Christian Lemaire Jour de grande marée, grand coefficient...N'étant pas marin,
je ne sais pas très bien ce que cela signifie 119, mais ça
m'impressionne. C'est émouvant ce gonflement énigmatique, venant d'un
fond des âges.
Lorsque Marie Christine Forest m'interpelle sur
fond des couleurs de l'inceste, nous sommes travaillés par les
secousses de Janvier, les ventes de Voltaire augmentent, j'enrage.
Les
questions qui souvent nous agitent, issues de nos pratiques
s'emballent, deviennent urgentes. L'institutionnel, le néolibéralisme,
les noeuds que ça fait dans nos têtes, ce que cela dénoue aussi pour
les sujets du côté du lien dit social...et puis cette langue nouvelle,
novlangue, que l'on repère, s'infiltrant dans les institutions,
ordonnant même le nouveau contrat social, celui qui nous lie à ceux
dont nous partageons, par contrat signé maintenant, le projet.
Ne pourrais-tu pas, me dira Marie-Christine, dire quelque chose de
cette novlangue à partir de ta pratique dans les institutions!
Premier mouvement, je me sens dépourvu, dépassé par l'ampleur de ce qu'il faut bien appeler un désastre.
D'emblée, autant dire d'où je parle : je parle depuis la colère. Je serais donc partisan.
Une question me vient, comme souvent, presque à chaque fois : comment
se peut-il que je sois interpellé depuis ma pratique analytique dans
ces salons de la gestion?
Un versant de ma pratique est la
question institutionnelle ; indissociable de la clinique qui doit s'y
adosser. C'est un point de vue, le mien. Ces questions sont donc
non-désintricables dans un rapport d'emboîtement.
Il y a une méprise dans la demande institutionelle:
"Ils", les personnels, auraient besoin de lieux de parole pour endiguer
ce dont ils se plaignent, ils résisteraient au changement, à ce
changement incontournable, obligé par les vagues de nouvelles
orientations. Des déferlantes de loi, 2002-2, 2005, 2007 etc..
changement obligé par les cadrages, réglementaires, budgetaires,
objectivables, évaluables, nécessaires...
..et puis j'entends
"ces" personnels avec leurs plaintes envers l'opératoire ou l'opération
qui les contraint . Le temps se resserrant comme peau de chagrin ne
devenant que le temps de l'acte, sans avant pour anticiper, sans après
pour comprendre ce qui c'est passé, l'urgence est au commande, il faut
être pragmatique, rationnel, repérable et de préférence uniforme. Pour
le bien des personnes dont on s'occupe, dans ce souci-là, de s'assurer
par de "bonnes" pratiques, à l'aune de ce mot magique , "bientraitance".
Paraphrasant la belle formule de René Char (chant de la Balandrane),
ces mots, ont-ils quelque chose a nous apprendre de nous-même?
- "ecce aux mots"? Voici les mots :
La difficulté réside en ce que les mots du culte sont dissiminés dans le texte profane.
Comment prendre en considération par exemple que le mot "bonne" soit un
invariant de la novlangue, et que son corolaire, le "bien" dans le sens
d'Orwell, lorsqu'il dit "le biensex" en un seul mot qui s'oppose au
"crimesex" lui aussi en une seule culpabilité.
Les bonnes
pratiques font donc l'objet de recommandations et la bientraitance a un
statut particulier, leitmotif répétitif stéréotypique .
Le ratio de présence et les quotas d'heures doivent se recaller à partir de la législation.
Il faut évaluer (oh l'évaluation!) pour une catégorisation de la prestation.
Les mots du style étant entre autres : finaliser et prioriser.
Le contrat de séjour est passé dans un esprit de partenariat avec familles et usagers.
les
procédures s'accumulent, y compris celles pour demander une réunion
exceptionnelle à partir d'une fiche d'incident, ou celles pour définir
sur quelle place de parking on peut ou doit se garer.
Avec les
pôles, on est pas loin de la compétitivité, d'ors et déjà la
concurrence entre établissements est "de fait" puisque les Agence
Régionales de Santé, ARS, font des évaluations, une lecture
transversale des établissements en leur faisant savoir que telle
prestation à un coût moindre dans un autre établissement dans le même
département, en passant des contrats d'objectif et de moyens
pluriannuels appelés CPOM, l'enfant répond c'est nouille!.....
Les
recommandations de bonnes pratiques sont éditées par l'ANESM, relayées
par les CREAI ; être dans les clous pour ne pas se retrouver dans les
choux.
D'un résident en ESAT, il faudra évaluer son "employabilité"?
Je ne sais pas si "arriver la boule au ventre" fait partie de la
novlangue, mais sa fréquence est étonnante dans ce milieu sans centre.
