une chose anatomique absurde dont le
pouvoir copulatoire à l’instar du tiroir de la boite d’allumettes nous
est exhibé. Le cloaque est élevé à la dignité de la Chose, dans un
au-delà du principe du plaisir, pour le poète. Lacan nous rappelle la
caractéristique de la Chose ; c’est ce qui du réel pâtit du signifiant.
Deuxième caractéristique de la Chose, celle-ci est voilée, de manière
inhabituelle, par la trivialité de l’art oratoire du poète adressé au
chevalier.
Mais quel est celui ou celle qui a le premier transgressé ? La dame n’a
t’elle pas provoqué le poète en sortant de l’idéalisation et de la
posture de douceur convenue et en faisant exprimer un besoin sexuel par
le troubadour qui transgresse à son tour les règles ?
Autre transgression, la posture du chevalier dont le poète souligne
l’absurdité voire le grotesque de sa soumission à l’idéal de la Dame,
jusqu’à prendre peur quand celle-ci se dévoile..
Finalement quels sont les messages que nous fait passer le poète ?
Pour sublimer, il faut se rapprocher de la Chose, mais ne pas se
confondre avec elle car il y a grand péril comme le souligne le poète
La sublimation permet la séparation d’avec l’image idéalisée de la Dame
avec un brusque retournement et aussi avec une dimension de vengeance à
la fin du poème qui rappelle en quelque sorte, les bons usages .Le
poète est confronté à un dilemme : d’une part, son idéalisation de la
Femme et d’autre part ce que la dame lui révèle de son désir. Il doit
transgresser son art pour répondre à la commande et abolit ainsi une
partie de lui-même et de son art habituellement doux. La sublimation
est un carrefour où se conjoignent pulsion sexuelle et pulsion de mort
Le poète pourra t-il retrouver une autre voie sublimatoire
d’inspiration, après avoir transformé l’objet en une Chose de manière
aussi cruelle ?
Peut-être, s’agit-il d’une forme paradoxale de sublimation, un
compromis pervers, à travers l’abaissement de l’autre ; l’abolition du
sujet au regard du signifiant qui animait son désir, sous le regard du
spectateur ?
Avec d’autres exemples poétiques, LACAN illustre « une sorte de
topologie où se placent les phénomènes de la sublimation », un vide
central autour de quoi se sublime le désir.
Dans un autre paragraphe du chapitre 13 , nous sommes confrontés après
l’élan gaillard du poète, à l ‘ennui d’un catalogue linguistique très
obsessionnel. Lacan fait commenter par Mme Hubert un texte de SPERBER
qui est un psychologue linguiste de la fin du 19 ème siècle. Cet
article. « De l’influence des facteurs sexuels sur l’origine et le
développement du langage »se rapporte au problème du langage et à
d’autres problèmes voisins à articuler avec la sublimation. Ce texte a
fait débat avec la théorie du symbolisme de JONES. La question posée
par JONES est la suivante. Peut-on considérer comme un équivalent de
l’acte sexuel certains travaux primordiaux, par exemple les travaux
agricoles, les rapports de l’homme à la terre ? Certains traits
primitifs peuvent ils être rapportés au processus de symbolisation ?
JONES réfute cette hypothèse.
Mme Hubert nous prévient que dans cet article, il n’est traité que la
genèse du langage articulé, dans une intention de communication. Quels
ont été les conditions préalables qui ont fait naître chez un individu
sans parole, l’intention de communiquer avec un autre ? SPERBER en
énonce six.
1. Premièrement, au moins deux individus participent à la situation
2. Au moins un individu, A, est en état d’affect, ce qui le mène au
cri.
3. Certaines forces doivent entrer en jeu pour obliger l’individu B à
réagir de façon régulière.
4. La réaction de B doit être souhaitable pour A, sinon A n’aurait
aucun intérêt de provoquer la réaction de B par ses cris.
5. La situation doit se produire souvent, et rester la même.
6. La situation doit être simple pour établir un lien causal entre le
cri et la réaction.
A la fin de cette énonciation, SPERBER ne retient que deux situations
qui remplissent les 6 conditions préalables.
• Celle du nourrisson affamé, qui crie sans intention, et reçoit la
nourriture de sa mère.
• La deuxième est le rapport sexuel où l’excitation du mâle se décharge
par des sons auxquels la femelle réagit
SPERBER réfute la situation du nouveau-né car celui-ci ne crée pas son
langage, il le reçoit des adultes.
Il termine sa démonstration par : il semble que les indices désignent
la sexualité comme la racine la plus importante du langage.
D’autres questions suivent :
• Comment expliquer que le langage cherche à désigner des choses qui
ont un rapport éloigné ou sans rapport avec la sexualité ?
• Comment les hommes ont créé un vocabulaire ?
Le développement linguistique suit pas à pas le développement culturel
avec la formation de liens familiaux, sociaux et l’invention des outils
; Pour SPERBER, le travail des outils est en lien avec l’image de
l’acte sexuel. Les tensions du labeur demandaient une décharge
semblable à la tension sexuelle et à l’émission de sons .SPERBER
illustre son propos par l exemple de différents travaux
• Les travaux agricoles avec les symboles phalliques de la charrue, du
bâton, du pilon
• Les travaux qui consistent à couper avec des outils émoussés. Dans
différentes langues, SPERBER dit retrouver des termes communs désignant
couper avec un outil émoussé et coire .L’outil coupant est l’équivalent
du membre viril, le creux obtenu correspondrait au sexe féminin.
• Les travaux de forage que SPERBER illustre par la manière primitive
de faire du feu ; deux morceaux de bois sont utilisés dont l’un sert à
percer l’autre avec des mouvements rotatifs.
SPERBER pose la question de l’utilité de créer des mots différents
selon la spécificité du travail si la tension provoquée par le travail
résultant d’une même source, la tension sexuelle.
Il résout ce problème par cette supputation. Celui qui a conçu le
premier outil a créé un même mot pour désigner l’outil et le coït. Ce
mot fut appris par la génération suivante avant la puberté, puis la
signification s’est effacée pour cette génération qui n’a gardé qu’un
sens figuratif. Le rapport étroit entre l’invention du langage et celle
de l’outil lui semble plus convaincant que celle qui se base sur
l’étonnement ou la terreur pour provoquer la première parole.
Il argumente son hypothèse par l’importance de la répétition qui permet
de fixer dans la mémoire et de reproduire les premiers cris Cette
condition de la répétition est remplie par les sons qui accompagnent le
travail et qui ont engendré la parole. On en trouve la trace encore
dans les chants qui accompagnent les travaux collectifs.
SPERBER se dit influencé par les travaux de Freud qui a insisté sur le
rapport étroit des conquêtes de la civilisation et l’insatisfaction des
pulsions sexuelles. Si celles-ci ont joué un rôle important dans le
développement spirituel des hommes, SPERBER dit que c’est également
vrai pour l’origine du langage. La plupart des sons n’aurait signifié
qu’une seule et même chose : l’acte sexuel. Il poursuit sa
démonstration par l’étymologie de mots. Des mots à signification
sexuelle comme coït ou fout pour désigner le sexe féminin, dans les
langues germaniques primitives, ont engendré une dérive de sens,
toujours plus éloignés de leur signification primitive.
En conclusion, après le potier, LACAN convoque le trouvère et le
linguiste sur la question du vide. Il continue d’élaborer une topologie
que le concept de sublimation lui aide à cerner. Après l’articulation
de l’insatisfaction de la pulsion sexuelle et de la sublimation dont
l’amour courtois est le paradigme, ainsi que les phénomènes d’évidage
de l’objet en Chose, il ouvre une réflexion sur la genèse du langage et
du façonnage artisanal du signifiant. Comme il est dit précédemment par
LACAN, il y a identité entre cette évolution du signifiant à l’image de
la chose et cette introduction au réel d’une béance, ce dont le
processus de sublimation participe.
Je m’étais engagé à présenter les leçons 14 et 15, et cela tombe bien
car elles sont liées par la question abordée , celle de la jouissance
en tant que la religion en assure un certain traitement.
Il y a bien au début de la leçon 14 un commentaire à partir d’un
article de Sperber qui avait été présenté à la leçon précédente qui
porte sur la cause du langage qui ne manque pas d’intérêt mais sur
lequel je fais l’impasse pour me consacrer à ce qui fait continuum
entre ces deux leçons.
Lacan va reprendre ce qu’il a pu dire récemment à Bruxelles, invité par
l’Université Catholique. Ce n’était pas le même public qu’à son
séminaire parisien. Le fait qu’il s’agissait d’une université
catholique l’a conduit à développer la notion et la fonction du père en
regard de la religion.
La psychanalyse n’a pas à se tenir à l’écart de la question religieuse,
c’est bien ce qu’avait fait Freud : L’avenir d’une illusion, Moïse et
le monothéisme, Totem et tabou . Il ne s’agit pas seulement d’aborder
ce domaine d’un point de vue historique, mais en tant qu’il concerne la
subjectivité humaine, son rapport à la croyance, à la loi, à la
jouissance.
La position du croyant est tout autre que celle d’une approche
scientifique telle que la psychanalyse tente de soutenir. La démarche
de Lacan a l’ambition d’aller au-delà des conceptions psychologiques,
sociologiques, morales qui font le discours ordinaire la -dessus et d’y
avancer un point de vue psychanalytique. Ce qui veut dire aussi du
point de vue de la méthode d’être au plus près de comment les croyants
peuvent dire leur position. Par exemple à lire l’Epitre de Saint Paul
aux Romains , il y a cette indication remarquable que c’est la loi, la
loi elle -même qui fait le pêché !
Lacan jubile en lisant cela : c’est si proche de son idée concernant
les rapports de la loi au désir.
Une petite incise : on sait que Lacan avait une culture religieuse
approfondie, et aussi un frère cadet Marc-François Lacan qui est entré
dans l’ordre des bénédictins en 1929 et avec qui il a maintenu non
seulement une affection profonde mais un échange soutenu sur la
question de la vérité, du réel, du rapport à l’ autre. Ils ont mené
l’un et l’autre par des chemins différents, une réflexion sur l’éthique.
Titre d’une conférence donné par Marc-François Lacan à Strasbourg en
avril 1987 : « Une présence dont je peux jouir » ; il y énonçait ceci :
une vie « ne serait plus une marche menant à un terme où elle cessera ,
mais la découverte d’un chemin où nous sommes appelés à demeurer et à
demeurer en marche ».
Il a publié de nombreux articles dans le champ de la philosophie, de
l’éthique, et de la théologie. L’essentiel de son œuvre a été publié
sous la direction de Jacques Sédat : Dieu n’est pas un assureur, la
vérité ne s’épuise pas, chez Albin Michel, 2010.
Lacan considère que ce ne n’est une raison suffisante pour les
psychanalystes ne pas porter attention aux croyances religieuses sous
prétexte que leurs références sont autres. Il y a bien d’autres savoirs
que le savoir scientifiquement fondé. On peut bien admettre que la
croyance est en elle-même une forme du savoir, même si elle n’est
jamais sans une certaine ambiguïté. En effet le croyant en croyant
qu’il croit témoigne d’un certain savoir : il croit le savoir.
Bien sûr Lacan va aussi se tourner vers Freud. Freud qui vis-à-vis de
l’expérience religieuse une position très tranchée. Il faut dire qu’il
n’avait aucune sensibilité de ce côté-là. Qu’il soit pris dans la
culture juive est une chose, mais il se disait profondément athée.
D’une certaine manière Lacan a une position plus nuancée. On pourrait
dire qu’il accorde une certaine transcendance à la lettre là où Freud
estime que les écrits religieux sont lettres mortes. Néanmoins
reconnait Lacan, sur la fonction du père en tant qu’elle au cœur de
l’expérience religieuse, « Freud fait le poids ».
Et il nous invite à ouvrir son « Moïse et le monothéisme », l’ouvrage
ultime de Freud, qui se situe dans le fil de la question du père,
engagé dès son « Totem et tabou » et en quoi cette religion du père
vient traverser toute notre culture.
Il situe le surgissement de la conception monothéiste à partir d’une
atmosphère qui a pu être qualifiée de païenne, c’est à dite une
situation culturelle telle que bien des choses vont venir faire signe
d’un au-delà, faire signe d’une déité quelconque : une grotte, une
source, une montagne, etc. Et aussitôt se dresse un mémorial, un
temple, et un nouveau culte s’organise. Si bien qu’on assiste à une
prolifération de Dieux. C’est une véritable pullulation si bien que
l’espace de l’humain s’en trouve envahi et que pour s’en défendre il
faut que se mettent en place des rituels, des tabous, des interdits
pour que l’humain ne soit pas trop déborder, et qu’il conserve un peu
de maitrise.
Toutes les religions de l’antiquité ont donné lieu à une profusion
imaginaire des plus luxuriantes dans des styles les plus variés :
héroïque, épique, vulgaire, tragique. Lacan souligne ici que toute ces
fables sont marquées par un certain désordre. Les passions divines y
sont bien souvent contradictoires, instables, incertaines, elles
témoignent d’un certain anarchisme dans les sphères divines. Sans doute
qu’on s’amuse, qu’on y rit comme dans l’olympe grec, mais tout cela
finalement donne de la vie des Dieux un caractère bien dérisoire.
Alors en face de cela, il y a le message monothéiste que Freud va
identifier à Moïse, au personnage probablement historique, mais aussi
bien mythifié, au point d’ailleurs qu’il n’y aurait pas un Moïse mais
deux. L’enquête de Freud le conduit en effet à faire l’hypothèse d’un
Moïse égyptien (la fuite d’Egypte, le passage de la mer rouge ) et d’un
autre Moïse dit le Médianite ( le buisson ardent, les tables de la
loi). Il faut dire que l’Ancient Testament n’est pas d’une seule plume,
qu’elle raconte des époques bien éloignées, que selon les livres les
intentions sont diverses : chroniques historiques, textes législatifs,
propos dogmatiques, écrits poétiques.
Alors on peut dire que Freud tranche dans tout cela, et qu’il propose
une lecture qui tente de cerner l’essence du monothéisme et la fonction
du père qui la structure.
Deux Moïse donc pour Freud. Le Moïse égyptien, le grand homme, le
législateur, le politique, le rationaliste dont l’ apparition
historique est à dater du 14 -ème siècle av. J.C. C’est lui qui va
transmettre la religion d’Akhenaton qui s’ordonnait selon une fonction
unique symbolisé par le soleil. Freud y voit la première vision
scientifique, rationaliste du monde. Le réel serait ainsi considéré
dans une conception unitariste. Comme l’on sait, ce premier monothéiste
égyptien a été abandonné dès la disparition d’Akhenaton.
Et pourtant cette conception d’un monothéisme rationaliste va perdurer
grâce à ce Moïse dont le récit biblique va garder la mémoire comme
étant celui qui va à partir d’un petit groupe fuyant l’Empire égyptien
fonder une communauté sur les bases de ses principes. Sans doute peut
admettre Freud que ce Moïse avait quelques dons de magicien qui a su
impressionner, mais c’est secondaire. L’important c’est qu’il a orienté
ce peuple vers cette conception monothéiste.
Il fait donc l’hypothèse d’un deuxième Moïse dit le Midianite et qui a
été confondu par la tradition avec le premier, et pas pour rien. C’est
le Moïse du Sinaï et de l’Horeb, c’est celui qui voit surgir le buisson
ardent et qui entend une parole, celle du Dieu qui parle, qui va
énoncer (je passe sur les question de traductions ) : « Je suis ce que
je suis ».
C’est donc un Dieu de la parole, mais c’est aussi un Dieu caché, un
Dieu inaccessible. Quand les tables de la loi sont transmises, le
peuple doit se tenir à l’écart. Il y a une limite à ne pas franchir
entre le monde humain et celui de Dieu.
Lacan se pose la question de savoir en face de quoi ou de qui Moïse se
trouvait quand il est devant le buisson ardent et il en vient à
conclure à ceci : Ce buisson ardent, c’était la Chose de Moïse, c’était
das Ding.
Freud n’a pas abordé le problème de la même manière : son hypothèse,
c’est que Moïse l’Egyptien a été assassiné par son peuple qui était
irrité contre lui à cause de la rigueur de cette loi du principe
monothéiste.
Et pourtant par la suite, par un retour de ce qui avait été refusé, ce
peuple s’est tourné vers ce Dieu unique, s’est voué à lui, et a suivi
les observances sur un mode encore plus rigoureux. Ce qui alla de pair
avec un colonialisme impérialiste sur toute cette région de Canaan.
Nous avons donc pour Freud une dissociation entre un Moïse rationaliste
et un Moïse obscurantiste et inspiré. Le message du premier sera
transmis dans l’obscurité car le meurtre du grand homme sera camouflé,
ou plus précisément refoulé. Et comme toujours avec le refoulement, il
y a des retours des éléments refoulés. En effet ce meurtre va se
répéter, va se rejouer avec le Christ et sa mise-à-mort. Ce qui n’est
pas sans résonner avec les temps préhistoriques et le meurtre inaugural
de l’humanité : celui du chef de la horde, celui du père primitif,
l’Urvater.
Ce qui peut paraitre audacieux dans cette construction freudienne,
c’est comment la mort du Christ, la mort du fils viendrait faire
rédemption, viendrait racheter la faute originelle, celle du meurtre du
père par les fils ; l’argument de Freud c’est dire que du même coup
elle vient avouer le crime primordial, et plus pertinemment révéler
comment la loi primitivement a pu se mettre en place ensuite.
En matière d’histoire des religions Freud soutient donc un point de vue
tout à fait original. Dans cette affaire de la loi morale il estime
donc que l’aventure a trouvé son achèvement dans le judéo
-christianisme. Les autre religions (Bouddhisme, et autres) sont
restées à mi-chemin, elles n’ont pas poussé jusqu’au terme de ce que
réussit la rédemption chrétienne.
On peut s’étonner de ce singulier christo-centrisme chez Freud. S’il
pousse son hypothèse aussi loin, c’est qu’il y a à cela quelques
raisons, suppute Lacan.
De cet étonnement, Lacan en tire l’indication que pour que la loi soit
transmise, il faut en passer par ce tragique-là, par le meurtre de ce
personnage puissant et re-douté. Bien sûr, c’est douteux ironise t-il !
Mais l’important c’est la structure du mythe que cela déploie. Une fois
cet acte accompli, nous avons un consentement à la loi. L’ambivalence
dans la relation du fils au père va faire qu’une fois tué, la dimension
d’amour du père fait retour, et que du coup la loi qu’il avait promue
se trouve acceptée et même aggravée dans sa rigueur.
Nous avons là un mystère, une faille qui s’ouvre dans la pensée ; car
comment comprendre que le meurtre du père n’ouvre pas la voie vers la
jouissance ? Et qu’au contraire elle en renforce l’interdiction ?
Sans doute que le mythe freudien, peut -être le seul mythe de l’époque
moderne, donne une représentation de ce mystère, nous indique comment
dans cette affaire de jouissance et de loi, il y a une faille. Dans «
Malaise dans la civilisation » Freud souligne bien ce fait
d’observation clinique qu’à se soumettre à la loi morale, les exigences
du surmoi s’en trouve renforcées. Dans le sens contraire, quiconque
s’avance sur la voie d’une jouissance sans frein avec un rejet de la
loi morale, va trouver bientôt les obstacles les plus sévères. (cf la
clinique des toxicomanies).