Sans centre puisque l'enchevêtrement des formules, sigles, leitmotifs
stéréotypés ne sont que peu désintricables et semblent se renvoyer les
unes les autres en un labyrinte clos sur lui-même. Sommes-nous revenus
à "un monde clos dans cet univers infini"?
Sur l'invasion des
sigles, abréviations qui tendent à façonner notre manière de pensée :
le PPI semble remplacer le PI auquel il faut par décret d'application
préférer le PPA projet personnalisé d'accompagnement derrière quoi il y
a la préservation de ce qui pourrait devenir "opposable"! Voilà le loup
(comme en lutherie des cordes frottées). Il faut donc être couvert/se
couvrir en cas de plainte des ces partenaires que sont
familles/résidents/publics.
Comment entendre cette vigilence accrue à se prémunir contre l'opposable?
Ceci n'est pas un mot, c'est un truc : le consensus : un temps
considérable est dégagé dans les institutions afin de faire participer
les personnels à l'élaboration des divers outils qui leur seront
finalement imposés puisqu'ils avaient déjà été préconisés par les
textes de bonnes pratiques. La commande cachée ici serait : "on
voudrait que vous vouliez". Il faut appeler "fabrication du
consentement" cette manipulation dont on doit le nom et la chose, à
Edward Bernays. La fabrique du consentement est un monopole majeur du
marketting.
Un éducateur justifiant toutes ces réunions par
l'émulation que ça représentait pour lui, trébuchera remplaçant l'
émulation d'un "ça fait émulsion"... C'est beau quand ça râte,
effectivement, nous sommes des mûles comme l'instaurent les
narco-trafiquants, nous transportons à notre insu des valeurs toxiques,
ignorant notre propre humiliation qu'à notre insu nous véhiculons,
c'est à dire de la spoliation de l'humus en nous.
Voici une
recette d'émulsion : plongez "passionnément", passionnément est la
véritable action de l'opération, plongez donc passionnément "das ding"
dans son propre jus, la chose étant appelée dans d'autres contrées,
souverain bien, ou l'incestuel, ou le retour à l'éternel du sein. Puis,
contre Démocrite, expurgez l'atomos du vide qui le constitue, ou
comblez ce vide, d'une promesse d'un retour, océanique, au bonheur
primordial . Vous obtenez un réél en suspension dans la passion, corps
homogène délesté de sa temporalité, devenu éternel. Laissez infuser de
manière endophasique, le for intérieur étant le milieu propice à
l'expansion du mélange.
Observation du chef : ce qui est à
redouter si vous râtez le processus, est que de l'hétérogène
réapparaise, ou pire de l'érogène qui viendrait délimiter des bords.
Afin que ce "vouloir" leur vienne, on enchaine les réunions en les
emboitant les unes les autres par des "copils" traduisez comité de
pilotage.
J' interroge un éducateur sur une formulation, " nous
avons eu une réunion technique", mais l'éducateur me confirme "c'est
l'appelation controlée qu'il convient depuis peu de donner à ces
réunions, qu'on appelait d'équipe ou de synthèse..." à partir de ce mot
rendu à son point d'énigme, tout l'appareil idéologique du nouveau
management s'est comme déroulé, de Projet Personnalisé d'Accompagnent"
en "accréditation" en passant par "l'obligation de résultat"..Qui est
donc le sujet de la réunion technique? La réunion elle-même, peut-être?
Parmi les stratégies de management, pour effectuer ce qu'un directeur
de foyer appelle "faire son job" on trouve : "La roue de Deming" ou le
PDCA: Plan, Do, Check, Act. La "roue de Deming" a eté popularisée par
William Edwards Deming, statisticien promoteur de la qualité made in
Japan. Cette méthode présente ces 4 phases à enchainer successivement,
tant que le niveau attendu n'est pas atteint, afin de s'inscrire
assurément dans une logique d'amélioration continue. Le même directeur
use à la cantonade d'un "il faut mettre la machine en route".
A
cet "outil" le directeur d'une autre institution joue avec le GRID 3,
analyse des postures comportementales afin de définir son style de
management...
Les dirigeants du secteur social et médico social
sont flattés d'un troisième cycle par l'université Lille 2 (qui n'est
pas une exception ): "Management et marketing des structures de
l'économie sociale."
Ici pourrait s'ouvrir un chapitre
redoutable évoqué déjà dans "les couleurs de l'inceste" par Jean Pierre
Lebrun comme nombre des aspects que j'évoque.