Alors je formulerai la question de cette manière : comment accéder à
une jouissance qui serait vivable ? A vouloir interdire tout accès à la
jouissance cela conduit à une issue tragique ; Et qu’à vouloir ne pas
l’interdire, l’issue est tout aussi périlleuse.
La loi serait-elle ce qui rend la jouissance vivable en la modérant ?
C’est me semble t-il la suggestion de Freud. C’est la voie aussi où le
névrosé je dirai exagère dans ce sens de la modération, qu’il en règle
comme dans l’hystérie par diverses manœuvres inconscientes l’
insatisfaction, ou qu’il pose à l’ avance l’échec d’une quelconque mise
en œuvre de ce désir comme chez l’ obsessionnel.
Cet idéal freudien, « tempéré d’honnêteté patriarcale », est pour Lacan
une solution qui n’est pas incompatible avec l’éthique à Nicomaque
d’Aristote, ou pour le dire en d’autres termes reste quelque peu
névrotique.
Alors ne faut-il pas une certaine forme de transgression pour accéder à
cette jouissance ? Ce qui semble en tout cas assuré pour Lacan, c’est
que la loi sert à donner appui à la transgression. De ce point de vue
il est très paulinien.
Il fait aussi cette puissante remarque, que le mythe freudien, toute
cette histoire d’une loi qui se génère à partir du meurtre du père est
le mythe d’un temps pour qui Dieu est mort. Et d’ajouter que si Dieu
est mort, c’est qu’il l’est depuis toujours. Ce Dieu-le-Père qu’il faut
d’après le commandement aimer, cela n’a jamais été autre chose que la
mythologie d’un fils.
Si Freud interroge et articule ce commandement de l’amour du père, il
est abasourdi par celui d’aimer son prochain. C’est là que la
spéculation de Freud s’arrête faute sans doute d’une notion qui qui lui
aurait permis de dire la fonction de cette faille dans l’exercice de la
jouissance.
Lacan va proposer d’autres piste dès la leçon suivante.
***
Leçon 15
Freud quand il aborde la question du sentiment
religieux va s’arrêter longuement sur le commandement de la loi
hébraïque « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C’est un propos
grinçant, et pourtant on l’oublie. Lacan revient là-dessus. Pour
Freud Dieu est mort, ce qui veut dire qu’il l’est depuis toujours ; et
pour cela qu’il a pu apparaitre comme toujours vivant, ressuscité,
surgissant du vide laissé par sa mort. (On pourrait ajouter : En
d’autre terme, parce que Dieu, c’est du Réel, mais c’est faire usage
d’une théorisation ultérieure ) Le Dieu unique de la tradition juive
est issu de la terre d’Egypte, au cœur de ce panthéon, de cette
pullulation de Dieux ; Le pharaon Akhénaton a promu ce Dieu Un, que le
soleil se prêtait bien à symboliser. Cela ouvrait la potentialité
d’une pensée qui puisse régler l’ordre du réel. Une science s’est
élevée sur cette croyance qui exprime que le réel est rationnel et tout
le rationnel est réel. Remarque : Cette formulation de Lacan est
en fait empruntée à Hegel avec cependant un certain forçage dans la
traduction : « Ce qui est rationnel est effectif (wirklich) et ce qui
est effectif est rationnel ». Le terme wirklich peut se traduire par
effectif et par réel . Le statut du Réel n’est pas encore pleinement
élaboré par Lacan à cette époque. C’est aussi ce message que le
peuple juif a transmis, tout en reproduisant le meurtre archaïque du
père de la horde. Et c’est même en tant que ce meurtre a été oublié, à
été refoulé, que le message en a perduré. Ce Dieu-symptôme s’appuie
donc sur un mythe et Freud souligne qu’il a pu véhiculer la notion d’un
« Dieu de vérité ». Comment se fait-il que cette notion soit advenue ?
Et bien avance Freud, la vérité en question, c’est qu’il a été tué par
les hommes, et que la religion monothéiste va être générée par une
répétition, par la reproduction de ce meurtre. Freud ne néglige ni la dimension symbolique du père ni le père réel. La
reconnaissance de la fonction paternelle est dans l’histoire humaine de
l’ordre d’une sublimation. C’est là un point essentiel pour ouvrir à
une spiritualité. Dans l’histoire d’un sujet, il est aussi
souhaitable qu’il y ait un « bon père », et l’amour pour ce père a un
rôle essentiel dans la normalisation du désir humain. La vérité sur ce
bon père c’est qu’il est boiteux comme dans le mythe d’Œdipe. Ils ne
le savaient à l’époque, mais dans notre temps, tout le monde le sait
que le père est boiteux. Pour porter à quelques conséquences, il ne
suffit pas que cela se sache, encore faudrait il que cela soit
articulé. Freud à été le premier à démystifier cette fonction du
père. Il n’a pas pu être un si bon père dans sa vie familiale, il s’est
contenté d’être un bourgeois uxorieux d’après Jones. Là où il a assuré
cette fonction c’est en tant que père de la psychanalyse. Dommage
semble dire Lacan qu’il a laissé la psychanalyse aux mains des femmes
et des maitres-sots. Par femme il entend des êtres pleins de promesses
et par maitre-sots les intellectuels. De nos jour l’éthique n’est
pas séparable d’une idéologie, d’un sens politique ; Et Lacan il va
renvoyer dos à dos d’une manière bien spirituelle mais avec la plus
vive férocité l’intellectuel de gauche et l’intellectuel de droite.
L’intellectuel de gauche, il le rapproche du foal dans le théâtre
élisabéthain, c’est le bouffon, c’est-à-dire qu’il lui arrive de dire
des vérités. L’intellectuel de droite est du style knave, c’est-à-dire
du coquin fieffé, en d’autre terne d’une canaille. Dans les groupes
constitués par ces figures, on aboutit à un curieux chiasme. Dans le
style de l’intellectuel de gauche cela donne une canaillerie
collective, avec cette tranquille impudence de pouvoir exprimer des
vérités héroïques sans vouloir en payer le prix. Quant à l’idéologie de
droite si désespérante, la constitution des canailles en troupe aboutit
à tous les coups à une sottise collective. Freud n’était pas un bon
père mais ce n’était ni une canaille ni un imbécile, c’était un
humanitaire ; Pourtant il était peu optimiste sur un progrès possible
de l’humanité et sur les perspectives ouvertes par les masses. Un de
ses patients et ami, via un rêve formule à son égard cette question : «
Mais que ne dit -il le vrai sur le vrai ? » C’est une impatience
exprimée par beaucoup. De dire le vrai sur le vrai est une
préoccupation de métaphysicien, ce qui conduit souvent vers une
certaine canaillerie. Lacan se contente de dire le vrai au premier
niveau, d’aller pas à pas, de ne pas conclure. D’en rester à un mi-dire. A
suivre Freud dans le Malaise dans la civilisation, la jouissance est un
mal dans la mesure où elle comporte le mal du prochain. Cette assertion
peut choquer, heurter les belles âmes, on n’y peut rien. C’est
l’expérience de la psychanalyse qui l’a conduit là et c’est ce qu’il va
articuler dans l’ Au -delà du principe de plaisir. Ceux qui préfèrent
les contes de fées font la sourde oreille à cette tendance de l’Homme à
la méchanceté. Freud ne se contente pas d’une vague allusion, il
insiste sur ce point : « l’ homme essaie de satisfaire son besoin
d’agression aux dépends de son prochain, , d’exploiter son travail sans
dédommagement, de l’ utiliser sexuellement sans son consentement, de
s’approprier ses biens, de l’ humilier, de lui infliger des
souffrances, de le martyriser et de le tuer. » On pourrait croire lire
du Sade ! Dans le Malaise… le problème du mal est repensé en regard
de l’absence de Dieu alors que la plupart des moralistes traditionnels
éludent cet aspect pourtant prégnant dans l’histoire de la
civilisation. Ce sont les mêmes qui se persuadent que le plaisir est un
bien, que la voie du bien est indiquée par le plaisir, opinion à vrai
dire largement partagée alors que tout un chacun va admettre qu’il y a
quelque chose qui cloche dans cette croyance. C’est très précisément
ce que Freud prend en compte quand il formule que le plaisir a un
au-delà. Ce principe de plaisir, du moindre pâtir est justement fait
pour nous tenir en deçà. C’est-à-dire que la fonction du plaisir, c’est
de nous tenir éloignés de notre jouissance qui se situe au-delà du
plaisir. L’expérience nous apprend que du plaisir à la jouissance,
il n’y a qu’un pas. Qui pourrait prétendre qu’il n’a pas céder au nom
du plaisir vers sa jouissance ? La morale de la tradition philosophique
retient ce principe hédoniste dans la promesse du bien, mais elle ne
dit rien en quoi consiste ce Bien, ce qui est une belle escroquerie. Freud
sur ce point est d’un apport décisif qui pourrait nous ouvrir la voie à
une éthique renouvelée par la psychanalyse. Pourtant il va être arrêté
par ce commandement « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Comment
donner son amour à quiconque se présente ? Mais en fait il n’est pas
en mesure d’articuler cette question car il lui manque justement la
notion de jouissance. Il va bien admettre que ce qui l’horrifie dans ce
commandement c’est cette méchanceté foncière dans ce prochain, il ne
saurait donner son amour à quiconque se présente. Il peut admettre des
exceptions quand ce prochain est en lien avec un ami, mais alors ce
n’est plus un quiconque. Tout ceci est bien sensé apprécie Lacan,
avec une petite pointe d’ironie il me semble, mais Freud manque là un
plein accès à la question de la jouissance, car bien sûr cette
méchanceté est dans ce prochain, mais elle est tout aussi bien en
nous-même. Or qu’est ce qui est le plus prochain en moi-même sinon ce
cœur qui est celui de ma jouissance ? Et c’est bien là ce que je n’ose
approcher. Si je m’en approche, alors surgit une insondable
agressivité qui va le plus souvent se retourner contre moi, ce qui
m’empêche de franchir une certaine frontière à la limite de la Chose. Tant
qu’il s’agit du bien, pas de problème, le bien ou celui de l’autre,
c’est comme le manteau de Saint Martin, c’est de la même étoffe. On est
au niveau du besoin primaire qu’il y a à satisfaire. Cependant la
bienfaisance en se rabattant sur l’ordre de l’utile rate la question du
désir. Qui nous dit que le mendiant de St Martin n’aurait pas voulu
être baisé ou tué ? On imagine facilement les difficultés de l’autre
en miroir des siennes. C’est une conception piégeante qu’on retrouve
dans l’utilitarisme de Jérémy Bentham. Incise : L’utilitarisme est
une doctrine en philosophie politique ou en éthique sociale qui
prescrit d'agir de manière à maximiser le bien-être collectif, entendu
comme la somme ou la moyenne de bien-être de l'ensemble des êtres
sensibles. L'utilitarisme est une théorie qui évalue une action ou une
règle uniquement en fonction des conséquences escomptées. En tant
que doctrine, elle est qualifiée d'eudémoniste, mais à l'opposé de
l'égoïsme, l'utilitarisme insiste sur le fait qu'il faut considérer le
bien-être de tous et non le bien-être de l'acteur seul. Elle se
distingue donc de toute morale idéaliste, plaçant la raison à la source
des actions, ou encore de toute morale rationnelle telle que celle de
Kant. L'utilitarisme se conçoit donc comme une éthique devant être
appliquée tant aux actions individuelles qu'aux décisions politiques et
tant dans le domaine économique que dans les domaines sociaux ou
judiciaires.[ source : Wikipédia]
Lacan fait ici la remarque
critique que mon bien ne se confond pas avec celui de l’ autre. Le
principe du maximum de bonheur pour le plus grand nombre ne heurte pas
mon égoïsme. Mon égoïsme est bien compatible avec un certain altruisme,
surtout si celui-ci se place au niveau de l’utile. C’est un bon
prétexte pour éviter le problème du mal que je désire et que désire
tout autant mon prochain. Pas étonnant que tout le monde soit malade !
Cela nous renvoie à la question de la psychosomatique que nous
évoquions il y a peu. Le piège est celui de l’imaginaire même si
comme dans l’économie politique de Jeremy Benthan on vise à une
rationalité du bien -être. [N’est ce pas un discours bien actuel ? ]
Mais remarque Lacan ce que je veux comme bien pour l’autre , c’est à
l’image du mien. Et plus je veux ce bien de l’autre, plus je fais le
sacrifice du mien. En fait cet amour du prochain vient masquer la
question de la jouissance de la jouissance nocive, celle de l’autre
comme la mienne. Les mystiques pourraient nous enseigner par leurs
exploits vers ce lieu de la Chose innommable : cf Angèle de Foligno qui
buvait avec délice l’eau dans laquelle elle venait de laver les pieds
des lépreux, Marie Allacoque qui mangeait dans une effusion spirituelle
les excréments d’un malade. Dans ces faits édifiants, ce qui est voilé,
c’est la dimension érotique. Nous sommes là aux portes de l’enfer
intérieur, c’est-à-dire à celles de l’accès au problème de la
jouissance. Lacan va convoquer Sade pour nous éclairer là-dessus, moins
pour son érotique qui est assez pauvre que pour son articulation au
problème éthique.
Avant d’aller par-là, ce qu’il fera la leçon suivante, il nous invite à consulter avec cette même question Emmanuel Kant. En
effet Kant a pour ambition de démontrer « la valeur et le poids de la
loi comme telle ». Il s’agirait de les démontrer par les moyens de la
pure raison, en dehors de toute affect, de toute pathologie comme il
l’énonce, de toute subjectivation dira-ton. Lacan se propose de nous
donner une idée de sa spéculation, et pour ce faire, de rappeler deux
historiettes que Kant a utilisées à des fins de démonstration. La
première ( H1) est celle d’un personnage qui veut aller trouver la
femme qu’il désire illégalement ; à la sortie il sera exécuté. La
deuxième (H2), c’est à la cour d’un despote où quelqu’un est mis dans
la posture suivante : il devra porter un faux -témoignage contre
quelqu’un qui y perdra la vie. S’il s’y refuse, il sera lui-même
exécuté. En homme de bon sens, [ là encore indice d’une certaine
ironie, pour un penseur de la plus grande envergure !] Kant dans la
première histoire dit qu’en somme personne ne sera assez fou pour aller
passer une nuit avec la dame dans ces conditions, avec ce risque vital. Et
la deuxième, il pense que la situation est plus complexe. Quelque soit
le risque majeur à prendre, on peut concevoir que le sujet puisse
suspendre sa décision. Il pourrait même accepter la mort. Mais au nom
de quoi ? Au nom estime Kant d’une règle morale, d’une maxime
universelle : d’attenter aux biens, à la vie, à l’honneur est quelque
chose devant quoi il va s’arrêter. Cette règle étant universelle, étant
universellement appliquée, c’est aussi lui-même que cela va atteindre,
et risquerait de le mettre dans le plus grand désordre moral. Il pourra
finalement dire le faux -témoignage pour sauver sa vie, mais il aura
hésité. Ces exemples sont saisissants, et Lacan va faire une lecture critique des développements qu’en fait Kant. Pour
le premier, la nuit passée avec la dame présentée comme une promesse de
plaisir est mise en opposition avec la peine qui en découlerait. En
termes de plaisir, nous avons une évaluation entre un plus et un moins. Mais
si suggère Lacan la nuit avec la dame relèverait non du plaisir mais de
la jouissance, alors la mort pourra fort bien à l’ horizon être
acceptée. Ce qui annule la morale qu’en tire Kant, soit de ne pas
prendre ce risque. Il suffit en effet que la jouissance soit un
mal pour que le sens de la loi morale proposé par Kant soit
complétement changé. Dans ce cas la loi morale va plutôt servir d’appui
à cette jouissance. C’est vers un plus de jouissance que notre homme va
aller, soit finalement vers sa propre destrudo.
Dans l’autre
exemple (H2), les conditions sont différentes. Alors que nous avions un
choix entre plaisir et peine dans le premier exemple dans celui -ci
nous avons plaisir ou peine. Si je livre ce faux-témoignage,
j’attente aux droits de l’autre en tant qu’il est mon semblable, je le
conduis donc vers la mort et je sauve ma peau. Si je me refuse à cela , alors la suite me sera fatale. Il
y a un dilemme que Kant pense résoudre en suivant la loi morale, loi
fondamentale de la raison pratique qui se formule ainsi : « Agis de
telle façon que la maxime de ta volonté puisse toujours valoir en même
temps comme principe d’une législation universelle. » En fonction de
cette loi, bien qu’il y ait eu un débat intérieur, un cas de
conscience, selon cette loi fondamentale, en tant qu’elle s’applique
universellement en son principe, il s’agit de sauver sa peau comme le
ferait quiconque et donc finalement de faire ce faux témoignage. Comme
le remarque pertinemment Alice Massat dans le commentaire de cette
leçon ( voir sur le site de l’ALI ), la loi morale Kantienne conduit
ici à un acte contraire à la loi biblique qui prescrit de ne point
mentir et de ne pas faire de faux-témoignage. Nous avons donc
opposition entre la loi dite divine et la loi humaine, opposition qui
sera reprise plus tard avec Antigone, mais ce n’est pas le fil que
Lacan suit dans cette leçon.
Il se livre là à une démarche
astucieuse en proposant de changer l’histoire avec un vrai témoignage.
Il y aurait bien un cas de conscience mais qui se présente tout
autrement. Imaginons que je suis mis en demeure de dénoncer mon
prochain, mon frère pour activités subversives, l’accent mis par Kant
sur la règle universelle est déplacé. Si on admet qu’il n’y a de loi du Bien que dans le Mal, est ce que je dois porter ce témoignage qu’il s’agit d’un terroriste ? Cette
loi fait de la position de mon prochain, de la jouissance de mon
prochain le point pivot autour duquel oscille à cette occasion du
témoignage le sens de mon devoir. Dois-je aller vers un devoir de
vérité : « celui-là, mon frère pourtant, mon prochain est un être
subversif », ce qui va préserver une place authentique à ma jouissance,
même si elle reste vide ? Dans ce cas je pourrais reculer à trahir mon
prochain pour épargner celui qui me ressemble, mon semblable ? Ou
bien dois-je me résigner à un mensonge : « non celui-là n’est pas un
terroriste », alors que c’est parfaitement le cas ? Ainsi avec ce
choix, cela me fait maintenir le Bien au principe de ma jouissance, je
veux préserver mon frère, ce qui revient à m’abriter derrière mon
semblable pour renoncer à mon devoir de vérité et à la jouissance
qu’elle m’ apporte.
Lacan termine la leçon en nous laissant avec
ce dilemme qui fait tourner la question éthique non avec le registre du
Bien et du plaisir comme la morale traditionnelle s’y soutient mais
avec celui du Mal et de la jouissance qui est celui qui nous est dicté
par l’expérience de la psychanalyse.
Je dirais pour conclure que
l’impasse de l’éthique kantienne, une éthique du temps de la science où
l’idéologie dominante promeut que le réel est rationnel et que le
rationnel est réel est exemplaire de l’errance du sujet moderne dans
son rapport à l’éthique.