Il s'agit de la
collusion regroupant les pseudo sciences du management et de la
gestion, dont un auteur anonyme partisan ("manager par le chaos")
relève qu'il est, je le cite "un corpus cohérent à partir des années 20
et dont la théorie de l'information et la cybernétique résument les
grandes lignes idéologiques: à savoir, les êtres vivants et les sujets
conscients sont des systèmes susceptibles d'être modèlisés, controlés,
voire piratés au même titre que les systèmes d'informations non-vivant
et composés d'objets non conscients. Pour les plus connus , ces
disciplines gestionnaires sont le marketing, le management, la
robotique, le cognitivisme, la psychologie sociale et béhaviouriste
(comportementalisme), la programmation neuro-linguistique, le story
telling, le social learning ( formatage social à but d'influence,
conquète des territoires mentaux) , le réality building. Le point
commun de ces disciplines réside dans leur rapport à l'incertitude...
Ces sciences ne se contente pas de décrire et d'observer leurs objets
,elles interviennent aussi dessus dans le sens d'une ingéniérie, donc
d'un travail de reconfiguration d'un donné, toujours dans le sens d'une
réduction de l'incertitude liée au comportement de ce donné, humain,
individuel ou collectif.
A ce dossier "en vrac", comme le
sont les équipes auxquelles j'ai affaire, il faut verser la
multiplication des grilles d'observations dont les items en nombre
restreint, facilitent la lecture c'est évident, mais évacuent la
nécéssité du recours à la parole pour appréhender le perçu.
Un
sommet est sans doute atteint, le jour où dans ma pratique de
supervision, un directeur, à la suite d'une plainte de la psychologue
comportementaliste de l'institution, me demande comment faire pour que
les éducateurs auquels j'ai affaire, n'élaborent pas trop leur
pratique, ceux-ci en effet n'arrivent plus à restituer les faits bruts
dont la psychologue a besoin.
Un observateur des médias
constatait l'appauvrissement de l'utilisation des conjonctions de
coordinations, "pauvre or ni car", favorisant ainsi l'immédiateté de
l'évidence par l'instauration logique de deux points.
Il
faudrait distinguer au delà des mots du culte, un "certain ton" du
néo-libéralisme. Pour l'exemplifier me vient le style propre à
l'intervention d'un ex-président de la république, qui souvent
schématisait son propos d'un " pourquoi : parce que", monde clos où la
division sitôt apparue est recouverte d'une rationalité péremptoire.
Une mauvaise coupe étymologique pourrait faire sur la base
d'emptio/achat un drôle de traffic avec le père. Ce péremptoire
m'apparait comme une suture de la division. La langue neuve vaut par
son lexique mais tout autant par le style qui la sous-tend, tension de
logique binaire close.
Cet appareillage rhétorique ordonne la
foule, le premier chapitre de Propaganda, livre d'edward Bernays
s'intitule "organiser le chaos". Les mots désarrimés, sans filiation
philologique apparente, deviennent des mots d'ordre contre le libre
arbitre si fragile. Certains auteurs, dès 1939, ont pu avancer le terme
de "viol des peuples", comment violer quelqu'un sans qu'il s'en
aperçoive, voilà le challenge? Que ce soit un viol de l'intelligence
critique reste un viol, nous sommes au coeur de ce qu'il faut qualifier
d'incestuel. C'est le contenu même de notre discours intérieur, qui est
structuré par texte interposé. "Texte" dans le sens mythologique que
Pierre legendre prête à ce mot . L'unité lexicale de ce texte, il faut
l'entendre comme ayant une fonction d'emblème.
En résonnance
coloriste avec le titre de Jean Pierre Lebrun, j'ajouterais bien que la
réfutation de la division ne fait pas dans la demi teinte...
Détours
Je suis perdu dans une longue chicane malgré le son coutumier de tous
les mots que je croise, j'ai tenté d'y mettre un peu d'ordre pour
réduire la méprise. Ce détour laborieux identifie une idéologie
d'abord,
ensuite sa dérive métastasique,
"idéologie" et " dérive métastasique" étant connectées par une même manière, une quasi matière de "communiquer".
Le mot de gouvernance à lui seul pourrait faire l'objet de longues
rêveries d'un promeneur solidaire. Gouvernement renverrait au
gouvernail de bâteau et au pilote qui deviendra automatique assez vite
puisque Platon déjà, parlait de cybernétique, traduction grec de pilote.
Le nouveau lexique du champs social et médico-social est celui de la
"gouvernance". La "bonne" gouvernance : ce mot est recyclé en 1970 par
les technocrates qui s'en saisissent pour la gestion néolibérale de
l'état . Suivront la déréglementation et la privatisation de services
publics. La banque mondiale à son tour s'empare du concept en 1992 et
en fait une notion fétiche du management public et privé. Bonnie
Campbell rappelle que la Banque mondiale, institution internationale,
donne une acception a-politique à cette notion levier de la lutte
contre la pauvreté, en imposant aux pays pauvres de tristement célèbres
"plans d'ajustements" en réduisant le politique à des conditions
administratives assimilées aux sciences économiques.