Pour la leçon 16, je remplace un peu au pied levé Michel Robin, qui se
trouve empêché de participer.
Dans cette leçon, Lacan annonce d'entrée qu'il parlera de Sade. Ce sont
là ses premières cogitations sur Sade. Il entend dissiper un
malentendu: il ne s'agit pas de quelque chose d'intéressant dans un
sens purement externe. Je cite: " Dans l'ordre de l'articulation du
problème éthique, il me paraît que Sade a dit les choses les plus
fermes, au moins concernant le problème qui se pose maintenant à nous."
Il enjoint les analystes commençant leur métier à se défier de la
"pastorale analytique", pour ne pas la nommer confort intellectuel,
dans la perspective des fins éthiques de la psychanalyse.
Ses considérations sur Sade constituent les prémisses du texte Kant
avec Sade, dont les particularités de parution sont étudiées par Jean
Allouch dans "ça de Kant, cas de Sade", dans les Cahiers de l'Unebévue.
Ce texte écrit initialement comme une préface à la "philosophie dans le
boudoir" pour le Cercle du livre précieux devait être publié, ce qui
n'a pas eu lieu, à une place de "critique littéraire". Lacan se
démarquait ainsi de ce que la pastorale psy avait fait de Sade. Il
s'agit d'un des textes les plus auto-cités de Lacan, d'où l'on peut
conclure qu'il comptait beaucoup à ses yeux.
Lacan annonce que le paradoxe de la jouissance introduit sa
problématique dans la dialectique du bonheur évoquée précédemment.
Pour mener à ce paradoxe, il prend le chemin de l'énigme de son rapport
à la loi.
Freud le premier, dit-il, a donné droit de cité à un mythe qui vise
directement le mort originel, il apporte cette réponse à quelque chose
qui s'était formulé à notre époque comme la mort de Dieu, avec "Totem
et tabou."
Après le meurtre du chef suprême et père, interdicteur de la
satisfaction pulsionnelle, les fils pris de remords prescrivent le
tabou de l'inceste et du parricide, qui fut le premier droit. La loi
devient ce qui interdit la jouissance, mais aussi ce qui en montre le
chemin.
Je cite Lacan:" Freud nous apporte une chose d'un poids inégalé qui
change pour nous les problèmes de la position éthique à un point dont
on n'a pas pris conscience".
La mort de Dieu et l'amour du prochain, avec le commandement: " Tu
aimeras ton prochain comme toi-même" sont historiquement solidaires. Le
commandement, sans détruire la Loi, se substitue à elle désormais comme
l'unique commandement et la reprend, en même temps qu'il l'abolit. Il
conserve ce qu'il détruit, et change de plan.
La résistance devant le commandement et la résistance qui s'exerce pour
entraver l'accès à la jouissance sont une seule et même chose.
Dans "Malaise dans la civilisation", Freud se dit surpris et
décontenancé par ce précepte d'allure si solennelle. Il énumère les cas
où ce prochain mérite cet amour,mais, je le cite, " en général cet
étranger a davantage droit à mon hostilité, voire à ma haine. Et
réciproquement."
C'est au fond dire la même chose que: aime tes ennemis. Si ce
commandement disait : aime ton prochain comme ton prochain t'aime, il
ne contesterait pas.
L'homme n'est pas un être doux, mais compte une très forte part de
penchant à l'agression . Il faut que la culture tienne en soumission
ces manifestations par des formations réactionnelles psychiques. En
dépit de tous ses efforts, elle n'a pas atteint grand-chose jusqu'ici.
Ce qui fut commencé avec le père s'achève avec la masse : la culture ne
peut réunir les hommes en une masse intimement liée que par la voie
d'un renforcement toujours croissant de culpabilité.
Le sentiment de culpabilité dans ses phases tardives coïncide avec
l'angoisse devant le surmoi, et les religions surviennent avec la
prétention de rédimer l'humanité de ce sentiment de culpabilité
qu'elles appellent péché.
Lorsque l'autorité est intériorisée par l'érection d'un surmoi, la
conscience morale se comporte avec d'autant plus de sévérité et de
méfiance que l'homme est plus vertueux : les tentations ne font que
croître par suite du renoncement pulsionnel, et on ne peut cacher au
surmoi la persistance de souhaits interdits. L'empêchement de la
satisfaction érotique suscite en outre une part de penchant à
l'agression contre la personne qui trouble la satisfaction, cette
agression elle-même doit nécessairement être à son tour réprimée, et
elle est déférée au surmoi.
Je cite Freud : "L'éthique est à concevoir comme une tentative
thérapeutique, comme un effort pour atteindre par un commandement du
surmoi ce qui jusqu'ici ne pouvait être atteint par tout autre travail
culturel. "
Le commandement est pour lui impraticable, une inflation aussi
grandiose de l'amour peut seulement en abaisser la valeur.
A partir de là, je ne vous proposerai qu'un résumé en forme de
paraphrase de la leçon.
Lacan se demande quelle est la nature de la jouissance de la
transgression. On y voit opérer un risque pris où le sujet, s'en étant
tiré, se trouve comme garanti dans sa puissance.
Vers quel but la jouissance progresse t-elle pour devoir prendre appui
sur la transgression pour y arriver?
Si dans ce chemin le sujet rebrousse, qu'est-ce qui provoque ce
retournement?
Sa réponse : l'identification à l'autre, soit l'altruisme. Nous
reculons à attenter à l'image de l'autre parce que c'est l'image sur
laquelle nous nous sommes formés comme moi. Ici est la puissance
convaincante de l'altruisme, dit-il, et aussi la puissance
uniformisante d'une certaine loi d'égalité. Tout ceci repose sur
l'image de l'autre en tant que notre semblable.
Si l'interdiction de forger le Dieu des images a un sens, c'est que les
images sont trompeuses. Elles sont toujours creuses. L'homme aussi, en
tant qu'image, c'est pour le creux que l'image laisse vide qu'il est
intéressant.
On peut se référer là aux premières leçons du séminaire, traitant de
l'Esquisse, où est décrit quelque chose que le sujet intègre dans son
système de représentations mais qui reste un tout cohérent, " un
appareil constant qui reste ensemble comme chose ", qui échappe au
principe de plaisir, immuable, irreprésentable, inassimilable, chose
étrangère au sujet aussi bien que située en son coeur.
Sade est sur cette limite de l'image du semblable et de l'espace du
prochain, en tant qu'il imagine de la franchir, qu'il cultive le
fantasme sadique. Il nous montre l'idée d'une technique orientée vers
la puissance sexuelle non sublimée, et les rapports de cette idée avec
ce champ à explorer de l'accès au prochain.
Dans la théorie, il la franchit dans la doctrine de la jouissance de la
destruction, du mal cherché pour le mal, de la croyance à un Dieu comme
l'Etre suprême en méchanceté, dans ce qu'il appelle le système du Pape
Pie VI, où il déploie une vision de la Nature comme d'un vaste système
d'attraction et de répulsion du mal par le mal. Le procès de la
démarche éthique étant pour l'homme de réaliser à l'extrême cette
assimilation à un mal absolu.
En temps que nous sommes dans un jeu symbolique, questionne Lacan,
est-ce que nous avons quelque chose à apprendre de celui qui s'avance
dans un discours plus qu'atroce sur cet espace du prochain comme tel?
Les atrocités de Sade ont une face réaliste.
Pour Freud, dans "Malaise dans la civilisation", il n'existe pas de
commune mesure entre la satisfaction que donne une jouissance à son
état premier, et celle qu'elle peut donner dans les formes détournées
selon les voies dans lesquelles l'engage la civilisation.
Sade est extrêmement conscient des conditions faites à l'homme noble de
son temps, et les jouissances interdites par la morale reçue sont
parfaitement accessibles et permises aux riches.
Où se situe l'oeuvre de Sade?
On y trouve dit Lacan une sorte d'absolu de l'insupportable de ce qui
peut être exprimé par des mots concernant la transgression de toutes
les limites humaines. Il y repère une sorte de défi à la sensibilité
dont l'effet, obtenu sans art,est stupéfiant. L'ennui que génèrent
dissertations et digressions n'est que la réponse de l'être à
l'approche d'un centre de zéro absolu psychiquement irrespirable.
Il s'agit d'une littérature expérimentale, expérience qui arrache le
sujet à ses amarres psychosociales, à toute appréhension psychosociale
de la sublimation.
Sade a la prétention de valoriser socialement son extravagant système.
Maurice Blanchot écrit, dans "Lautréamont et Sade " : " Sade a eu la
hardiesse d'affirmer qu'en acceptant intrépidement les goûts singuliers
qu'il avait et en les prenant pour le point de départ et le principe de
toute raison, il donnait à la philosophie le fondement le plus solide
qu'il pût trouver et se mettait en mesure d'interpréter d'une manière
profonde le sort humain dans son ensemble. "
Ses aveux étonnants aboutissent à des contradictions multiples.
Il nous montre que quand on s'avance vers ce vide central, en tant que
c'est sous cette forme que se présente à nous l'accès à la jouissance,
le corps du prochain se morcelle, qu'apparaît dans la parole l'objet
partiel, objet nécessairement à l'état d'indépendance.
Il énonce de la façon suivante la loi de la jouissance comme pouvant
fonder un système de société idéalement utopique : " Prêtez-moi la
partie de votre corps qui peut me satisfaire un instant, et jouissez,
si cela vous plaît, de celle du mien qui peut vous être agréable ".
Cette "loi" est extraite de l'édition de " Juliette et les prospérités
du vice " qui venait d'être publiée par Jean-Jacques Pauvert, il y est
question d'une parité entre les partenaires qu'elle lierait. Dans le
texte de 1963 de Kant avec Sade, c'est le tourmenteur qui parle, dans
celui de 1966, c'est la victime, suivant en cela les évolutions de la
théorie et l'invention de l'objet a.
Etrange incohérence aussi pour un auteur qui soutenait que rien de
lui-même ne devait subsister, même la place de sa tombe, ce fantasme du
caractère indestructible de l'Autre dans la figure de sa victime. La
victime survit en effet à tous les mauvais traitements, elle ne se
dégrade même pas dans son attrait voluptueux, suggérant l'idée d'un
supplice éternel.
Sade, encore un effort pour être sadien ?
Lacan, nous proposant ses catégories R, S, I, aborde la notion de
«
présence » en lien avec les rapports de l’hystérique au signifiant.
Pour lui, l’élaboration de la dimension éthique propre à l’analyse se
réfère à la parole et au langage (conférence de 1953) et au désir et
son interprétation (séminaire précédent), dans la relation
transférentielle à Freud et en prenant appui sur les textes de ceux qui
orientent son chemin. En effet, nous avons à choisir celui qui pourrait
nous guider en nous indiquant une direction adéquate. Il s’agit de
savoir s’en servir pour pouvoir s’en passer.
Lacan revient sur la confrontation des théories de Kant avec celles de
Sade mettant en lumière la transgression qui est cette révélation du
sens du désir comme tel. Nous aurons à distinguer, dans sa structure,
le champ du désir de celui du besoin dont il n’est pas le surgissement.
Pour Lacan, Freud est un humanitaire mais pas un progressiste. Il étaye
son propos en se référant à Marx (Les fondements de l’Etat bourgeois)
pour saisir ce qu’est le progressisme et affirme que Freud n’est pas
marxiste mais qu’il est sorti des préjugés bourgeois. Que dit Marx de
l’état bourgeois ? Il donne la règle d’une organisation humaine fondée
sur le besoin et la raison. Lacan relève l’insuffisance de cette
solution qu’il qualifie d’abstraite et de dissociée et où les
aspirations de Marx seraient celles d’un état où l’homme serait dans un
rapport non aliéné à son organisation. Freud, lui aussi, pensait que
raison et besoin étaient insuffisants pour saisir ce que serait une
réalisation humaine.
En effet, poursuit Lacan, la fonction du désir est paradoxal dans sa
structure : l’articulation signifiante est là dès le départ et c’est à
ce niveau que s’articule l’expérience humaine. La structure est là, à
l’état inconscient, avant la naissance de toute chose. C’est seulement
dans un second temps que l’homme situe la fonction de ses besoins. Ce
champ de l’inconscient, organisé logiquement, est à l’origine de cette
« Spaltung » (division) qui va se maintenir et avec laquelle nous
pourrons articuler la fonction du désir.
Nous rencontrons alors le problème de la jouissance qui est enfouie
dans ce champ central, jouissance inaccessible et obscure. Elle n’est
pas seulement la satisfaction d’un besoin, mais aussi satisfaction
d’une pulsion. Elle ne se réduit pas à la tendance (au sens de
l’énergétique), elle se spécifie d’une dimension historique. Cette
pulsion est donc insistante car elle se rapporte à quelque chose
qu’elle a mémorisé. La remémoration est coextensive de la pulsion et
elle enregistre l’expérience de destruction comme telle, c’est la
raison pour laquelle Lacan nous ramène à Sade.
Sade fonde ses théories en référence à celles du Pape Pie VI, ce que
Lacan résume de cette façon : « C’est par le crime qu’il y aura de
nouvelles créations de la nature ». Ce dont il s’agit, c’est que le
souhait le plus profond du sujet psychique, c’est-à-dire le plus caché
(pourrions-nous dire le plus inconscient ?) et qui concerne la Nature,
ce serait quelque chose qui lui permettrait de recommencer, une
tentative de repartir d’un nouvel élan. Il s’agirait d’un énoncé
littéraire qui pourrait se lire comme tel : s’il n’y avait pas de
destruction, il n’y aurait pas de possibilité pour l’homme de se
reproduire. C’est, en quelque sorte, une destruction nécessaire pour
que la vie puisse continuer.
Lacan fait cette remarque : les vices de notre système social sont
créateurs alors que les vertus ne sont que des effets. Une parfaite
harmonie aurait plus d’inconvénients que le désordre.
Pour Pie VI, s’il n’y avait plus de crimes, de guerres, « l’empire des
trois règnes » détruirait les autres lois de la nature. Il n’y aurait
plus de gravitation, plus de mouvement. Il affirme que les crimes
maintiendraient l’équilibre et seront donc nécessaires, les deux crimes
les plus utiles étant le refus de la propagation et la destruction.
Lacan cite des extraits concernant les énoncés de cette théorie. A
partir de celui-ci : « il faudrait s’opposer à la régénération du
cadavre que nous enterrons. Le meurtre n’ôte que la première vie, il
faudrait lui arracher la deuxième pour être utile à la nature », Lacan
dit que nous sommes au cœur de la pulsion de mort où il y a bien une
rupture entre le principe de Nirvana (état de repos absolu ou état
limite d’équilibre universel) et la pulsion de mort apportée par Freud.
Freud introduit une différence dans la notion de structure du vivant
par rapport à la structure physique. Entre l’appareil neurologique et
le reste de la structure, quelque chose entre en jeu, les facteurs
d’intensité et d’extensité deviennent hétérogènes, introduisant le
conflit.
Elle est à situer dans un domaine historique, lié à la chaine
signifiante, un ordre qui se différencie du fonctionnement de la
nature. La nature peut être saisie dans une mémorisation, à partir
d’une intention initiale.
Lacan revient sur les travaux de Bernfeld et Weitemberg pour articuler
la question de la pulsion de mort. Pour les organismes vivants, dans le
domaine énergétique, l’entropie entre en fonction. Est-ce de ceci dont
il s’agit ? Lacan propose de distinguer les systèmes physiques et les
dimensions de l’énergétique. Bernfeld introduit la notion de polarité
qui rend hétérogènes le facteur d’intensité et le facteur d’extensité.
C’est ce qui introduit, dans le vivant, le conflit. C’est la raison
pour laquelle il préfère dire tendance au lieu de pulsion. Il ne s’agit
pas ici d’une volonté de destruction.
Si la pulsion de mort se présente comme pulsion de destruction, c’est
aussi une volonté de création à partir de rien. Volonté de
recommencement, dès lors que l’histoire permet de mémoriser et est
suspendue à l’existence du signifiant. Ce que Freud apporte est du même
ordre que le système de Pie VI dans Sade. La pulsion de mort est une
sublimation créationniste. Ce qui passe par la chaine signifiante, qui
est hors de la nature, s’appuie sur quelque chose au-delà, ex nihilo,
et s’y articule.
Pour Lacan, une pulsion de mort qui substituerait dans l’au-delà du
principe de plaisir un sujet en tant qu’il sait, lui semble suspect.
L’investigation freudienne va se faire avec cette proposition : le
sujet en tant qu’il ne sait pas, avec un point d’ignorance absolue. Une
structure se révèle à partir d’un point d’abime infranchissable, c’est
la proposition de Freud ; cela peut être « La Chose » où il va déployer
la sublimation en tant que concernant l’instinct de mort, et en tant
que créationniste.
Lacan nous met en garde contre la pensée évolutionniste :
- Il y a une contradiction fondamentale entre les hypothèses
évolutionnistes et la pensée de Freud. Lacan veut nous montrer la
nécessité d’un point de création ex nihilo pour que puisse naître ce
qui est historique : « au commencement était le signifiant ».
- La perspective créationniste est la seule qui permette d’éliminer
radicalement Dieu, d’éliminer le support d’une personne. Dans la pensée
évolutionniste, Dieu est omniprésent, avec un processus continu de la
conscience et de la pensée à l’origine.
Nous avons à distinguer le mémorable du mémorisé, ce dernier nous
permettant de ne pas toujours impliquer l’être dans l’étant
(contrairement à la pensée évolutionniste).
Ce qui est difficile à faire sortir de l’évolution de la nature c’est
la production. Celle-ci est dans le domaine de la création ex nihilo si
elle introduit l’organisation du signifiant. A ce moment, la pensée se
manifeste, se produit, dans les intervalles du signifiant.
D’où sort le champ de la Chose qui est à l’origine de la chaine
signifiante ? Qu’est-ce que ce lieu de l’être où se produit la
sublimation, ce lieu de l’œuvre, où l’homme se met à courtiser ? C’est
la raison qui amène Lacan à réfléchir à l’amour courtois où le point
d’au-delà, c’est « La femme », en tant qu’objet du désir. Dans l’amour
courtois, l’être n’est qu’un être de signifiant et non pas un être dans
sa réalité charnelle.
Lacan revient sur le poème d’Arnaud Daniel et la femme à laquelle il
s’adresse qui lui dit : « je ne suis rien d’autre que le vide qu’il y a
dans mon cloaque. Soufflez dedans et on verra si votre sublimation
tient encore ».
Au champ de la Chose, il peut y avoir d’autres solutions. Celle de Sade
: « l’être suprême en méchanceté ». Il a repris cette expression des
Cathares pour qui le « prince de ce monde (le diable) » pouvait être
comparé à l’être absolu. Pour eux, le salut se fait à partir d’une
parole et du « consolamentum », qui est le vecteur de transmission de
cette parole qui a été bénite, d’un sujet à un autre. Il faut donc
arracher cette parole au discours. L’autorité ecclésiastique les a
sommés de s’expliquer sur la pureté de leur être, jusqu’à la mort bien
sûr.
Comment peut-on interroger le champ du désir, ce champ qui est au
centre, quand on ne projette pas ces continus d’une façon sublimée ?
Que se passe-t-il quand sonne l’heure du désir ?