Le terrain
de jeu se prépare depuis cinq siècles d'échange et de communication ,
notamment par voie de mer. Ce terrain est la mondialisation qui se
déroule sous l'égide du politique et de grands courants associatifs
états-uniens déjà organisés comme des lobbys.
L'utilisation de ce terme de gouvernance, ressemble à la déviance d'un participe présent conjugué à "l'éternel".
Deux voies/voix vont venir fonctionner en synergie, une voie morale, un
utilitarisme de souche anglo-saxonne dont le libéralisme prendra sa
croyance et son catéchisme fait d'intérêt et d'égalité. C'est une voie
d'eau.
Son apôtre morale est le très connu Jérémy Bentham, qui
donne le "la" avec un premier évangile , ironie du sort en 1789, c'est
l' "introduction aux principes de morale et de législation". Bentham,
c'est la morale arythmétique des plaisirs et des peines où "intérêt et
utilité" sont juges de toute action. Autre enfant de Bentham, la morale
s'armant de sanction, son " panopticon" aucun jeu de mot ici, "simple
architecture" dira-t-il, c'est une véritable organisation du regard
pénitentier. Ce panoptique, Foucault le regarde en 1973 dans
"surveiller et punir" comme un psycho-pouvoir ordonnant le corps. Il
s'agit de donner un supplément de savoir au pouvoir qui devient un
"tout voir", ajoutons-y ceci : le regard, d'être supposé à tout moment,
ordonne le regardé, "comme du dedans", se sachant regardé. Cette
fiction, Bentham en pense minutieusement la scénographie, pensant la
lumière et élaborant des caches d'où le regard peut-être supposé, où
celui qui surveille peut être à son tour regardé selon le même
principe. Ce modèle est un principe dont Foucault dit qu'il est le
principe général d'une nouvelle anatomie politique.
Jérémy
Bentham dit ceci de ce modèle théorique dans son application carcérale,
"à la lourdeur des vieilles maisons de santé, substituons la géométrie
simple et économique d'une maison de certitude".
Ce mot de
"certitude" me semble central : une exclusion de l'incertitude traverse
de part en part nos nouvelles configurations.
Adam Smith lui
est l'apôtre de l'évangile économique du système, père de la main
invisible il trouve en Bernard de Mandeville son chroniqueur efficace
qui en 1814 publie sa "fable des abeilles", best-seller du libéralisme
où les "vices privés deviennent des vertus publiques", pour déployer ce
pli, voyez Dany-Robert Dufour ( "le divin marché", " la cité perverse"
, et toute son oeuvre inspirante).
La leçon est retenue par
Edward Bernays dès avant 1928, maître en propagande comme il se
réclamait , maître pirate pourrions-nous ajouter, filant la métaphore
marine. Sa méthode de manipulation du désir, de masse, permet de
transformer un peuple de femmes en fumeuses, au seul but de vendre du
tabac en insinuant une fumeuse libération sexuelle, de vendre au choix
une lessive, ou l'éléction d'un dictateur par une infaillible fabrique
du consentement. Je cite les premières lignes de Propaganda : "La
manipulation consciente , intelligente, des opinions et des habitudes
organisées des masses joue un rôle important dans une société
démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible
forment un gouvernement invisible qui dirigent véritablement le pays. "
Une dérive imprévue de Bernays de son propre aveu, est la lecture de
son manuel par le sinistre Goebbels qui irriguera un peuple, un monde,
de la propagande qu'on sait pour une promesse démoniaque. Pour cette
modalité de propagande, il faut suivre Victor Kemplerer, philologue
allemand de confession juive et son étude vivante et vécu de cette
langue du troisième Reich, que par prudence dans le régime d'où il
observe, il masquera du titre : LTI.
Dérive
ICI , sur ce
terreau, un saut s'opère, comme un changement d'état, tout est en
place, mais la température chute d'un degré et l'eau devient glace.
Tout baigne dans la bonne vieille eau mondialisation et un degré
soustrait, vous fait passer à la glaciation . Ce changement d'état,
John Rawls le caractèrise d'un : "les libéraux ont joué la règle contre
la loi"
On change donc de tonalité dans les années 1980 avec la
montée en puissance des compagnies transnationnales et des marchés
financiers, concentration illimitée de la richesse et du pouvoir à
l'échelle planétaire. Cette échelle, c'est la GLOBALISATION, elle
s'institutionnalise dans des traités de libre échange néolibéraux et
les multiples accords régis par la future et fameuse OMC, organisation
mondiale du commerce.