Lacan anticipe la prochaine leçon : on ne peut approcher le domaine du
bien et ce n’est pas sans raison. Freud n’a pas fait une révolution
radicale par rapport à la perspective antique. Il s’est trouvé à un
carrefour historique quant à la notion d’utilité. Quel est le registre
éthique de l’utilitarisme pour Freud ? Il dépasse cette notion, ce qui
lui permet de la cerner et d’en voir les limites.
Lacan va développer le progrès de la pensée, son évolution dans
l’histoire et va démystifier la perspective du bien chez Aristote et
Platon : nous allons passer du souverain bien au niveau de l’économie
des biens, en passant par Freud (principe de plaisir de plaisir et
principe de réalité) pour saisir son apport dans le domaine de
l’Ethique.
Dans le circuit des biens, un champ reste ouvert qui nous permet de
nous approcher du champ central visé par le bien, et qui n’est pas
l’unique barrière. La vraie barrière qui arrête le sujet devant
l’innommable du désir (à savoir la destruction absolue), c’est le beau,
ce phénomène esthétique dont on dit qu’il est la splendeur du vrai.
Le bien est le premier réseau d’arrêt, le beau, est celui qui nous
arrête et qui nous indique à se trouve le champ de la destruction.
Le beau est plus près du mal que du bien quand il vise l’expérience
morale.
Leçon 19 : Christian Lemaire
Dans la leçon précédente Lacan aura anticipé ce qu'il va dire
aujourd'hui :
Le
carrefour historique où en sont les choses au moment où Freud introduit
une révolution radicale, est celui de l'utilité, et de ses
théorisations : l'utilitarisme et le conséquentialisme qui en découle.
Le dépassement que Freud opère concerne la question du bien, de sa
souvereineté depuis les grecs mais depuis Jeremy Bentham né en 1748, et
quelques autres dont le plus connu est Adam Smith, né en 1723 puisque
c'est un même tour de penser, un même mouvement, qui justifie le
libéralisme et son application concrète, politique, le marché libéré.
Il faudrait cité Bernard Mandeville, né en 1670, auteur d'un "traité de
l'hypochondrie et des passions hystérique" et de sa célèbre "fable des
abeilles" que Adam smith tout comme Bentham ont lu et dont ils se sont
inspirés.
La question de l'économie des biens initié depuis la
grèce prend ce virage et pourrait dès lors tout autant s'appeler le
marché de l'économie des biens.
C'est dans la perspective du
principe de plaisir et du principe de réalité que doit être saisit la
nouveauté Freudienne introduite dans le domaine de l'éthique. C'est en
quelque sorte une barrière que franchit Freud, sans l'énoncer en tant
que tel.
Ce mot de barrière, renvoie vraissemblablement à
l'esquisse dans la langue de Lacan et probablement faut-il l'entendre
comme le lieu d'un surgissement, autre mot clef que force Lacan par
rapport à Freud
Cette barrière arrête le sujet devant le champ
innomable du désir, du désir radical pour autant qu'il est le champ de
la destruction absolue. Cette barrière couvre ce que l'esthétique comme
expérience du beau met en tension, à savoir que la proximité voire la
congénitalité du beau et du mal donne au bien une coloration ambigüe.
La perspective sublimée est de penser notre action, tout ce qui s'opère
comme échange entre les hommes, dans la perspective où nous avons
coutume de le mettre : sous le chef du bien.
Perspective sublime et sublimée.
Opinion arrangée en manière d'atteindre l'objet de la science que la
science ne peut atteindre.
La sublimation pourrait bien être cette science truquée où la finalité
du bien est problématique, quel bien poursuivons nous?
Quid du désir de bien faire, du désir de guérir?
Il y a, à rester sur ses gardes concernant la pente "naturel" de ce
"vouloir le bien du sujet".
De quoi donc voulons nous le guérir? :
Jusqu'où pouvons nous aller dans ce qui semble inhérent à notre
expérience, de guérir le sujet des illusions qui le sépare de la voie
de son désir?
La limite de la résistence est-elle une limite individuelle?
Le rapport entre le desir et les biens tentateurs qui s'offrent au
sujet sont objet de la même interrogation.
Se faire le facteur ou l'intercesseur de la promesse d'obtention de
tous ces biens accessibles est une voie sans issue, sauf à renforcer
l'illusion d'une adéquation de l'objet au désir.
Renfort de cette illusion : que l'objet du besoin pourrait satisfaire
la pulsion.
La rupture de ces illusions serait nous dit Lacan une question de
science?
De science du bien et du mal :
Dans notre expérience, l'irréductible, indéménageable dirait Pierre
Legendre, porte sur le rapport le plus foncier du sujet avec
l'articulation signifiante.
Ce sujet n'en n'est pas l'agent, mais le support, c'est comme nouveau
sujet qu' il en surgit comme conséquence.
La question du bien est dès l'origine par l' expérience analytique,
articulée à celle de la loi , même si il est bien tentant d'éluder
cette question derrière celle d'une naturalité du bien, harmonie à
retrouver sur le chemin de l'élucidation du désir.
Et pourtant
"ce que notre expérience de chaque jour nous manifeste sous la forme de
ce que nous appelons "défense du sujet" c'est bien exactement en quoi
les voies de la recherche du bien se présentent d'abord constamment,
sous la forme de quelques alibi du sujet... ...toute l'expérience
analytique n'est que l'invite vers la révélation de son désir."
Lacan attire notre attention sur le fait que la formulation du principe
de plaisir par Freud apporte quelque chose d'essentiel et de nouveau
dans les considérations philosophiques depuis Platon sur la question.
Et ceci constitue une coupure sur laquelle il faut mettre l'accent si
l'on veut voir en quoi la pensée Freudienne apporte quelque chose de
nouveau.
Il faut se rappeler que le principe de plaisir doit être pensé dans son
rapport dialectique au principe de réalité.
Sans doute le plaisir s'articule-t-il sur le présupposé d'une
satisfaction, et c'est poussé par un manque qui est de l'ordre du
besoin que le sujet s'engage dans ses rets, jusqu'à faire surgir une
perception identique à celle qui la première fois a procuré
satisfaction : on trouve satisfaction dans les chemins qui l'ont déjà
procurée. Cependant il faut y ajouter cette économie qu'est
l'organisation des frayages qui commandent les répartitions des
investissements libidinaux de façon telle qu'un certain niveau
d'excitation ne soit pas dépassé, ne deviennent pas insupportable.
Il ne s'agit pas d'apprentissage, le frayage n'a rien à faire avec
l'habitude.
Il s'agit du plaisir engendré par le fonctionnement de ces frayages.
Le nerf du principe de plaisir est d'être plaisir de la facilité, qui
sera repris comme plaisir de la répétition. La répétition du besoin
n'est qu'occasion du besoin de répétition, et plus précisèment, de
pulsion de répétition.
La fonction de la mémoire, la rémémoration
fondamentale est à proprement parler, rivale des satisfactions qu'elle
est chargée d'assurer. Elle comporte une dimension propre au delà de
cette finalité satisfaisante.
La structure de la mémoire ne doit pas nous masquer qu'elle est faites
d'articulation signifiante,
à l'omettre on ne pourrait pas identifier ce registre dans lequel
l'instance de la rémémoration se situe de manière autonome, au niveau
non pas du réel, mais du fonctionnement du principe de plaisir.
La tyranie de la mémoire s'élabore dans ce que nous appelons structure.
C'est en ceci qu'on repère la naissance du sujet comme tel, dont rien
par ailleurs ne peut justifier le surgissement.
Ce à quoi Lacan s'oppose,
avec la critique de la finalité de l'évolution d'une matière vers la
conscience,
peut
être compris comme critique du "conséquentialisme" dont Jérémy Bentham
est l'inspirateur à partir de "l'utilitarisme" dont il est
l'initiateur. Pas de continuité, pas d'homogénéité de la conscience
mais c'est au niveaux les plus différents de notre engagement dans
notre propre réel que la conscience en quelque sorte fait tache, ou la
touche de conscience apparait.
Freud souligne toujours le caractère infonctionnalisable du phénomène
de la conscience.
C'est donc dans son rapport d'élision dans la chaine signifiante que le
sujet est repérable. Sa fonction dans la chaine des phénomènes est de
représenter l'oubli : le sujet est littéralement, soulignons cette
littéralité, le sujet est littéralement à l'origine et comme tel,
l'élision d'un signifiant, le signifiant sauté dans la chaine.
Telle est la première place, la première personne.
Ceci nous fait toucher du doigt en quoi la notion d'inconscient est
centrale dans notre expérience.
Partir
de la notion d'inconscient où le sujet en première personne correspond
à la lettre à l'élision d'un signifiant permet d'éclairer certaines
singularités.
Ainsi les rites qui rejouent le lien du sujet aux
signifiances, et, nous dit Lacan, l'instaure à l'origine et responsable
de l'oubli qui ordonne le rapport de l'homme à la nature.
La question du bien est à cheval sur le principe de plaisir et le
principe de réalité.
Il s'agit d'une articulation conflictuelle comme le tableau de la leçon
du 25 novembre le montrait (ALI p.55) La notion essentielle étant que
nous faisons de la réalité à partir du principe de plaisir.
La dimension éthique, autrement dit l'action en tant qu'elle se suffit,
n'a pas pour but l'agir. Elle s'inscrit dans une dynamique, une
“energeia”, un principe de mouvement et de fixité dirait Aristote.
Traduit par Barbara Cassin, cela donne un “automobile”. Sa puissance
d'agir est déjà là. Ce qui est difficile à faire sortir d'une évolution
de la matière c'est “l'homo faber”, pour autant que nous ne pouvons
trouver la pensée que dans les intervalles du signifiant. L'équivocité
de la notion de praxis trouve ici son terreau. A la fois “ex nihilo” et
assujetit à la contrainte sociale.
Dans le lit creusé entre besoin et désirs se dresse un champ de rêve où
l'utopie prend ses quartiers.
Chez Charles Fourrier né en 1772, le progrès social est inscrit par
avance dans des cycles longs de la nature où le satisfaction du désir
individuel est une énergie à organiser,
Ses phalanstères sont le moyen collectif au service de ce projet
suprahumain.
Peut-être vaudrait-il de mettre en relation ce projet de phalanstère
avec celui de panopticon de Jérémy Bentham où là encore le collectif
est en question. La question tournerait autour de la manière dont ces
penseurs tentent des solutions collectives à l'organisation de la
pulsion.
Chez Adam Smith par exemple la division du travail est
dite “naturel” elle repose sur ce penchant, naturel lui aussi des
hommes à trafiquer.
Quel est donc le rapport de l'homme avec
l'objet de sa production? Ou, dit autrement, qu'est-ce qui est tissé de
l'homme à son prochain dans l'objet de sa production? Si tant est que
le mien bien et celui de mon prochain soit de la même étoffe, noyau
redoutable de l'agressivité, et lieu de la chose innomable pour
reprendre des formulation antérieurs.
Sous le manteau de saint Martin circule une rareté qui fonde la
condition de l'homme dans son rapport à son besoin.
Sa partition montre et révèle, en même temps qu'elle ne montre ni ne
révèle.
La villa des mystères à Pompéi nous invite à déduire ce dont il s'agit
à partir des regards des personnages de la scène autour de l'objet
voilé.
De Clérambaut, son seul maitre en psychiatrie dit Lacan,
traque de l'objectif les plis des drapés que l'objet laisserait
apparaître.
Il y a quelque chose qui se cache là derrière et sa quète prend le
chemin des toisons d'or.
La nudité qui pourrait s'y trouver voilée, toute la pensée analytique
est là pour nous montrer que ce n'est pas un phénomène naturel, qu'il y
a un au-delà d'elle qu'elle cache.
Le réglage de la circulation des
biens par la règle de l'utilité , fusse par la fiction du “ maximum de
biens pour le plus grand nombre “ qui est la devise de J. Bentham,
n'évacue pas la question : sous les illusions de la valeur d'usage, on
trouve son utilisation de jouissance.
C'est en ceci que le domaine du bien est corrélatif de la naissance du
pouvoir.
Sur Bentham encore, mon hypothèse serait qu'il représente un processus
dont la formulation est fixé à partir d' Aristote ; Il s'agit de
supprimer la contradiction, le dire contradictoire, chez Bentham les
tables d'équivalence saturent la réalité, son travail sur la langue
tend à un classement rigoureux, exhaustif. Il tend vers cet axiome
philosophique de “dire complètement, tout, sur tout sans se contredire”
qu'Alexandre Kojève assénait comme
“ le” leitmotif de l'histoire de la philosophie.
Pour Bentham, il y faut des noms vraiment propre, dégraissé de tout
sophisme et de toute polysémie. Michel Foucault dans surveiller et
punir caractèrisait Bentham par sa pensée “panoptique”. Le voir et la
transparence était une obsession : des expression comme “un seul coup
d'oeil” (at first glance) ou “sans point d'ombre” (no dark spot) sont
récurantes dans son oeuvre encyclopédique. Son projet de contrôle
total, qui se veut exhaustif et totalisant , s'étend sur les sujets et
sur les marchandises, concerne donc aussi bien le bien que les biens.
Par parenthèse rappelons nous que Karl Polanyi dans “la grande
transformation” avançait que le 19ème siècle à inventé l'identification
du travailleur et de la marchandise. Jacques Alain Miller propose
d'entendre le projet de Bentham comme celui de supprimer la chose.
Disposer de mes biens revient à avoir le droit d'en priver mon prochain
que j'aime comme moi-même.
Le pouvoir d'en priver les autres, voilà où va se situer un noeud très
fort d'où va surgir l'autre comme tel.
Institué dans le symbolique, la privation me prive d'un bien réel.
Celui qui est le “privateur” est une fonction imaginaire : c'est le
petit autre, le semblable, à demi enraciné dans le naturel et dans le
stade du miroir et qui se présente à nous comme le privateur.
Défendre nos bien est la même chose , la même dimension que nous
défendre, à nous même , d'en jouir.
La dimension du bien est celle qui dresse une muraille puissante et
essentielle sur la voie du désir.
Leçon 20 : Rima Traboulsi
Rappel : dans la leçon précédente, Lacan a développé la notion du Bien
montrant que :
- disposer de ses biens c’est avoir le droit d’en priver les autres
donc le bien est pris non pas en terme de sa valeur d’usage mais de son
utilisation de jouissance.
- Le « privateur » est une fonction imaginaire, c’est le petit autre,
le semblable dans le stade du miroir.
- Défendre nos biens c’est défendre à nous-même d’en jouir.
Considérant que le Bien, en tant que notion, est une muraille sur la
voie de notre désir, il nous proposait de poursuivre son propos en
concevant de passer au-delà d’un certain idéal du bien, et de le
récuser.
C’est ce qu’il va faire dans cette leçon XX.
Points saillants de la leçon
I) Mise en évidence de la fausseté, l’hypocrisie, la duplicité du Bien
qui peut déboucher sur la monstruosité.
II) Lien entre désir et pouvoir de destruction
III) Méfiance / au discours du Bien Général et discours de la science
IV) Passage du Bien au Beau
V) La question de la douleur
VI) Ouverture sur l’étude d’Antigone
On peut dégager deux grandes mouvements dans cette leçons :
A) Articulation du propos de Lacan avec le contexte de l’époque.
Remarque : Moi-même, je n’ai pu faire différemment ; à savoir que la
lecture de cette leçon du 18 mai 1960, a résonné, pour moi, avec le
contexte actuel, général partageable par tous, celui de la crise
sanitaire, et celui que je traverse de manière plus singulière qui est
en lien avec le projet de l’ARS concernant le « repositionnement du
CMPP dans l’offre de soins ». Ceci étant dit… je reviens au texte…
Tout le début de la leçon est articulé à des évènements de « guerre
froide » (ça chauffait +++) qui se sont produits en mai 1960, épisode
d’une menace de guerre nucléaire suite au survol de l’URSS par de
petits avions américains et qui ont fait résonner les discours
effroyables de la puissance, au-delà des appels à la paix et des «
calculs de risques » martelés par les voix (es) d’informations.
Démonstration, on ne peut plus juste, que l’information sert d’appel,
de capture pour les foules impuissantes, sorte d’anesthésiant avant de
les emmener à l’abattoir. (p 403)
Cette parole ne peut que faire écho pour nous avec la période que nous
venons de vivre où lors des 1ères semaines de confinement, tout un
chacun ingurgitait, jusqu’au dégoût, le discours de tous ceux qui
défilaient, à la radio, sur les écrans, pour nous marteler ce que
serait « le bien » indispensable pour faire face à la catastrophe
sanitaire mondiale, discours nous barrant la pensée alors que certaines
des décisions prises risquaient de nous y mener droit devant ex :
Confinement menant à la catastrophe économique, mensonges concernant
les masques et les tests afin de camoufler la pénurie, agitation du
chiffon rouge de la peur et mise en avant des réponses sécuritaires qui
ont préparé l’acceptation des limitations des libertés les plus
fondamentales… A noter, ic,i la puissance se situait du côté du
discours médical.
Comme si « pour faire éclater le cataclysme, il faut d’abord un grand
bruit de voix » où les leaders avec une fausse aisance, « font le show
» en faisant de l’esprit pour faire dévier l’attention et la question
gênante.
Rien de nouveau sous le soleil de 2020… cf les communications de Trump,
de Bolsonaro ou même de nos gouvernants, pour ne citer qu’eux.
La question qu’il y aurait à poser est « qu’est-ce que ça veut ?»,
est-ce là le « Que Vuoï ?», la question du désir inconscient ou de la
jouissance qui nous oblige à envisager que la réponse nous mènerait
loin du Bien ? Le fait est que nous préférons penser, face à cette
question : « ça n’est pas possible ». (On ne le croyait pas non plus,
alors que le coronavirus était à notre porte) alors que rien n’est plus
possible et que ce que l’homme vise dans le possible c’est pour que
cela soit possible, à savoir quelque chose du côté de la destruction,
de la fin du monde, du mal.
Le possible est ce qui répond à la demande de l’homme et l’homme ne
sait pas ce qu’il met en mouvement avec sa demande.
L’Inconscient est la mémoire de ce qu’on oublie dit Lacan (p 404),
mémoire de la pourriture, de l’anarchie des formes, de la corruption
par ré engendrement (1°), de la destruction et la possibilité
d’anarchie chromosomique qui engendre la monstruosité (2°).
1°) : Illustration par le politique, le « en même temps » qui efface la
différenciation qui accentue l’entre soi politique, l’absence de
frontières avec le domaine des affaires.
2°) : Lien entre l’anarchie et l’atteinte de la Chose quand la loi et
l’interdit disparaissent.
A la question qu’est-ce qu’il y a au-delà de la barrière du monde gardé
par le bien, la réponse est que nous ne savons pas. Est-ce le monde de
la peur ? Non, car ce monde de la peur, avec ses fantômes, est comme
une défense, une protection contre ce qui est au-delà et qui reste
inconnu, la peur est là pour lui donner du sens.
Dans l’interdit d’y penser, il y a la distance et la proximité du
possible, (cf le développement de cette idée par Heideger dans La
Chose).
Lacan fera ici 2 remarques :
- Un lien est à faire entre « ce possible » et les effets du texte de
Sade dont « la lecture entraine l’incrédulité et le dégoût mais aussi,
un bref instant, des images qui font vibrer le désir pervers pour
autant qu’y rentre l’arrière-plan de l’Eros naturel ».
- Toute relation imaginaire, voire réelle au niveau du désir, qu’il
soit pervers ou naturel, n’est là que pour suggérer l’impuissance du
désir naturel, celui des sens, à aller bien plus loin. (Toujours une
limite ne serait-ce en dernier lieu la « petite mort » ou la mort tout
court ?) Le désir cède vite et cède le premier.
L’élucubration d’horreurs devant lesquels les sens et l’imagination
humaine fléchissent (chez Sade par exemple) n’est rien devant le réel
qui menace (dans la guerre atomique par exemple).
La seule différence entre la description de Sade et cette catastrophe
possible c’est que, dans cette dernière, aucun motif de plaisir n’y
sera entré. Son déclenchement ne sera pas le fait de pervers mais de
bureaucrates pour qui la question de savoir s’ils sont bien ou mal
intentionnés ne se pose même pas. « Déclenchement sur ordre qui se
propagera dans les rouages et les échelons, la volonté abolie, courbés
vers une tâche qui perd son sens et qui sera la résorption d’un
insondable déchet. » (Référence à la catastrophe nucléaire et à ses
retombées).
On peut aussi se souvenir de ce qui s’est passé, pendant la 2ème guerre
mondiale et dans les camps.
On peut tout aussi bien, sur un autre plan et bien sûr, toute
proportion gardée et en forçant le trait, faire le lien avec
l’application purement administrative des directives de l’ARS. Les
psychologues cliniciens et leurs approches n’étant plus qu’un rebut à
recycler par les formations neuro.
L’accumulation des déchets en désordre est la preuve de «
l’homonisation » de la planète. Le tas d’ordure, ce tumulus, étant une
des faces de la dimension humaine et ce qui se profile à l’horizon de
la politique du Bien général, Lacan nous propose de reprendre le propos
là où il était resté dans la leçon précédente, à savoir après la
démonstration de Saint Augustin qui, par la soustraction du bien au
bien, conclut que l’irréductible ne saurait être le mal… Lacan, lui,
laisse la question ouverte, tout en questionnant l’apparition
historique de cette forme de pensée.
B) Retour au propos du séminaire
Il propose de partir du Bien comme ce quelque chose qui, dans la
création symbolique, est considéré comme l’origine de la destinée du
sujet humain dans son rapport au signifiant. En d’autres termes, ce
qui, dans ce bien, se présente comme l’objet de partage et, dans sa
duplicité profonde, se présente non comme bien naturel répondant à un
besoin mais bien en tant que pouvoir possible, c’est-à-dire nanti d’une
puissance de satisfaire l’autre, le semblable et donc de le priver
aussi.
Dans la perspective des biens, c’est là que le Moi Idéal et l’Idéal du
moi entrent en jeu, instances qui se repèrent dans le schéma optique et
dans le stade du miroir.
En effet, pour rappel : l’Urbild du moi, le moi primitif, est à situer
avant le stade du miroir, il fait référence à l’aliénation à l’image
spéculaire, le moi se modelant en tant qu’image de l’autre.
L’Idéal du moi du sujet serait le représentant, ici, de ce pouvoir
faire le bien qui, cf Lacan, « creuse au-delà la question du résultat
car il revient toujours, de notre action, comme la menace d’une
exigence aux conséquences inconnues. »
Le monde des biens se structure de ce fait au niveau de 2 pôles :
- d’une part, comme fond de guerre sociale historiquement présent dans
le registre de la philosophie
- d’autre part, comme quelque chose conçu comme ayant une fonction
essentielle, salutaire dans le maintien du rapport intersubjectif.
Mais tout n’est pas pris dans cette dialectique de « lutte pour les
biens, de conflit entre les biens » (p 408) et de la catastrophe que ça
engendre ; en témoigne la tradition, la cérémonie du Potlatch, cf
Mauss, qui octroie à la destruction des biens une fonction révélatrice
de valeur.
Le Potlatch, illustre positivement le lien du désir de l’Homme avec la
destruction des biens, que ceux-ci soient d’ordre collectif (propriété
collective) ou individuelle (propriété privée). La destruction, ici,
est ce autour de quoi tourne l’économie du bien !
Ceci n’est pas le privilège des sociétés primitives puisque cette
problématique du désir se retrouve dans la culture européenne,
notamment dans le contexte de l’amour courtois qui a vu apparaître des
fêtes où les sujets se confrontaient dans des « destructions de
prestige », pour savoir lequel des 2 protagonistes aura le plus grand
pouvoir de destruction de ses biens. Dans ce processus, on note une
certaine maitrise dans l’ordre du conscient, ce qui fait la différence
avec d’autres images de destructions. On pourrait, de manière
simpliste, balayer cet exemple comme un retour à la sauvagerie, alors
qu’il aide à l’avancement de notre propos.
Pour Hegel, la tragédie dérive de conflits de discours : pour exemple «
Antigone » est prise dans l’opposition du discours familiale et celui
de l’Etat.
Pour nous, le discours de la communauté, de l’Etat, ce discours du Bien
Général est effet d’un discours de la science où se montre, pour la
1ère fois dévoilée, la manifestation du signifiant comme tel.
Illustration : Discours médical autour du Coronavirus qui a éclipsé le
discours politique pour preuve l’introduction des signifiants « la
mesure du R, le patient 0, repris pars tous mais aussi le N-1 dans le
jargon des entreprises…
Plusieurs questions se posent :
1) Est-ce que cette puissance du signifiant dans le discours
scientifique, par exemple issue du surgissement des lettres en
mathématiques, est une aliénation supplémentaire et en quoi ?
En ceci, que le discours issu des maths est, par définition un discours
qui n’oublie rien !!!
Alors que le discours de la mémorisation 1ère, celle qui persiste au
fond de nous, à notre insu (l’Inconscient) a dans son centre, une
absence, une omission qui se situe dans le « il ne le savait pas » et
qui est le lieu où le sujet vient à se situer. (Se reporter au graphe
du désir)
2) Est-ce que le discours de la science, cette chaine signifiante qui
se met à fonctionner toute seule, discours de la physique engendré par
la puissance du signifiant, est-ce qu’il va intégrer « La Nature » ou
la désintégrer ?
Question on ne peut plus actuelle !
Ces questions viennent compliquer le problème de notre désir. Le désir
humain se situe dans ce caractère original du rapport de l’homme au
signifiant et le fait de savoir si ce rapport doit ou non le détruire
(p 412). (L’homme, le signifiant ? le désir ? les 3 peut-être…)
Selon Bernfeld c’est là que se situe le problème, le sens, de la
pulsion de mort de F en tant que liée à l’histoire.
C’est en tant que, dans l’ici et le maintenant et non ad aeternam, pour
toujours, le mouvement du désir est en train de passer la ligne d’un
dévoilement, que la notion de pulsion de mort prend son sens.
Mais nous n’en savons rien sauf que se pose la question du rapport de
l’être humain vivant avec ce signifiant comme tel, en tant qu’au niveau
du signifiant, tout le cycle possible de l’étant peut être remis en
question y compris la perte et le retour de la vie.
L’Inconscient se présente, pour nous analystes, comme le champ d’un
non-savoir et c’est bien dans ce champ, que nous devons opérer. Une
fois ce champ repéré nous ne pouvons pas ne pas reconnaître la
situation de tout homme de bonne volonté, celui de bien faire.
L’analysant vient en voulant faire le bien, c’est comme cela qu’il
vient « tromper » l’analyste : il veut se retrouver bien, en accord
avec lui-même, identique avec quelques normes. En quête de son propre
bien le sujet se retrouve confronté au mystère de ce qu’est son désir.
Le sujet, de manière dérisoire se réfère à l’autre (lui, quelques fois)
qui vit (ou vivait) dans un équilibre. Or, pas besoin d’avoir rencontré
cet autre pour savoir que cette dialectique du bien et son au-delà qui
serait « Le Bien n’y touchez pas, » est un mirage. Ici se situe le
Lebensneid, résultat d’une jouissance que le sujet suppose à l’autre,
surabondance vitale que, lui, ne peut appréhender, forme singulière de
jalousie de l’autre pouvant faire surgir la haine et le besoin de
destruction non appréhendable intuitivement. (p 413). Le seul repérage
de cet autre peut provoquer ce mouvement.
Rappel : la haine du juif, avec ce qu’on lui supposait de jouissance
inaccessible aux autres…
Ici est la frontière de ce qu’apporte la notion du Bien. Un point de
franchissement de cette frontière serait le champ qui se situe au-delà
du bien : en l’occurrence le « Beau ». (p 414)
Si on se réfère à Freud, l’analyste n’aurait rien à dire sur le beau,
sur la nature de ce qui se manifeste de création dans le Beau car nous
ne pouvons que saisir des miettes concernant la valeur de l’œuvre.
Selon Lacan, F est en difficulté d’articuler ce dont il s’agit dans la
création.
Preuve en est que, concernant la sublimation des pulsions et instincts
qui ont pour effet la création du beau, Freud n’en évoque que le revenu
(bénéfice secondaire ?) qu’on en tire , ce qui nous ramène dans le
champ des biens ! Pour Freud la carrière de l’artiste se résumerait à
donner « forme belle » au désir interdit et l’artiste en tirerait, par
l’achat de son œuvre, une récompense de son audace. Ce raisonnement
court-circuite le problème de la création en tant que telle…
Au-delà de la dimension pédantesque, dans le discours sur le « Beau »,
on a toujours constaté l’existence d’un rapport singulier du beau au
désir car ce rapport est ambigu.
L’ambiguïté de ce rapport tient dans le fait que, depuis la pensée
antique jusqu’à St Thomas, le Beau, dans le même temps, quand il se
manifeste, a pour effet de désarmer le désir, en d’autres termes en se
manifestant il interdit le désir.
Si le Beau peut rester conjoint au désir, il l’est souvent sous forme
d’outrage, dans le sens d’un dépassement d’une ligne. Il n’en reste pas
moins que le Beau reste insensible à cet outrage.
Dans l’expérience analytique, quand, dans une séance, le beau apparaît
c’est parce que vient se présentifier la pulsion destructive ; le beau
dans sa fonction de rapport au désir vient à la place de cette pulsion
; le désir étant lui-même lié à une structure de leurre, illustrée par
le fantasme, en tant que s’il est un bien « n’y touchez pas ».
Pour le Beau c’est pareil, c’est un Beau n’y touchez pas (fonction de
défenses ?)
La douleur est la 1ère marge du fantasme qui nous empêche d’entrer dans
le PP ; c’est là que se situe le champ du masochisme de F mais cette
douleur qui défend la marge, occupe-t-elle tout le champ ?
Autre question : est-ce que la douleur a la même économie que les
biens, ce qui nous ramènerait dans la dialectique des biens ?
Est-ce que, comme pour eux (les biens), on veut la partager ? Lacan se
réfère à Sacher-Masoche (dans la Vénus à la fourrure) pour qui le désir
in fine c’est se réduire soi-même à ce rien qui est un bien, qu’on
traite comme un esclave qu’on se transmet et se partage. On serait là
dans un espace où se projette le masochisme pervers. La psychanalyse,
de tout temps confère au masochisme et donc à la douleur un caractère
de biens.
La leçon se termine avec la proposition de Lacan d’étudier Antigone qui
éclaire d’une part ce qu’il en est du bien « criminel », focalisant la
lumière sur la figure du tyran (Créon) et d’autre part le sens d’un
certain choix absolu qu’aucun bien ne motive (Antigone)
Association : Entre la position de l’ARS- Créon et ses injonctions
adressées au CMPP au nom du bien que serait l’inclusion et la position
de la Psychanalyse-Antigone, quelle porte de sortie pour les
psychologues ?
La mienne sera l’exil : à savoir poursuivre ailleurs, dans un autre
lieu.
Leçons 21 et 22 : Jean-Jacques Lepitre
La première question concernant ce commentaire de Lacan d'Antigone
serait, peut-être, qu'est-ce qu'il y cherche, qu'espère t-il y trouver?
Il y annonce que c'est là un point tournant concernant la question de
l'éthique? De quelle éthique? En général ou celle qui serait spécifique
de l'analyse? Alors, concernant l'éthique, Antigone c'est idéal. Voilà
quelqu'un qui au nom de ses valeurs, agit, action éthique, y compris
s'opposant aux lois communes, de la cité, édictées par ses chefs ou
représentants, celles fondant la morale ordinaire, y compris par la
peur du gendarme. Et son acte éthique est posé dans une radicalité
absolue, puisqu'elle y joue sa vie, une néantisation d'elle même
absolue, de son être même, prenant le risque d'une condamnation, où
elle serait emmurée vivante, qui, outre son atrocité, la vouerait à la
disparition anonyme d'un corps dans une pierre, telle Danaé, sans reste
d'elle-même du moindre symbole: ni nom, ni rituel funéraire. Autrement
dit qu'elle soit, y compris comme être, en tant que celui-ci se fonde
du symbole, totalement néantisée. Cette héroïne, dans ce qu'elle montre
d'une détermination éthique absolue, est exemplaire.
Mais en quoi concerne-t-elle la psychanalyse? La question éthique de la
psychanalyse?
Faut-il, pour ceux qui ne connaîtraient pas Antigone rappeler de quoi
il s'agit? Et dans ce rappel, peut-on omettre, au risque que certains
éléments restent obscurs, le contexte de la trilogie de Sophocle dans
la quelle s'inscrit cette tragédie? Antigone est la dernière des
tragédies de Sophocle consacrées aux Labdacides, après Œdipe Roi et
Œdipe à Colone. Tragédies exemplaires du genre, selon Aristote dans sa
"Poétique", en ce qu'elles mettent en scène un héros ou une héroïne
commettant une erreur l'engageant dans son destin. Erreur non de
savoir, ex: 4+5= 10, non d'estimation, ex: la taille de la place de
parking, ou les sentiments qu'on me porte, mais celle du choix d'une
action dont les conséquences me sont tout ou partie inconnues, ex: se
diriger à droite ou à gauche en ignorant les destinations. De cette
erreur de choix se produit un destin que le héros tragique ne peut
qu'assumer. Ce que note Lacan. Œdipe Roi en est un exemple répété. La
première erreur, en ce sens, d'Œdipe est, apprenant par la Pythie qu'il
tuerait son père et coucherait avec sa mère, de fuir Corinthe. Ignorant
son adoption, il en croyait la reine et le roi ses parents. Alors que
dans sa fuite il parvient à un carrefour où se présentent devant lui
deux chemins, il choisit l'un plutôt que l'autre pour poursuivre sa
route. Seconde erreur. Il croise un groupe d'hommes qui l'invective et
l'insulte. Jeune et vaillant guerrier, dans le combat qui s'en suit, il
traverse da sa lance le chef et sa suite, sauf un qui en réchappe.
Arrivé à Thèbes, ayant répondu à l'énigme de la terrible Sphynge, dont
le jeu était impitoyable, le perdant mourait, et beaucoup des jeunes
gens de Thèbes avaient perdu, les habitants de la ville pour le
remercier d'avoir vaincu la Shynge lui propose d'épouser la Reine,
Jocaste, le Roi, Laios, ayant disparu... Même si Jocaste est de 20 ans
son ainée, un amour passionnel les anime, et quatre enfants naissent
successivement: Etéocle, Polinyce, Antigone et Ismène. Les années
passent, 10, 15, 20 ans. Œdipe est un roi apprécié, aimé du peuple. Une
épidémie survient et ravage la ville. La peste. Le peuple demande son
aide au roi. Œdipe lui-même veut tout faire pour délivrer la ville de
l'épidémie. Il dépêche Créon son beau-frère auprès de la Pythie pour
obtenir son conseil. Troisième erreur. Créon revient. La solution est
claire: "Trouver le meurtrier de Laios qui est dans la ville".
Déterminé, Œdipe enquête. Est retrouvé le survivant au combat où le roi
fut tué. Le témoin raconte. Œdipe s'interroge. Il lui semble
reconnaître le carrefour, les circonstances. Il doute. Il était dit
qu'il tuerait son père. Œdipe cherche, enquête. Laios et Jocaste
auraient-ils eu un enfant? Un vieux serviteur de Laios est retrouvé.
Jocaste veut dissuader Œdipe d'en savoir plus. Le vieillard raconte.
Laios connaissait la prophétie: son fils le tuerait. Il lui avait fait
porter le bébé, les pieds liés, dans les collines arides, pour
l'abandonner aux chiens errants, aux charognards. Mais il n'en avait
pas eu le coeur. Un berger l'avait recueilli. Le berger à son tour
l'avait confié à un serviteur du roi et de la reine de Corinthe. Œdipe
hurle. Cherche Jocaste. Elle est dans la chambre. Elle s'est pendue. Il
serre dans ses bras, cette femme doublement aimée: mère et épouse. Et
crève ses yeux qui n'ont rien sû voir. Il erre fou de douleur des jours
durant. Et alors qu'il s'apaise enfin, ses fils, avides de pouvoir,
alors que Créon assure la régence, pour conquérir le trône, le chassent
de Thèbes. Œdipe aveugle, miséreux, erre sur les chemins de Grèce, aidé
par sa fille Antigone qui est ses yeux, sa canne. Fatigués,
poussièreux, ils se reposent dans un petit bois dont l'ombre les
accueille. Erreur. C'est un bois sacré et les habitants de Colone
s'apprêtent à les mettre à mal. Ils ne doivent leur salut qu'à
l'intervention de Thésée, roi d'Athènes toute proche, connaissant la
réputation d'Oedipe, roi juste et glorieux, couvert de malheurs, à demi
devin. Leur situation semble apaisée, mais voilà que survient Créon,
voulant reconquérir le pouvoir qu'ont pris les deux fils d'Oedipe. Pour
cela, il a besoin de la présence de celui-ci à Thèbes, pour le
soutenir, son aura auprès du peuple étant restée intacte. Œdipe refuse.
Il ne veut plus de vie politique, et même publique. Pour le forcer,
Créon enlève ses filles, Antigone bien sur, et Ismène passant par là,
sans lesquelles il ne peut survivre. Antigone est ses yeux, sa
béquille. Thésée, là encore intervient, livre bataille à Créon, et lui
reprend Antigone et Ismène. C'est au tour de Polynice de venir prier
son père de revenir à Thèbes avec lui, et pour les mêmes raisons:
prendre le pouvoir aidé par l'aura paternelle. Il a passé un pacte avec
Etéocle. Chacun, à tour de rôle, doit régner un an sur Thèbes. Mais
l'année est passée et Etéocle n'a pas cédé le trône, brisant ainsi leur
pacte. Œdipe refuse. Et maudit ses fils. Antigone tente de dissuader
Polinyce d'attaquer Thèbes et son frère pour prendre le pouvoir.
Oedipe, fatigué de la vie, " Plutôt n'être pas né", décide de mourir.
Il se dirige vers une faille, un gouffre où la terre s'ouvre sur
l'Hadès, les enfers, et après qu'Antigone, à son père chéri, ait fait
les libations rituelles, qu'il l'ait éloignée, qu'il ait confié à
l'oreille de Thésée quelques prophéties secrètes, il s'enfonce
solitaire dans les royaumes souterrains. Antigone, restée seule,
inquiète du destin de ses frères rentre à Thèbes. Le malheur a déjà eu
lieu. Polinyce, aidé des troupes d'Argos, a attaqué la ville, en vain.