A vrai dire il faut reprendre l'histoire un peu plus haut :
Un
sociologue propose cette distinction : mondialisation véhicule
littéralement l’idée d’expansion sur la surface de la planète. Alors
que Globalisation renvoie à l’image du globe comme métaphore de la
totalité ou de l’achèvement.
( pour une analyse critique de la
globalisation , je renvoie à Gélinas : dictionnaire critique de la
globalisation que j'ai largement utilisé.)
Pour un généalogie de la globalisation, ces quelques repères :
1948, sortir de la guerre, un premier accord multilatéral libéralisera
les échanges commerciaux par la réduction des droits de douane, c'est
le GATT Général Accord Tarifs Trade.
En 1973 se fonde la US
Business Roundtable, c'est un lobby de 500 multinationales dont le but
est d'influencer les décisions politiques et l'opinion publique en
faveur de l'économie globale ;
En 2006 le chiffre d'affaire de
ces 500 multinationales confondues est de 1000 milliards de dollars,
pour un bénéfice de 775 milliards. Cette US Business Roundable est au
centre de ce que l'on appelera :
l'Uruguay Round, c'est un bras
de fer qui dure 8 ans de 1986 à 1994, durant ce bras de fer un tournant
décisif s'opère en 1992 lorsque l'Union Européenne née du traité de
Maastricht se rallie au point de vue des Etats Unis. En 1994, 117
signataires dont les gouvernements ont décidé d'accomoder les
législations nationales aux lois du marché.
Surprise d'après
coup semble-t-il la majorité des délégués signataires pour les
gouvernements ne comprirent qu'à la toute fin au moment de parapher la
convention, qu'ils avaient institué en plus d'un traité multilatéral,
une super organisation mondiale. L' Organisation Mondiale du Commerce,
qui entre en fonction en janvier 1995.
Et puis voici, la cerise
sur l'OMC, c'est l'ORD : Organe de Règlement des Différents. Sous cette
nomination bienveillante ne se dissimule qu'à peine une véritable cour
suprême en capacité de faire prévaloir les lois du marché global sur
les politiques nationales.
Un humour déplacé consisterait dans
la substitution à l'appellation de tribunaux arbitraux dont l'Organe de
Règlement des Différents s'affuble de substituer donc le singulier
arbitraire à arbitral pour se rapprocher de ce qui est caché, ainsi les
exécutions arbitrales deviendraient des exécutions arbitraires.
Essayons de nous rapprocher de notre sujet :
Sur
une trentaine d'accord de l'OMC, l'Accord Genéral sur le Commerce des
Services AGCS nous concerne, dans cet accord réparti en 13 secteurs et
160 sous-secteurs, les services d'éducation, les services de santé et
sociaux, les services loisirs culture et sport, etc.., peuvent entrer
dans le grand bazard de la concurrence.
Bien sur, les états ont
capacité à préserver certains services de la mise en concurrence à
condition que ces services soient fournis dans le stricte exercice
(compétence) du pouvoir gouvernemental et, mais le bâton blesse, ces
services doivent être fournis sur une base non commerciale, ni en
concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de service. Le problème
se pose dès lors qu'il existe une concurrence entre public et privé :
pensez ici école, hôpitaux etc...
Pour sortir de cette mise sous
tutelle le gouvernement doit proposer une "compensation" en
libéralisant un ou plusieurs services jugés équivalent. L' Organe de
Règlement des Différents est juge de cette équivalence.
Parenthèse
dans ce détour, je me suis demandé quelle pouvait bien être cette
communauté internationale qui parfois s'offusque, parfois décide, met
en garde, presqu'un ange gardien... On pourrait s'attendre à ce que
l'ONU occupe cette vigilance, en fait l'onu en est exclu pour tout
aspect économique, il s'agit du G7 politique qui lui-même est précédé
d'un autre G7, économique, celui là plus opérant en place d'assurer la
liaison entre les lobbies d'affaires et les instances politiques et à
l'initiative des mesures effectives qui seront contresignées par le G7
politique, qui dès lors en est en quelque sorte son homme de main, son
pantin.
A vrai dire, l'union européenne peut être comparée à
une courroie de transmission sur l'échiquier de la globalisation.
Ce
qui vient encore faire écart entre l'union européenne et la
globalisation sont les normes qui définissent les appelations, mais le
pourcentage de beurre de cacao pour bénéficier de l'appelation chocolat
peut fondre au soleil des marchés financiers. Un traité est en cours de
négociation depuis plusieurs années, afin de s'occuper de cet
empêchement au commerce, TAFTA, Transatlantic free trade agreement, ou
GMT grand marché transatlantique, sont ses noms le but étant d'abaisser
les barrières du commerce.
Au dossier sur l'égalité, ceci :
L'Organisation
internationale de normalisation ou ISO, est composé de représentants
d'organisations nationales non gouvernementales de normalisation de 165
pays selon le principe de réseau d'un institut membre par pays . Créée
en1947, elle a pour but de produire des normes internationales dans les
domaines industriels et commerciaux appelées normes ISO.
Le nom
"IOS" ("International Organization for Standardization") n'a pas été
retenu. Selon le site de l'ISO, le nom d'ISO a été choisi en raison de
son rappel du mot grec « isos » signifiant égal.
Que penser de ce communiqué?
L’ARS
de Picardie s’est engagée dans une démarche qualité afin d’obtenir la
norme AFAQ ISO 9001/2008. Après plusieurs mois de préparation et
d’évaluation, cette norme lui a été délivrée par Afnor certification.
L’ARS de Picardie est la première Agence à obtenir cette certification.
Elle atteste de la qualité des trois processus mis en place en matière
de veille sanitaire.
Que dit l'AFNOR, organisme "indépendant" d'accréditation , je cite :
L’apport des normes ISO est considérable aux niveaux technologique,
économique et sociétal. Elles contribuent en effet à harmoniser les
spécifications techniques de produits et de services, rationalisant
ainsi les processus industriels et supprimant les obstacles au commerce
international. En définissant de bonnes pratiques pour l’utilisation
des technologies et la gestion des processus associés aux aspects
économiques, sociaux et environnementaux, les Normes internationales
contribuent aussi au développement durable.
Les services
représentent plus des deux tiers du produit intérieur brut (PIB)
mondial, selon l'organisation mondiale du commerce. Cette activité
économique centrale contribue davantage au PIB que l’industrie et
l’agriculture réunies. La révolution des services crée de nouvelles
opportunités commerciales et sous-tend la quasi-totalité de l’activité
économique.
L’ISO élabore des Normes internationales qui
permettent de s’assurer que les services sont d’une qualité constante
et élevée, ce qui présente un certain nombre d’avantages:
ñ Si
vous êtes consommateur, vous pouvez davantage vous fier à de multiples
services, de la facturation des services téléphoniques au tourisme.
ñ
Si vous êtes une entreprise, assurer un service de qualité vous aide à
vous différencier de la concurrence, en générant des bénéfices
économiques concrets.
La demande du marché pour des normes
permettant d’assurer la qualité de la prestation des services augmente,
ce qui traduit l’importance des services dans les économies du monde
entier. Actuellement, sur les 19’000 normes que compte l’ISO, 700
environ se rapportent directement aux services, un nombre qui ne cesse
d’augmenter.
Page de musique : Léo Ferré
La musique se vend comme le savon à barbe. Pour que le désespoir même se vende, il ne reste qu'à en trouver la formule.
Tout est prêt: Les capitaux La publicité La clientèle (ajoutons pour Férré, les normes ISO...)
Communication d'une association du Bas-Rhin (Sessad, IME, hébergements) :
En
janvier 2002, la loi 2002-2 rénovant l’action sociale et
médico-sociale, fait obligation aux établissements et services
concernés, de procéder à l’évaluation de leurs activités et de la
qualité des prestations qu’ils délivrent.
Pour répondre à cette
demande, l’ensemble des professionnels de l’Association s’est mobilisé
dans une Démarche Qualité des prestations et services que délivrent nos
établissements et services.Cette démarche consiste à développer,
formaliser, appliquer des pratiques organisationnelles et
professionnelles qui prennent en compte les besoins et attentes des
personnes accueillies, favorisent le respect et l’expression de leurs
droits fondamentaux, individualisent et personnalisent les modalités de
prise en charge, et rendent les personnes actrices de leurs projets
d’accueil et d’accompagnement.
L’engagement dans cette démarche
a nécessité un travail important pour les équipes pendant deux années,
et a abouti en mars 2010 à la Certification ISO 9001/2008 pour
l’ensemble des structures de l’......... Cette certification a été
validée par la Société Suisse pour la Qualification – SQS, société
Suisse ayant une réelle expérience dans le domaine médico-social. La démarche management par la qualité est un des outils opérationnels de la stratégie et de la politique de notre association.
Page
de PUB : peut-être avez vous vu cette publicité pour vendre une
voiture, un client pose au vendeur une série de question sur "ce
qu'elle a"
"est-ce qu'elle a la clim? Oui, "elle a
Et la remise?..etc..
...et toujours cette réponse qui va jusqu'à anticiper au niveau du rythme sur le point d'interogation : " elle a!"
Imaginez un consortium actionnarial en mal d'acquérir votre institution :
-est-ce qu'elle a la bien traitance? Oui, elle l'a
- Et la norme ISO 9001? oui, elle a!