Les deux frères ont fini la lutte en combat singulier. Et se sont
entre-tués. Créon a retrouvé le pouvoir, mais de régent toutefois, car
elle, Antigone, fille épiclère d'Oedipe, c'est à dire capable de
transmettre la royauté, ayant un fils, elle donnerait un roi à Thèbes.
Créon, pour le bien de la cité, pour que cesse la folie des Labdacides,
a promulgué une loi simple: "ceux de la cité, les "nous", sont les gens
biens, les autres, les gens d'ailleurs sont les mauvais. Ceux d'entre
nous qui nous attaquent avec les autres sont des traitres". Loi simple
existant depuis la nuit des temps qu'on l'appelle: "amour de la cité",
"nationalisme", "esprit de clocher", "communautarisme", "esprit de
corps, de bande", etc... Et pour marquer les habitants de la cité, pour
servir d'exemple, il a décidé que le traitre, celui qui a attaqué la
cité alors qu'il en était un membre, Polinyce, aurait son cadavre
abandonné, réduit au néant de la charogne. Ce qui n'est pas sans
rappeler le destin qui était promis au nouveau-né Oedipe. Seconde mort,
néantisation. C'est l'erreur tragique, ici, que produit Créon. Antigone
apprenant cela ne peut l'accepter. Elle est bien décidée à recouvrir le
cadavre de son frère, de procéder aux rituels funéraires. Malgré la
mort promise à quiconque ne respecterait pas les ordres donnés. Elle
propose à sa soeur, Isméne, de l'accompagner. Celle-ci, plus timorée,
refuse, craignant la colère de Créon. Antigone ne lui pardonnera pas,
même quand Ismène, voudra, dans un ultime sacrifice, l'accompagner au
tombeau, elle refusera. Antigone s'oppose à la loi de Créon. Mais
est-ce parce que quelque chose y excède? Cette volonté de néantisation
de Polinyce? Étrangement Lacan ne relève pas qu'il y a là une résonance
avec la barbarie du 20ème siècle, tous les génocides. Ou bien est-ce à
la nature même de la loi? Au sens où, Créon, et elle-même, savent que
la loi est injuste, par nature, au sens d'une véritable justice, car
pourquoi privilégier le parjure au dépens du traitre? Mais ils savent
que le propre de la loi, c'est de différencier, de classer, d'ordonner,
de son articulation au signifiant. Ceci pour être plus lacanien que ne
l'est ici Lacan. Antigone s'oppose à cette loi, des hommes, de la cité,
de l'Etat, au nom de la loi des dieux dit-elle. A partir de quoi, Hegel
fait d'Antigone l'exemple du conflit entre l'individu, ses croyances,
sa religion, et l'Etat. Et dont Lacan se distingue, s'affirmant moins
hégélien qu'on ne le dit. Et suivant un auteur, Erwin Rhode, dont il
paraît ignorer la reprise de l'analyse d'Holderlin. Celui-ci, le
premier, estime que les dieux évoqués par Antigone sont moins ceux de
la religion générale, Créon aussi a ses dieux, de même que la cité, que
les siens propres. Son Zeus s'opposant à celui de Créon, de la ville.
Ses dieux, ceux de sa famille, et allant dans ce sens, ses nombreuses
évocations des dieux de l'Hadès, où reposent ses parents. C'est au nom
de ses dieux propres qu'elle s'oppose à Créon, à sa loi, inflexible
défenseur du bien de la cité. Voir plus, comme le souligne l'épisode
tragi-comique du messager. Ne serait-il pas de ces tyrans tueurs, selon
la légende, des porteurs de mauvaises nouvelles? On a recouvert de
poussière le cadavre de Polinyce. Crime pour lequel Créon a promis une
mort atroce. La peur du messager, c'est celle de la cruauté du tyran?
Heureusement le chœur y va de sa chanson, l'homme, habile, s'en sort
toujours, sauf de la mort. Ce que craignait le messager. Et celui-ci
revient avec Antigone, surprise à recouvrir le cadavre de son frère.
Surprise, ou bien est-ce délibérément qu'elle s'est faite prendre? N'a
t-elle pas attendu que cesse la tempête de sable qui aveuglait les
gardes pour procéder aux gestes rituels à leur vue? Créon et Antigone
s'affrontent dans une violence verbale radicale. Il affirme la validité
de sa loi, pour le bien de la cité, que cesse la folie des Labdacides,
et la justesse de son exemple, afin de frapper les esprits, et la
justesse de la mort de quiconque oserait l'enfreindre en ne laissant
pas ce cadavre à la charogne, pourrir jusqu'au néant. Elle affirme,
elle, mort comprise, mort atroce d'être emmurée vivante, la supériorité
de ce qui la guide aux lois de la cité, de Créon, de sa tyrannie. Il y
a là une ambiguïté déjà dite, est-ce contre les lois de la cité que se
dresse Antigone, ou contre la tyrannie qui se révèle dans le sort fait,
pour l'exemple, au cadavre? Sophocle est ambigu, c'est le terme de loi
qui est employé. Antigone est d'une détermination absolue. Et Lacan
souligne ici, à juste titre, que c'est elle l'objet de fascination et
de désir du spectateur qui lui est offert par sa beauté physique, elle
est jeune et belle, c'est dit et redit par le Choeur, par sa
détermination, par sa volonté éthique délétère. Ne peut-on pas y
entrevoir un désir de mort? Face à elle, Créon et son obstination, sa
cruauté, qui n'est pas seulement politique, mais aussi sexuelle: il lui
est impossible de céder à la demande d'une femme, ce serait déchoir de
sa virilité... Il le répétera lorsque son fils viendra lui demander la
vie sauve pour Antigone: comment un homme peut-il porter la demande
d'une femme sans être méprisable? Lacan ne relève pas ce fil qui est là
pourtant tout au long. La féminité d'Antigone, dans son acceptation
passive de sa condamnation à mort se dressant, phalliquement, devant la
superbe virile de Créon, qu'elle va, même morte, finalement vaincre.
Celui-ci, à la fin de la tragédie, ne sera t-il pas réduit à la
passivité de son terrible destin et à celle de demander à être soulagé
de la vie? Survient Haimon, fils de Créon, fiancé d'Antigone, bon fils,
obéissant, mais qui, devant l'inflexibilité de son père à épargner son
aimée, se révolte et le traite de tyran. Puis, c'est au tour de
Tyrésias, le devin aveugle, encore un aveugle, d'apparaître, dans une
répétition du crescendo de la scène précédente. Il suggère à Créon de
revenir sur sa décision d'emmurer vivante Antigone, que des malheurs
risquent d'en survenir. Puis devant la morgue et le mépris de Créon,
ivre de pouvoir, il s'emporte et lui prophétie violemment que de son
entêtement cruel lui surviendront de grands malheurs. Le chœur, servile
jusque là, toujours de l'avis de Créon, doute. Les prophéties de
Tyrésias se réalisent toujours. Créon doute. Le Chœur l'encourage à
renoncer. Créon abdique sa volonté. Va recouvrir le cadavre de
Polinyce. Se rend à la grotte où est emmurée Antigone. Y découvre
Antigone pendue, comme l'a été sa mère, et son fils Haimon, accroché au
cadavre de son aimée, comme l'avait été Œdipe à celui de Jocaste.
Haimon, fou de douleur, se précipite pour tuer son père mais retourne
le glaive contre lui. Créon rentre au palais, portant le cadavre de son
fils, pour y apprendre, malheur supplémentaire, que son épouse, la
reine Euridyce, s'est tranchée la gorge de chagrin. Créon, resté seul,
demande à être soulagé du fardeau de la vie.
Alors qu'elle relation y aurait-il entre cette détermination éthique
terrible et grandiose d'Antigone et ce que serait l'éthique de la
psychanalyse? Puisqu'aussi bien Lacan en annonce l'étude comme un point
tournant. C'est ce qu'il tente d'explorer dans ces deux leçons.
Semblant osciller entre une position savante, lettrée, jusqu'à
l'analyse de texte et de traduction et une autre constituée d'éclairs
concernant la psychanalyse. Je dis d'éclairs, car ne paraissant pas
majoritaires, et plutôt sporadiques, comme si l'ensemble n'était aussi
évident qu'annoncé. Bien sûr, il commence par rappeler la place de la
tragédie d'Oedipe Roi, au centre de l'élaboration freudienne. Mais plus
subtilement il rappelle la place de la catharsis au long de la pratique
analytique depuis ses débuts, par laquelle est attendu des effets de
soulagement. Aristote dans sa "Poétique" en fait une caractéristique de
la tragédie la différenciant de l'épopée et du drame. On la retrouve en
musique, dans la variété qu'Aristote note "enthousiasmante",
aujourd'hui peut-être le rock, les raves, etc... Rapprochement que
Lacan fait aussi. Concernant la tragédie, c'est typiquement de la
crainte et de la pitié qu'elle est l'épuration, la purgation. Cathares,
les purs, les épurés, le terme a la même racine. Certains traduisent
crainte par peur et même horreur. Si Lacan regrette, qu'une partie de
la Poétique ayant été perdue, il nous manquerait des précisions
concernant la catharsis, on peut noter toutefois que cette partie
perdue avait trait à la comédie. Et que par ailleurs, qu'Aristote parle
2 ou 3 fois de la Catharsis dans sa Poétique, c'est déjà beaucoup, au
vu de son style très concis, ne revenant jamais sur ses définitions
ramassées et sans détour. En quoi consiste t-elle? Il ne s'agit ni
d'une identification au héros ou à l'héroïne, ni au Choeur, témoin de
la scène. Le spectateur peut même être distrait, comme le souligne
Lacan. Alors ne faudrait-il pas évoquer le principe de plaisir? Lacan
ne le fait pas, je crois. Car ce plaisir, et Lacan relève ce terme
d'Aristote, liée à cette purgation de la tension de la crainte et de la
pitié, serait celui de la chute de la tension, principe de plaisir,
chez chacun préexistante au spectacle et dont celui-ci serait la
résolution. A noter ici le dispositif ternaire: les héros, le choeur,
le spectateur. Lacan rappelle que cette catharsis a toujours eu un écho
médical, mais plus particulièrement à partir du 18ème et surtout au
19ème siècle. Alors en quoi l'abréaction, sens médical, concerne t-elle
l'analyse, comme il le semble depuis son début? Cette baisse de
tension, ce gain de plaisir en résultant, peut-on les déduire de ce que
le refoulement peut se penser, ce que fait Freud me semble t-il, comme
une stase énergétique, et dont la levée aurait un effet cathartique?
Ceci au travers de la parole, de son dire, et Lacan ici souligne
l'analogie de l'analyse avec la tragédie dont la parole est aussi
l'élément central, selon Aristote. Mais purification vaut-elle
guérison? Lacan revient sur la catharsis, et de ce qu'elle adviendrait
de l'ensemble du spectacle tragique, se demandant si ce n'est pas
plutôt à propos d'Antigone qu'elle se constitue en tant qu'Antigone est
l'objet de cette visée qui définit le désir. Cette visée dont Antigone
est l'objet: fascinante, jeune, belle, intimidante par sa
détermination. Objet du désir du spectateur par où opérerait la
catharsis. Comment? Par la place qu'elle occupe, à la limite de ce qui
est inclus dans la beauté, qui est celle de la seconde mort imaginée
par Sade comme point où s'annihile le cycle des transformations
naturelles, où se séparent "l'étant" de "l'être". C'est à cette limite
qu'elle se tient. Il va développer cette proposition ramassée. Cette
place c'est celle où Antigone est encore vie mais certaine de sa mort.
Se sachant déjà morte mais encore en vie. Lacan ne le soulève pas, mais
sa condamnation est exemplaire de cela: enfermée vivante dans un
tombeau. C'est dans cette zone, au centre de la tragédie, où la vie et
la mort se recouvrent, que le désir se réfléchit et se réfracte. Y a
t-il là, mais non dite, ni explicitée, une allusion au miroir? L'effet
du beau, précise t-il, sur le désir est qu'il le dédouble, tout en lui
faisant poursuivre sa course, d'une part avec le sentiment du leurre dû
à la splendeur, à la beauté, d'autre part avec son émoi, resté intact,
mais qui n'aurait plus d'objet. De cette disparition, il ne dit rien,
faut-il supposer l'objet absorbé par la beauté? Donc deux faces,
poursuit-il, à cette sorte d'extinction, de tempérance au moins, du
désir par l'effet de la beauté. Il évoque Kant, sans en dire plus.
Est-ce la division posée par Kant, dans la "Critique du jugement" des
deux modes de connaissance de l'objet: l'un rationnel, avec la
possibilité de conceptualisation, l'autre esthétique sans concept? J'ai
déjà évoqué le passage autour d'Hegel, mais peut-être faut-il préciser
que la critique de Lacan concernant la conciliation n'est peut-être pas
justifiée. Car ce n'est pas d'une conciliation des personnages avec
eux-mêmes, ou des personnages entre eux, comme semble l'entendre Lacan,
mais des forces en présence. En ce sens, Antigone-Créon: match nul, 0
partout, l'une est morte et l'autre aspire à ne plus vivre. De même
qu'il ne remarque pas l'affrontement masculin féminin auquel réagit
Créon, et qui se termine pas sa défaite, de même ne perçoit-il pas, ou
ne soulève t-il pas, la dimension croisée des positions de Créon et
d'Antigone. Le premier est au début de la tragédie dans la rationalité
et la conscience alors qu'Antigone est dans la passion, l'affectivité.
A la fin de la tragédie, les positions se sont inversées. Il est dans
la passion, il subit, dévasté par ses affects, alors qu'elle est dans
la rationalité, et c'est ainsi qu'elle produit son étrange
justification, étrange de sa logique même: "C'est mon frère, je ne peux
pas en avoir d'autre, mes parents sont morts. Alors qu'un mari, si
j'étais mariée, je pourrais en avoir un autre, et des enfants, si
j'étais mère, je pourrais les remplacer." C'est ce croisement des
positions qui justifie la place de cette justification, que Goethe
conteste, la pensant déplacée, voire imitée, ce que Lacan, à juste
titre, dément, mais sans noter ce croisement des positions, résultat
aussi de la tragédie. Alors qu'en est-il de la place du beau par
rapport à la visée du désir. Il y revient et revient à la catharsis.
Goethe la situe dans l'action. En tout cas pas celle d'Antigone, elle
n'a ni crainte, ni pitié. Ni celle de Créon, qui n'a non plus ni
crainte, ni pitié, sauf à la fin de son action. C'est Créon, comme déjà
dit, qui porte l'erreur spécifique de la tragédie, et cette erreur, il
l'a faite au nom du bien, et comme roi, du bien de tous. Créon illustre
la structure éthique tragique, au sens du destin, que l'erreur produit
et que le sujet ne peut qu'assumer. Lacan en fait le rapprochement:
"l'éthique analytique c'est l'éthique de la tragédie". S'agit-il donc
de l'erreur construisant un destin que le sujet ne peut qu'assumer?
Comme Œdipe fuyant Corinthe où il croit que sont ses parents et ce qui
en découle? Mais l'erreur de Créon n'est peut-être pas celle de la loi
qu'il édicte, on a vu sa banalité, même si le texte de Sophocle insiste
sur ce terme, et c'est peut-être pourquoi Hegel et d'autres se sont
leurrés. Mais plutôt en ce qu'il excède la loi, et, comme l'indique
Lacan, qu'il franchisse une limite en voulant faire un exemple en
vouant le cadavre de Polinyce à la charogne, en le vouant au néant, en
le condamnant à la seconde mort. C'est là l'erreur tragique, au sens
d'Aristote, de Créon. On a noté la résonance avec toutes les barbaries
et génocides du 20ème siècle et qu'étrangement Lacan ne relève pas. Ce
faisant Créon se heurte aux lois divines que défendrait Antigone.
Conditionnel parce que s'agit-il des dieux, ou de ses dieux, nous avons
vu cette difficulté. Lacan fait un incise: nous n'avons plus idée de ce
qu'étaient les dieux pour les antiques: des sortes de Super Saints
Patrons, des initiations personnelles, ce qui laisserait ouverte la
possibilité que chacun ait les siens. Il continue d'interroger la
relation de la beauté et de la seconde mort, celle qui avec Sade se
définit d'une néantisation des cycles naturels, à partir de laquelle la
nature recommencerait à partir de rien. C'est là, aussi bien, dit-il,
que Freud fait remonter la généalogie de la loi, à partir du meurtre
originel. C'est sur cette limite que se tient aussi une pensée vraiment
athée qui en est donc créationniste. La religion, dans la création, à
partir de rien, suppose un déjà là: Dieu. Les fantasmes sadiques se
tiennent sur cette limite, en une sorte de souffrance éternelle,
éternelle car la victime n'est jamais anéantie, mais perpétuellement
maintenue dans sa beauté, beauté liée à la douleur. Mais, on peut
peut-être ajouter à Lacan que c'est la beauté pour le sadique, et qu'il
y a jouissance de celui-ci à l'humiliation de la beauté. L'objet
sadique, selon lui, serait l'indice d'une souffrance signifiante d'une
limite qui est que ce qui est ne peut pas rentrer dans l'anéantissement
d'où il est sorti. On peut se demander pourquoi? Les nazis et autres
ont franchi la dite limite. Cette limite, en un parallèle audacieux, il
estime que le christianisme l'a instituée à la place des autres dieux,
avec cette image de crucifixion qui tire à elle tous les fils de notre
désir, apothéose avant la lettre du sadisme, où l'être ne subsiste qu'à
partir de l'ex-nihilo. Le christ est mort, ex-nihilo, et ressuscité. En
croix, il est en cette limite. Il revient à Antigone et fait un peu
d'analyse textuelle, insisté sur certaines traductions, le terme "Até"
qui revient si souvent: "faute, égarement, folie, fatalité, etc", entre
la faute vis à vis du destin et l'égarement de l'esprit. Il rappelle à
juste titre plusieurs fois combien pèse sur Antigone la destinée des
Labdacides, sa famille. Il pointe son intransigeance vis à vis
d'Ismène, commente à deux reprises la venue du messager, mais sans
relever que le tragi-comique de l'affaire sous-entend la tyrannie de
Créon, la mise à mort du porteur de mauvaise nouvelle n'est qu'une
légende, exception de faite de rares tyrans sanguinaires. Il en va de
même de la tirade du chœur: "L'homme s'en sort toujours sauf de la
mort"... Ambiguïté de la comédie sur le fond de l'inquiétude du
messager. Créon est-il un tyran? Cette tyrannie possible est-elle mise
ainsi à distance? Lacan s'interroge sur l'action qu'on dit au principe
de la tragédie, et Aristote lui-même. Une action que traduit la parole
poétique, cette parole qu'Aristote considère comme l'élément
constituant de la tragédie. Le signifiant, dit Lacan, introduit dans le
monde deux ordres: la vérité et l'événement. Or selon lui, dans la
tragédie, si elle est agie, à partir de l'erreur initiale, qui fait
événement, il n'y a ensuite plus d'autre événement, d'autre action
originale. Tout découle en conséquence de cette erreur. Comme
l'écroulement d'un château de cartes à partir de la première carte
enlevée.
Au final de ces deux leçons, si ont été soulevées certaines questions,
il reste un sentiment de morcellement... Aussi bien sur le versant
analytique que littéraire. Il y a là cette limite évoquée, ce qui se
tient à cette limite: Antigone, la beauté, la douleur. Limite de cette
seconde mort, ce néant inatteignable où pourrait peut-être s'entendre
la Chose même, ce qu'il ne précise pas. Mais y a t-il là sublimation
possible? Peut-être serait-ce la beauté qui en serait alors l'indice?
Comme la Dame de l'amour courtois devant la Chose... En tout cas
Antigone et Créon, eux, ne subliment rien, pris totalement dans leur
passion. Mais le spectacle, par la catharsis qu'il produit, aurait-il
valeur de sublimation? La dimension éthique, elle, est bien là, la
révolte d'Antigone en témoigne. Mais quel est son moteur? De quel désir
s'agit-il? De celui issu des dieux, demandant d'honorer les morts, de
celui issu de ses dieux, ceux de sa famille, de celui incestueux pour
son frère, dans cette famille, cf Butler, d'un désir de mort? En étant
plus lacanien ici que Lacan: si la loi, en s'articulent du signifiant
en sa valeur différentielle, est ce qui organise, ce qui différencie,
ce qui sépare, comment Antigone, constituée de cette fusion, de cette
confusion de cette famille où tous se mêlent: générations, corps, bras,
sexes, comment pourrait-elle accepter une loi qui, parce qu'elle
ordonne, sépare, la mettrait face à la folie de cette famille? Comment
pourrait-elle tenir face à ça qu'elle devrait accepter, à accepter la
loi en se séparant de son frère? Ne risquerait-elle pas une folie plus
insoutenable que la mort? Concernant l'éthique de l'analyse, alors
qu'il a introduit l'étude d'Antigone comme essentielle, il n'en évoque
pas grand-chose. Il en fait le rapprochement avec l'éthique de la
tragédie. Mais il n'en donne pas plus de précision. Alors serait-ce,
comme dans la tragédie, d'assumer un destin en tant que déterminé par
l'erreur?
Leçon 23 : Laurence Desprat
Je vais vous présenter la troisième leçon sur Antigone où Lacan
s’appuie sur la traduction de la pièce en faisant référence à deux
traducteurs principaux Robert Pignard et Paul Mazon .
Lacan commence la leçon en donnant la position d’Antigone à l’égard de
la vie quand elle s’adresse à Ismène, en présence de Créon et du chœur.
1« Ne te décourage pas , ta vie est devant toi, la mienne est finie, Il
y a longtemps que je l’ai consacré à mes morts «
Le chœur, ensuite va évoquer la limite de l’até , de ce malheur de la
famille des Labdacides et c’est autour de cette limite que la destinée
d’Antigone va se jouer.
Le chœur reprend ce sens du franchissement d’une limite 2« Quand un
esprit égaré prend le mal pour un bien c’est qu’un dieu pousse son âme
à l’égarement. Un moment suffit alors pour le perdre » ; Pour Antigone,
son bien à elle est au-delà de la limite de l’até .
De même le gardien ,face à la loi de Créon, se dit « sauvé au-delà de
toute espérance » par la loi des dieux .
Dans les différentes tragédies de Sophocle , tous ses héros sont dans
une position que Lacan nomme « à bout de course « .Ils sont situés dans
une zone limite , « entre la vie et la mort « voire hors limite mais
c’est eux qui se mettent dans cet isolement .
Sans reprendre en détails les pièces de Sophocle, nous voyons Ajax qui
massacre tel un fou sous l’emprise d’Athéna un troupeau d’animaux à la
place de l’armée des Grecs ;ce qui , à son réveil va le faire sombrer
dans la honte et la douleur et le mener au suicide.
Dans les Trachiniennes, Hercule va finir bruler par la toison que sa
femme lui envoie du fait de son eventuel désir pour une captive lors du
dernier de ses travaux et Electre, comme un double d’Antigone est déjà
morte dans la vie « on me rendra service en me tuant tandis que
l’existence serait pour moi que chagrin ; de vivre je n’ai nulle envie
» face à la mort de son père Agamennon et son désir de vengeance la fin
de la pièce se termine par une exécution
.Mais Antigone reste celle qui représente le plus cette position .
Il en est autrement pour Œdipe,. Au départ du drame il est au comble du
bonheur, avec ses biens ,son couple, sa position vis à vis de la cité ,
mais ensuite il s’acharnera à sa propre perte à vouloir la vérité qu’il
finira par savoir malgré les mises en garde de ses proches, notamment
de Jocaste qui d’une certaine façon lui dit « on en sait assez ».
Lacan reprend la métaphore de l’anamorphose évoquée dans les leçons
précédente pour la passion d’Antigone .On voit là une très belle image
de la passion, une merveilleuse illusion , se produire dans l’au-delà
du miroir alors que ce qui se joue est plutôt dissous ,voire
dégueulasse pour reprendre le terme de Lacan
Il s’agit de savoir qu’elle est cette surface qui permet le
surgissement de cette image d’Antigone, en tant qu’image d’une passion ?
Un point à noter est ce vers d’, Antigone « Mon père, pourquoi
m’avez-vous abandonné ? » qui fait référence aux paroles du Christ sur
la croix .
La tragédie serait ce quelque chose qui se répand en avant pour
produire cette image .
Alors voyons comment s’est construit cette image pour produire cet
effet .
D’abord notons le coté implacable, sans crainte et sans pitié
d’Antigone face à la proclamation édictée par Créon .Elle est au-delà
de cela. Cette sorte d’entière connaissance d’elle-même ,soulignée par
le chœur qui dit3 « qui juge ou se décide de soi-même » en rapport avec
l’oracle de Delphes, inscrit sur le temple d’Apollon « connais-toi
toi-même » . Antigone ajoute « moi j’enterrerais mon frère «
Pourquoi cela ? Qu’est-ce que cela signifie ?
Lacan vient là interroger cette supposée position humaniste de
Sophocle,. il s’appuie sur les travaux de Lévi Strauss concernant le
passage entre nature et culture par l’astreinte à une règle, celle de
l’interdit de l’inceste dans son texte « les structures de la parenté ».
Fait écho le texte du chœur qui commence au vers 332(p.56) .Il est
question de l’éloge de l’homme et de ses rapports entre la loi de la
cité et la loi des dieux , entre la nature et le la culture Qu’il en
connaît des trucs l’Homme ;Mais qu’il n’est pas pour autant arrivé à se
tirer de 4« l’affaire d’Hadès bien qu’à des cas désespérés parfois il
ait trouvé remèdes » nous dit le chœur.
Ce que Lacan traduit comme la fuite dans des maladies impossibles mais
que l’homme fabrique par lui-même Je poursuis « sur la justice
éternelle il greffe les lois de la terre ,Mais le plus haut dans la
cité se met au ban de la cité si , dans sa criminelle audace il
s’insurge contre la loi « Dans la suite de ce passage nous pourrions
penser que le chœur fait référence à Créon D’ailleurs, le chœur ne veut
pas en faire son compagnon ; Il ne veut pas avoir le même désir , c’est
ce désir de l’autre dont il sépare son désir .
Mais, finalement, ne s’agit-il pas plutôt d’Antigone car c’est pour son
frère irremplaçable qui est passé dans le monde souterrain, et au nom
des liens du sang qu’elle s’oppose au commandement de Créon. Elle se
trouve en position de mettre de son cote la loi des dieux. Contre le
bien revendiqué par Créon et la loi de la cité elle oppose son désir
,fondé sur ce lien symbolique .
Antigone va chercher son até, son malheur et franchit cette limite
Ce que confirme le chœur dans ce vers « c’est celle qui, par son désir,
violé les limites de até »passer les limites de la fatalité .
L’até n’est pas une faute ,une erreur contrairement à Créon qui lui en
a fera une par sa proclamation et qui entrainera la mort de son fils ,
sa femme et son désir à lui d’en finir.
Je cite Lacan « ce qui situe l’até en tant qu’elle est ce quelque chose
qui relève de l’Autre , du champ de l’Autre ,est ce qui ne lui
appartient pas à lui et qui, par contre est à proprement parler le lieu
où se situe Antigone .Elle se manifeste à Créon comme la
présentification de l’individualité absolue.
Alors sur quoi s’appuie-t-elle ?
Elle se désolidarise de la justice des dieux d’en bas .Elle se situe
sur une limite où elle se sent inattaquable .Sa légalité relèverait ,
des lois non écrites des dieux,
Ce serait l’évocation de ce qui est en effet de l’ordre de la loi mais
qui n’est pas développé dans une chaine signifiante .
C’est un signifiant du côté de la parenté qui motive son acte . « mon
frère est mon frère et sa valeur est là » « il est unique » né du même
père ,de l’inceste .
Et c’est cela qui l’a fait avancer vers cette limite fatale . Cela ne
serait pas le cas s’il s’agissait de son mari ou ses enfants, ceux là
remplaçables .
Cela illustre clairement le côté « à bout de course ».
Le registre de l’être de celui qui a pu être situé par un nom est
préservé par l’acte des funérailles et c’est le refus de Créon
,quoiqu’ai fait Polynice , qui maintient pour Antigone la valeur unique
de l’ être de son frère .
Cette valeur est de langage et cette limite autour de quoi se tient
Antigone représente cette coupure qu’instaure dans la vie de l’homme la
présence même du langage .
Et le chœur de lui dire « Tu t’en vas vers la mort ,ne connaissant que
ta propre loi »et là se retrouve dans la tragédie cette « entre deux
morts », enterrée vivante ,entre mort physique et effacement de l’Être.
Antigone va amener sa plainte, son regret de ce qui lui a été refusé
dans un dialogue avec le chœur, Elle est au-delà de cette limite ; elle
la voit ,elle peut la vivre sous la forme de ce qui est perdu .
Et le chœur de ponctuer5 « ce désir visible qui se dégage des paupières
de l’admirable jeune fille « ..
Lacan souligne la lueur de la beauté coïncidant avec le moment de
franchissement (p.495). Beauté autour de quoi tout vacille entrainant
une certaine confusion , un effet d’aveuglement .
Antigone dit « je suis morte et je veux la mort » comme une
illustration de l’instinct de mort . Ce rapport fondamental au désir
qui est un rapport avec la mort où on ne peut attendre d’aide de
personne .
La réponse du chœur la situant du coté d’une demi déesse entraine la
riposte d’Antigone, outragée .
Comme à travers d’autres mythes, Elle subit un malheur égal à tous ceux
qui sont pris dans le jeu cruel des dieux presque comme une victime
malgré elle .Or Antigone est le pur et simple rapport de l’être humain
avec la coupure signifiante dont il est porteur( ce qu’elle est) et
elle mène jusqu’à la limite, l’accomplissement du désir pur, le désir
de mort comme tel .
Le propre d’Antigone est de nous faire voir le point de visée qui
définit le désir.
Si son désir doit être le désir de l’Autre, le désir de la mère à la
fois désir fondateur et criminel (p.499)
Se retrouve là l’origine de la tragédie et de l’humanisme ; aucune
médiation n’est possible de ce désir, si ce n’est ce caractère
destructif.
L’union incestueuse a donné deux frères, un du côté de la puissance,
l’autre du crime et Antigone choisit d’être la gardienne de l’être du
criminel dans la mesure où la communauté ne veut pas accorder le pardon
par un acte funéraire .
Elle doit faire le sacrifice de son être au maintien de cet être
essentiel qu’est le crime , l’até familial qu’elle immortalise .
Leçon 25 : Jean-Jacques Lepitre
L'analyste paye de sa personne en tant que par le transfert il en
est dépossédé! Il paye aussi d'un jugement concernant son action. Mais
celle-ci, pour une part, lui reste voilée, du rapport même, de cette
action, à l'inconscient. Il s'en soulève la question éthique, (et
peut-être bien dans le sens de l'éthique tragique, l'erreur de la
méconnaissance). La demande d'analyse, rappelle-t-il, est bien souvent
une demande de bonheur, d'être heureux, plus heureux. Mais le bonheur
est devenu un élément politique: "il ne saurait y avoir de satisfaction
de l'un sans la satisfaction de tous", (cf les exposés de Christian et
Rima) ce qui est problématique. Mais c'est dans ce cadre pourtant que
se fait la demande de bonheur qui est celle de l'analyse. Bien loin
d'Aristote, où le bonheur se poursuivait dans l'individualité du
maître, tant pis pour les autres, les femmes, les esclaves, etc, à
suivre la voie du juste milieu: ni trop, ni trop peu. Dans cette
demande de bonheur, la sublimation apparaît comme la possibilité
heureuse de satisfaction. De cette sublimation, Freud donne deux
définitions. L'une qui est la reconnaissance mercantile de ses désirs
sous forme d'oeuvres. L'autre plus intéressante l'indique comme la
possibilité de satisfaction de la tendance sans refoulement, par
changement d'objet. La tendance, (c’est-à-dire la pulsion) d'être
marquée par l'articulation du signifiant, contient ce qui permet le
changement d'objet. Elle est au niveau inconscient de l'articulation
signifiante. Le rapport métonymique d'un signifiant à l'autre, c’est en
ça qu’est le désir, dans cette articulation, c'est là la possibilité du
changement d'objet. Et concernant la satisfaction, dans la sublimation,
le refoulement n'y étant pas, il y a passage du non savoir au savoir,
et le désir y est la métonymie du discours de la demande. Il serait ce
passage métonymique. Comme exemple de ce passage, ce glissement
métonymique, il prend l'exemple de "manger le livre", tiré de
l'apocalypse de St Jean. "Manger", le verbe le plus banal de la
tendance, pulsion orale, et le "livre" devient l'objet d'une
incorporation, celle du signifiant lui-même. Le désir serait là dans ce
glissement entre "manger" et "livre", où l'incorporation du signifiant
est celle de la parole divine. (Essayons d’entendre ce qu’est cette
métonymie : chacun des signifiants manger, livre, emporte avec lui un
ensemble de significations : faim, nourriture, plaisir gustatif,
réplétion, etc, et récit, écriture, lettres, papier, etc, la métonymie
ici consiste en ce qu’une partie des significations de l’un glisse et
s’associe avec une partie de celles de l’autre) Au centre de la
sublimation, satisfaction non payée d'un refoulement, est la question:
qu'est-ce que le désir? En tant que la demande se formule du signifiant
elle demande au-delà d'elle-même, (les mots, les signifiants comportent
plus de possibilités que leur seule formulation en demande), et exige
donc autre chose que la satisfaction du besoin. Le désir est cette
métonymie de la demande au-delà d'elle-même. Il insiste beaucoup sur la
dimension métonymique. Mais le désir enfin réalisé, aboutissant à sa
fin, c'est à dire fini, achevé, n'est-ce pas un désir mort? Évoquant
l'empiétement possible de la mort sur la vie, cf la tragédie, mais
aussi le principe de plaisir où Freud dessine la montée et la chute de
la tension de la tendance, dans une recherche de moindre tension, vers
l'inanimé, c'est à dire l'instinct de mort. (Déjà évoqué lors de la
lecture d’Antigone) C'est par la vertu du signifiant que l'homme, et
Freud tout autant, peut penser et élaborer son rapport à la mort. (Car
sans le signifiant comment penser quelque chose qu’on n’a pas éprouvé
?) Et la fonction du beau viendrait, selon lui Lacan, indiquer quelque
chose de ce rapport dans un éblouissement. Il va tenter d'en donner un
exemple. A propos de croquenots, où sa référence à Heidegger est
patente même s'il ne le cite pas. Dans une première version où la
présence émanant d'une paire de croquenots isolés devant la porte d'une
chambre d'hôtel fait penser à sa compagne que le professeur D doit
certainement être dans l'hôtel. Similitude avec l'analyse des
croquenots de Van Gogh par Heidegger. C'est la présence du labeur, de
la terre, des chemins parcourus, de la fatigue, émanant des croquenots
qui, selon Heidegger, en produit la beauté et son effet sur le
spectateur. Lacan reprend cet exemple des croquenots de Van Gogh, mais
s'éloigne alors de l'analyse de Heidegger pour les rapprocher du beau
de la nature morte, le généralisant en ce qu'il est un rapport
temporel. Présent peut-être dans toute peinture. (Rappelons notre
question à Céret à propos du réel dans l’œuvre d’art, disons,
véritable). Images magnifiques de fleurs et de fruits, arrêtées dans
l'instant, en attente de leurs futures décompositions. Transition de la
vie à la mort, à situer entre imagination et signifiant. (L’image et sa
beauté d’un côté, et le signifiant dont l’émergence produit le réel de
l’autre). Et le beau faisant entrer la question de l'idéal dans ce
passage à la limite, à préciser limite de la "Chose", entre
imagination, l'image, et le signifiant, d'où a chu la "Chose". L'idéal
dont la source, dans le beau, est la forme du corps humain en tant que
c'est le vase des fleurs du désir, référence au schéma optique.
Narcissisme donc, où l'image du corps représente le rapport de l'homme
à sa seconde mort avec le signifiant de son désir. (Répétition de
l’écart entre imagination et siginfiant) Car ce désir, s'articule comme
désir de rien, en tant que rapport de l'homme à son manque à être,
venant à s'incarne dans cette image, qui concerne aussi la "Chose" et
pas seulement la seconde mort. Ce rien donc pourrait s'entendre comme
le vide et pas seulement le néant. (Une nuance ici se fait). La libido,
avec Freud, emporte l'homme au-delà de cet affrontement en une
jouissance qui est à la même place que cette même barrière, celle
autour de la "Chose", autour du non-être. Il note en passant, que là,
et parallèle au beau se situe la pudeur, qu'il note importante pour la
sexualité féminine, mais sans en dire plus. Il note aussi que la mort
d'Antigone se situe dans l'enclos de la grotte, à notre insu, analogie
possible avec l'intérieur de la Chose? Il associe avec des vers
d'Héraclite à propos de danses et de transes dédiées à Dyonisos, et, ou
à l'Hades, s'interrogeant sur la possibilité que ce puisse être la même
chose, ambigüité du texte d’Héraclite. A savoir le phallus et la mort,
et, ou le phallus et la beauté, puisque celle-ci a cette relation avec
la mort. Ou si au contraire, le phallus et la beauté, principalement
celle de l'image humaine, ont une différence irréductible sur laquelle
Freud a buté: cf "analyse finie et infinie". (De ne l’avoir pas perçue)
Car ce phallus le sujet ne saurait l'être, (confusion du phallus et de
la beauté), et il ne saurait l'avoir qu'à la condition du penisneid
pour la femme et de la castration pour l'homme, soit à partir du
manque. C'est ici que se heurte la demande de bonheur à l'analyste. Une
telle demande posant la question du "Souverain Bien" que l'analyste n'a
pas bien sûr, et qu'en plus il sait qu'il n'y en a pas de s'être heurté
au terme de son analyse à cette limite que pose la problématique du
désir. Celle-ci devenant centrale à tout accès à une réalisation de
soi-même, c'est là la nouveauté de l'analyse. Mais c'est aussi la
découverte des faux biens où s'épuise la vanité des demandes et des
dons du sujet.