Ces supervisions sont une "mine", si un doute persistait, quant à la
solvabilité du désespoir qu'anticipe Férré, vous pouvez tout à fait
envisager l'expérience d' investir dans le marché plus stable du
viellissement moins sujet à variations, avec le "marché de l'Ehpad".
Une étude sur la "mutation de ce marché" est à disposition sur "ECHOS
ETUDES "où : je cite
vous pouvez poursuivre les stratégies de
développement par croissance externe... ... et faire cap sur
l’international et déployer une approche européenne de la prise en
charge de la dépendance (Korian via l’OPA sur Curanum, Orpéa, Le Noble
Age, Médica, DomusVi, Maisons de Famille, Emera, Colisée Patrimoine,
Aplus Santé…)... ... Les « places to be » sont aujourd’hui l’Italie,
l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la Suisse et plus marginalement le
Canada et la Chine…
retour au détour
Ma texture parano
me fait penser parfois que de manière insidieuse, on nous préparait à
répondre aux normes d'entrée dans le grand tout de la globalisation.
Plus près de ces services, un débat à lieu autour d'une interface,
celle qui fait jouer la question des SIG service d'intérêt général et
les SIEG service d'intérêt économique et général. Cette guerre des
sigles recouvre ou s'exprime, entre autre, par un débat autour de
l'octroi des aides de la commission européenne mais on peut y
préssentir un autre enjeu plus délicat.
La dérégulation la plus
insidieuse, opérée par la globalisation, est sans doute celle qui porte
sur les régimes de jouissance c'est une mise de fond qui prend l'allure
d'une promesse de vie éternelle et d'égalité infinie. J'entend cette
parole de directeur rapportée par un éducateur dans une institution en
plein remaniement structurel, "Ce sera difficile pour tout le monde,
mais soyez patient vous verrez les résultats". C'est exactement le
discours tenu aux pays en "proie" (à la prédation du) au développement
et pris à la gorge par les mesures exigées s'ils veulent accéder aux
bontés cannibaliques bienveillantes.
Sans scrupule, j'ajoute à l'incestuel, le cannibalisme.
Le discours du consensus prend cette allure de : "veuillez ne pas vous
soustraire". Il faudrait ajoutez : ne pas vous soustraire à la
jouissance illimitée!
Ce que cette jouissance n'aime pas serait
que l'incertitude ou la contradiction reprenne place. Le marché est
aristotélicien, il appuie son principe de non contradiction sur Sa
règle au détriment de la loi commune. Ce que le principe de
non-contradiction tente, est d'expurger son texte, du malentendu,
confisquant le couple sens/non sens, opérant un pli de jouissance
constante et immédiate. Il faut entendre que "le principe de
non-contradiction", est la pointe (l'arme de guerre) de "la réfutation
sophistique" chez Aristote, c'est la même chose. Il faut dès lors
appeler cette opération constituante de notre pensée occidentale une
véritable réfutation de la division.
D'un de nos symptômes, la catallaxie
Une catallaxie est, dans les termes mêmes de Friedrich Hayek qui est le
géniteur de ce néologisme, « l’espèce particulière d’ordre spontané
produit par le marché à travers les actes des gens qui se conforment
aux règles juridiques concernant la propriété, les dommages et les
contrats."
Montesquieu et Voltaire observent des catallaxies en
Angleterre ou aux Pays-Bas indépendants, où le « paradigme des intérêts
» fonde la société commerciale bourgeoise, sans considération de sexe,
de couleur, de religion, sauf la solvabilité.
"La théorie de «
l’État minimal » de HAYEK, organisation spontanée du marché en
l'absence de l'intervention politique, est devenue la religion du Parti
républicain états-unien en opposition aussi bien au « New Deal » des
démocrates qu’au marxisme des soviétiques. Son école, financée par les
fondations des grandes multinationales, s’est structurée autour de la
Société du Mont-Pèlerin, et a obtenu sept fois le prix Nobel
d’économie. Elle a inspiré les gouvernements de Pinochet, de Reagan et
de Marguaret Thatcher."
Friedrich Hayek mériterait un huitième
prix nobel, pour cette autre invention : le néolibéralisme déclomplexé
, tellement décomplexé que ce serait dans le même mouvement un prix
nobel de l'obscènité.
Que serait une pratique d'objection à ce qui est à l'oeuvre?
A l'encontre du "l'englobalisation", nos pratiques tentent d'introduire un coin d'objection dans la gueule ouverte.
Boîte à outils :
Jean Oury qui pistait toute aliénation, posait cette question :
qu'avons nous dans notre boîte à outils, quel concept? Il ajoutait
qu'il fallait ces outils, les faire à notre main.