L'acte sexuel est la possibilité par laquelle un être, pour un autre,
est à la place vivante et morte à la fois de la "Chose". Simulation
avec sa chair de l'accomplissement de ce qu'il n'est nulle part.
(Reprise de l’amour courtois mais dans l’acte de chair même, acte
sexuel et sublimation ?) Possibilité ponctuelle. Ce qui n'est pas
ponctuel, c'est qu'il puisse, cet être, dans le transfert, percevoir sa
propre loi. C'est à dire percevoir l' "Até", l'égarement, qui a
commencé à s'articuler, avant lui, dans les générations précédentes,
même si ce n'est pas aussi tragique que pour Antigone, mais qui est lié
cependant au malheur. (Peut-être parce que cet « Até » est toujours une
rupture, un égarement de la loi signifiante, cf Antigone et
l’inassumable de la loi en ce qu’elle sépare, distingue les générations
et les corps). L'analyste ne peut donner que ce qu'il a, à savoir,
comme l'analysant, que son désir, sauf que dans son cas, on peut le
supposer averti. Qu'on puisse dire en quoi consiste ce désir serait la
question. Mais on peut dire ce qu'il n'a pas à être. Il prend l'exemple
de la "distance" analysant-analyste dans sa visée de réduction, (Bouvet
probable, ou Balint?). Il termine sur le projet de revenir sur la
sublimation.
Leçon 26 : Isabelle Pagnon
LACAN soutient le caractère énigmatique de ce dont il traite en
ménageant une sorte de suspense derrière des limites et des voiles
D’une part, il annonce son futur séminaire sur le transfert qui permet
la levée des énigmes dans la continuité de la catharsis tragique.
D’autre part, il dénonce le voile qui tend à recouvrir les soi-disant
buts moraux de l’analyse. Il renouvelle la critique faite dans le chap.
16, d’une pastorale analytique qui entretiendrait une vision
intellectuelle confortable, celle d’’une harmonisation psychologique
entre surmoi et désir. Il y a escroquerie selon lui de limiter l’un des
buts de l’analyse à l’accès au stade génital du sujet,sorte
d’achèvement d’ une maturation de la tendance et de l’objet qui
donnerait la mesure d’un rapport au réel .Les analystes seraient mis en
position d’être les garants d’une morale bourgeoise en assurant aux
analysants l’accès à un idéal du moi formaté selon les canons de la
libération sexuelle des années 60 c'est-à-dire possession de toutes les
femmes pour un homme , de l’homme idéal pour une femme
A ce mirage original d’excursion vers la liberté et d’un bonheur sans
ombre, LACAN fait plusieurs objections. Il fait crédit à Freud d’avoir
souligné dans » malaise dans la civilisation » que plus la conscience
morale est exigeante et plus on lui fait de sacrifices. Il rappelle que
:
le service des biens a des exigences Que le passage de l’exigence
du bonheur sur le plan politique a des conséquences (voire l’hygiénisme
actuel) Que la mise en ordre universelle de ce service des biens
entraine des sacrifices en particulier une uniformisation de notre
rapport au désir, un puritanisme Et que chaque homme doit faire de
son rapport avec son propre désir, un rapport avec la mort . Lacan
souligne que la véritable terminaison d e l’analyse est de devoir
affronter la réalité de la condition humaine, dans ce rapport à sa
propre mort et de « la détresse de n’avoir à attendre d’aide de
personne ».
L’hilflosigkeit, ce désarroi au-delà duquel l’angoisse n’est déjà plus
une protection, renvoie à cette notion de l’entredeux morts, de cette
zone où la mort empiète sur la vie (chap21 p430), de toucher au terme
pour l’homme de ce qu’il est, et de ce qu’il n’est pas.
LACAN nous ramène à l’énigme œdipienne, à ce temps qui s’écoule entre
le moment où Oedipe devient aveugle et le moment de cette mort unique.
OEDIPE n’a pas eu de père interdicteur en l’occurrence, il n’a pas pu
faire de complexe d’Oedipe. Il n’adonc pas commis de faute car il ne
savait pas qu’il avait tué son père. Cette ignorance le dédouane t’il
pour autant de son passage à l’acte ? Un sombre désir ne le poussait il
pas à fuir ses parents adoptifs et n’avait il pas eu vent d’une
généalogie criminelle du coté paternel ?il ne savait pas non plus que
son triple bonheur d’être en couple, d’être roi et de gouverner une
cité en paix était lié à un autre crime, l’inceste maternel.
L’ignorance dans laquelle Oedipe a été maintenu par ses proches
pourrait l’absoudre de châtiment. Or, il se punit mais alors de quoi ?
Il se punit d’avoir été captivé et dupé de son accès au bonheur. il
renonce à ses biens et va chercher un au-delà, il entre dans la zone où
il va chercher son désir de savoir mais insiste LACAN, il conserve sa
dignité sur ses biens malgré ses infirmités jusqu'à l’article de sa
mort.
Lacan va quérir un autre héros de tragédie cette fois shakespearienne
qui illustre ce franchissement d’Oedipe, du souverain bien . C’est le
roi LEAR. Celui-ci s’arrache du « service des biens « pour s’affranchir
des illusions de l’amour du prochain. Il veut sa liberté et confie ses
charges à ses filles, tout en voulant garder ses prééminences de roi.
Mais il va être trahi par ses deux filles ainées.
Oedipe et Lear veulent s’affranchir du service des biens, mais se
retrouvent seuls et trahis. Lacan insiste sur la négation de la parole
finale d’Oedipe : plutôt ne pas naitre ou ne pas être, selon les
traductions. La négation confirme la spaltung entre énonciation et
énoncé, entre je et moi. Contrairement à l’être humain commun qui ne
prend pas de risque et veut éviter la mort, Oedipe en soutenant son
désir de savoir jusqu’au bout est soumis à une pulsion de mort et
décide de se soustraire de lui-même à l’ordre du monde. Sa mort n’est
pas accidentelle, mais se veut une malédictionconsentie. Ce fait
constitue la zone limite intérieure du rapport au desir pour toute
expérience humaine , qui est toujours rejetée au-delà de la mort
. Les êtres humains ordinaires préfèrent subir l’interdit que la
castration. Est ce à cause de la figure du père interdicteur, de son
incorporation au moment du déclin de l’Oedipe ? Questionne LACAN.
Pourquoi est on si méchant avec nous-mêmes ?c’est peut être que nous
avons beaucoup de reproches à faire au père comme dans le cas du deuil
? Au moment du déclin de l’Œdipe le père réel qui est le père
castrateur s’efface derrière le père imaginaire. Ce dernier qui prive
l’enfant de sa mère, se voit attribuer par son enfant vers l’âge de 5
ans, la responsabilité de l’avoir si mal foutu, Se substitue alors, au
moment du deuil du père imaginaire, la création dune image
providentielle de Dieu et la fonction du surmoi qui est haine de Dieu
d’avoir si mal fait les choses. Avec cette démonstration, LACAN affirme
expliquer la genèse du surmoi plus vertement, qu’Ernst Jones et ses
trois voiles analytiques, « haine, crainte et culpabilité »
Lacan remonte à l’autoérotisme des premiers pères des mythes fondateurs
évoqués dans La théogonie d’Hésiode. Là ce sont les pères qui sont
châtrés par leur fils non désirés. Leur sang engendre des monstres. Il
y a alliance entre la déesse mère et le -fils contre le père et désir
de la mère d’être dans une relation totalisante avec son fils. « Chacun
sait que cette castration là est là à l’horizon » nous dit LACAN. Puis
cette notion de castration a évolué vers la conception freudienne dans
laquelle le petit d’homme a peur d’être privé par son père bien qu’il
n’ait qu’un piètre organe. Mais l’Oedipe se termine surtout quand
l’enfant s’aperçoit que son père n’est pas aussi puissant qu’il le
croyait, il sauve l’image de son père et le fait apparaitre
Tout-Puissant
Ainsi Freud sauve son père deux fois, et dans son histoire personnelle
et dans le mythe de totem et tabou .A partir du souvenir d’un père
bousculé, pas franchement glorieux, mais aimé, Freud a élaboré le mythe
d’un père géant, meneur de la Horde primitive.
Lacan s’écarte de la conception freudienne un peu naïve du père
interdicteur et dévoile une topologie du désir de savoir aiguillé vers
la Chose, Autre préhistorique, qui le condamne à la répétition..Il
revient en boucle sur le fait qu’Oedipe n’a pas connu son père.et que
la seule fonction du père est d’être un mythe, le Nom du père, le père
mort comme dans totem et tabou. Il faut que l’aventure humaine soit
menée à son terme en obéissant à une injonction aveugle tel Oedipe avec
les yeux crevés ou Antigone vers son tombeau ,en franchissant une li
mite de l’ « ate » ,Ces héros sont au-delà de la crainte et de la pitié
, au-delà du service des biens, au-delà de l’amour du prochain.ils
obéissent à une Loi qui n’est pas intériorisation de la loi . « C’est
par quelque franchissement de la limite, bénéfique, que l’homme fait
l’expérience de son désir, nous dit LACAN. Ne pas franchir cette limite
et rester dans la crainte, peut conduire au risque majeur d’aphanisis,
le terme créé par JONES, de ne pas désirer.
Pour l’homme du commun, qui a connu le complexe ‘Oedipe et qui est
soumis à un surmoi, la double limite au-delà de la mort réelle, risquée
jusqu’à la mort « préférée », est une zone le plus souvent inaccessible
et voilée par la haine de l’être, tel Créon qui en voulant faire le
bien de la cité finit par faire le mal.
En reprenant la métaphore du vase, Il ya une limite extérieure avec la
crainte d’être séparé du service des biens, , et la limite interne de
la seconde mort.
Pour les héros qui ne ressentent aucune faiblesse, il en va autrement.
Oedipe vise « l’entre pour la mort » l’anéantissement voulu de son
être, mais entre l’arrachement au souverain bien et son invisible
disparition, Oedipe ne renonce pas à son désir absolu de savoir,
exigeant tout.
Le désir pousse le sujet à aller au-delà du principe du plaisir et
n’est pas au service de la conscience morale.
Leçon 27 : Jean-Jacques Lepitre
Il propose, dit-il, en final un assortiment de propositions.
L'éthique est un jugement sur notre action en tant qu'elle est elle
même fondée sur un jugement, double jugement donc. L'éthique de la
psychanalyse est en tant que celle-ci, la psychanalyse, peut nous
éclairer sur notre action. Non au sens d'une adéquation avec des
instincts naturels, vision naïve et rousseauiste, hédoniste erronée,
(d’une morale dite naturelle) mais en ce qu'elle fait retour au sens de
cette action par "catharsis", c'est à dire décantation, purification.
Ce "connais-toi toi-même" réalisé, ce retour au sens effectué par la
catharsis, tout irait-il tout seul? N'y aurait-il plus que bonté et
bienveillance? Que non pas, que ce soit l'exemple de la réaction
thérapeutique négative, ça va bien, mais ça va pire, ou crûment la
malédiction consentie d'Oedipe: "n'être pas né". L'exemple de la
tragédie met en lumière le rapport de l'action avec le désir qui
l'habite. C'est l'élément central de l'éthique issue de l'analyse,
opposée ici au "service des biens". (cf Christian et Rima) Elle est
dans "l'expbérience tragique de la vie" où l'action se situe par
rapport à la mort. Triomphe de la vie sur la mort, ou triomphe de
"l'être pour la mort" dans le "n'être pas né". La question de la mort
renvoyant aussi à l'entrée du sujet dans le domaine du signifiant, écho
rapide avec la "Chose". (au réel comme étant ce que le symbolique
expulse pour constituer la réalité) Dans le comique, qui apparaîtrait
comme l'opposé, il y a le phallus, comme le signifiant du triomphe de
la vie malgré tous les obstacles, chutes, mais où la mort n’est pas
là... C'est notre désir, étant au cœur de l'expérience analytique, qui
fait qu'un révision éthique est possible, et telle qu'elle puisse se
formuler comme:" Avez-vous agi conformément au désir qui vous habite?".
(non injonction, mais repère). A ce pôle du désir s'oppose la
tradition, l'éthique ordinaire, qui se définit, et déjà chez Aristote,
comme étant au service des biens. Cette éthique traditionnelle se fonde
du pouvoir. (qu’est-ce qui appartient à qui, et qui le gère, mais aussi
le bien moral, qui gère les relations dans la cité, et qui en décide).
Ce pouvoir se heurtant éventuellement au déchaînement des signifiants
qu'Aristote origine du côté des bêtes ou des dieux. Ainsi les passions
ne peuvent être ni supprimées ni ne doivent être exaltées juste
tempérées. Ce déchaînement, on a tenté de le réduire en le situant dans
le "Nom du Père". (cf Dieu le Père). La morale d'Aristote prend appui
sur le pouvoir, les maîtres. Leur discours est toujours le même:
"Travaillez, pour le désir vous attendrez". Kant le premier a dégagé le
champ de l'éthique de toute considération pragmatique ou intéressée en
le portant à l'universel. Abstrayant l'impératif catégorique, il
l'épure en une place vide de tout objet, place vide du désir éthique.
(qui ne peut être valide s’il vise un quelconque bien matériel ou moral
par quoi serait remise en cause son abstraction et en conséquence son
universalité possible). Où Sade, en cette place vide, mettra facilement
son impératif de jouissance. Mais Kant lui-même, comme pendant de cette
exigence intérieure, situera la réalisation de sa perfection dans un
au-delà, une transcendance. C'est qu'il ignore ce que montre
l'expérience analytique: la dimension du sujet prise dans le
signifiant, qui fait que tout ce qui se passe pour lui est comptabilisé
quelque part. Il prend l'exemple du film de Dassin, où toutes les
actions du héros entraînent un frémissement de la caisse enregistreuse.
À l'horizon de la culpabilité, dans le champ du désir, il y a cette
comptabilité permanente. Et ça, peut-être indépendamment du moment
historique, la ritournelle du pouvoir restant: "Travaillez, pour le
désir vous repasserez, circulez, il n'y a rien à voir". Toujours le
service des biens. Et le communisme, malgré l'absence divine, malgré la
supposition d'un état universel où il se dissoudrait lui-même en ses
services: police, justice, etc, n'a pas pu faire que la comptabilité
n'y demeure pas. Et qu'alors, à ce vide qui exigeait chez Kant
l'existence de l'âme, se substitue le concept de culpabilité objective.
(cf les procès staliniens, « L’aveu » Costa-Gavras). Opposition donc du
centre du désir et du service des biens. Il propose donc que la seule
chose dont on puisse être coupable, dans la perspective analytique,
c'est d'avoir cédé sur son désir. C'est de cela dont le sujet se sent
coupable. S'il a cédé ce peut être pour les meilleurs motifs, les
meilleures intentions, pour faire le bien, de lui-même, ou même de
l'autre. Cela ne met pas pour autant à l'abri de la culpabilité, voire
des catastrophes intérieures, les névroses en témoignent. Le désir est
ce qui supporte le thème inconscient, cf Antigone par exemple, qui nous
enraciné dans une destinée particulière, dont la dette doit être payée.
Le héros et l'homme du commun sont une seule et même personne. L'être
pour la mort de l'un ne s'oppose pas à la haine, la culpabilité et la
crainte de l'autre. L'homme du commun, selon les circonstances, peut
être un héros. L'exemple de Philoctéte, homme du commun, parti
combattre Troie avec les flèches d'Hercule, mais qui puant trop est
débarqué par Ulysse sur une île déserte, et trahi, pardonne et va
malgré tout vaincre Troie qui ne pouvait tomber sans ces flèches. Ceci
pour introduire que céder sur son désir a toujours un lien avec la
trahison. Trahison du sujet de lui-même, ou trahison d'un autre.
Trahison entraînant un renoncement, et ce même au nom du bien. De cela,
dit Lacan, il n'y a pas de retour.
En final, trois propositions: - La seule chose dont on puisse être
coupable c'est d'avoir céder sur son désir. - Le héros, c'est celui qui
peut impunément être trahi - Si les biens existent, d'une certaine
façon il n'y pas d'autre bien que celui qui peut servir à payer le prix
de l'accès au désir. Celui-ci, rappelle-t-il, étant la métonymie de
notre être, soit ce qui court sous la chaîne signifiante. Ce "manger le
livre", qu'il a pris comme exemple, et qui concerne la pulsion la plus
commune, montre bien que la sublimation dont parle Freud vise un
changement de but et pas d'objet, le livre ne nous remplit pas
l'estomac. On se l'approprie, on le devient. Mais cette sublimation se
paye. On paye avec quelque chose. Ce quelque chose, et là il y a une
ambiguïté peut-être dans la formulation de Lacan, c'est la jouissance,
et cette opération, la sublimation, se paye avec la livre de chair.
Alors qu'elle est la monnaie de ce paiement: la jouissance et/ou la
livre de chair(?). (Peut-être bien les deux : Il y a déviation de la
jouissance et paiement de la livre de chair). De celle-ci, il montre le
glissement, pour faire entendre que c'est d'un bien qu'il s'agit. La
viande, l'agneau du sacrifice religieux, la livre de chair, c'est bien
souvent les prêtres qui la mangent. Bien consommable donc. Le saint ne
s'en distingue pas même s'il paye pour les autres. La catharsis se
distingue de l'œuvre religieuse, son sacrifice, le Christ est l'agneau
de Dieu. Elle rassemble dans sa nature éthique la tragédie grecque et
la psychanalyse. Elle est purification du désir de se situer au
franchissement des limites de la crainte et de la pitié. Et le
spectateur de la tragédie en sait un peu plus sur le profond de
lui-même ayant vu le héros franchir ces limites, sans reculer devant le
bien, y compris celui d'autrui, et s'il ne peut pas faire mieux qu'il
ne fait, le spectateur, au moins il en est éclairé. La catharsis ne se
réduit pas du tout à une dimension pacifiante et morale, elle pénètre
les zones de "l'égarement", cf Antigone, des passions, de l'horreur.
En guise de conclusion, Lacan s'interroge: la science du désir va
t-elle entrer dans le cadre nouveau à l'époque, 1906, des "sciences
humaines"? Celles-ci semblent bien se profiler, à son sens, comme étant
au service des biens, autrement dit du pouvoir. Aujourd'hui, il y
aurait lieu de s'interroger dans ce sens sur le développement des
nouvelles sciences humaines, neuro-cognitives. Il pense que ce qui
occupe la place du désir, (à savoir, si je peux le traduire, cette
visée centrée sur le vide de la "Chose"), c'est la science elle-même. A
savoir que dans ces périodes historiques où le désir de l'homme a été
endormi par les moralistes, domestiqué par les éducateurs, trahi par
les académies, il s'est réfugié, s'est refoulé dans la passion la plus
aveugle, cf Oedipe, celle du savoir, qui mène aujourd'hui grand train.
Et la culpabilité des scientifiques, d'être face au mur de la haine, cf
Oppenheimer, et d'autres, et aujourd'hui l'écologie peut-être,
n'arrêtera rien. C'est là pourtant que gît pour l'avenir le secret du
problème du désir, dont la science, même si elle occupe cette place,
est inconsciente. Finalement, l'important n'est pas de savoir si
l'homme est bon ou mauvais, question morale peut-être, mais de savoir
ce que donnera le livre quand il aura été tout à fait mangé. Question
tellement actuelle.