Comment se
réapproprier ou remettre en circulation ce qui a été confisqué par le
nouvel ordre dont la nov langue témoigne?
L'opération que
préconise Giorgio Agamben est de profanation. Rendre au profane ce qui
est confisqué par le sacré. Je traduis pour moi, ouvrir les mots du
culte, me réapproprier l'énergie que leur cloture à fagociter. Ouvrir
le mot "technique " en retrouver l'humus et la main.
Il faudra
aussi se mettre en embuscade sans savoir ce qu'on attend , patience de
chasseur toute oreille dehors, la sourde oreille fait partie de
l'arsenal du management, sorte de "je sais bien mais quand même", face
à la déliquescence.
Il faudra aussi se méfier de comprendre. Ca, c'est Lacan au coin du bois.
Les équipes de rue pratique ce qu'elles appellent le "maraudage" c'est
une errance par les rues suivant une logique de l'ombre afin de repérer
l'isolé, le dépourvu. Maraudage est aussi un mode de chapardage, voyons
y aussi une logique de regard périphérique propre à mettre en échec le
panoptique mental auquel nous sommes "volontairement asservis". Mon
maraudage traquera les figures cachées d'un Autre qui se laisse
supposer inentamé par la fonction phallique, hors langage ou qui parle
une langue de bois pur. Sans loupe.
La loupe du pierreux
pourrait être la méthode de cette boîte à outils : Un tailleur de
pierre expose son travail : avant de commencer la journée, dit-il, il
faut "louper", c'est à dire : se mettre face au bâtiment à travailler,
pour en avoir une perception globale avec un café de préférance, en
papotant avec d'autres peut-être ou seul à se rouler une cigarette.
C'est un temps de voir, flou, où s'impreigne où s'imprime un "je n'sais
quoi". Ensuite se détourner et agir pour le détail.
Loupe, nous
dit le dictionnaire Robert, est d'une origine incertaine, "chose
informe", c'est le défaut au coeur d'un cristal, ou d'une pièce de bois
dont l'ébénisterie fera son coeur de métier, c'est râter et manquer,
c'est par "lupus" une boursouflure, un ulcère, et en optique c'est
cette lentille convexe qui donne des objets, une image virtuelle. Ce
mot qui râte, qui rêve aussi et qui voit large et minutieux, qui dit le
virtuel, sans en avoir l'air, comment en faire une posture d'attention
flottante? Comment identifier le loup de la lutherie dans la musique
soporifique du discours de la pas si nouvelle religestion.
Décentrage : faire passer le mot "technique" du centre aveugle où il se
situe, vers ses marges, quitte à l'oblitérer d'une fausse coupe du
style : "t'es que nique"! Un motérialisme dialectique dirait Lacan.
J'entends Charles Melman : "faire jouer la lettre au lieu où la chaine manifeste une disjonction".
Ne faut-il pas injecter de la disjonction?
Voilà
peut-être une autre indication pour organiser notre boîte à outils :
Barbara Cassin propose que le "Il n'y a pas de rapport sexuel" de
Jacques Lacan, soit ce qui vient faire objection au "principe de non
contradiction" d'Aristote. Ce principe de "non contradiction" est
l'apologie du "même", de l'univoque, le même comme principe des
principes. Bien sur, "il n'y a pas de rapport sexuel " n'est pas la
seule objection qu'on y puisse. Ce n'est sans doute même pas une
objection, ce serait plutôt le principe de l'objection. Principe à
l'oeuvre à chaque fois qu'une certaine poésie pointe son pied de nez, à
chaque fois que l'idée du baroque opère mais, à chaque jeu qui rue dans
les mots et brancarde le sens unique jusqu'à la sortie , à chaque joke
de Démocrite qui vient faire un trou dans l'atome, à chaque fois que
James Joyce réussit à écrire en langues. Voilà peut-être l'aiguille
vivante de notre boussole à perdre le nord.
Soutenir donc
l'équivocité par tous ses bords, de l'homonymie, de la grammaire, de la
fausse coupe dont l'oreille foisonne et par l' impasse de la logique
que sont les paradoxes.
Il y faut un tour de main, propre à
brocarder le sens jusqu'en son point de réél, voilà comment je comprend
l' "ab-sens" dans l'"étourdit" de Lacan dont je me suis soutenu.
Jouer donc l'Incertude contre la certitude:
De la logique baroque on peut dire qu'elle est associative,
elle favorise le retournement en son contraire et elle ignore la contradiction,
favorise la vrille et l'invagination, c'est une esthétique du pli, de
la passion des étoffes, le froissé contre le plié. Comme en topologie,
l'à-plat risque d'évacuer ce qui est inclusion de vide et de rien,
manière singulière de rendre compte de l'aporie.
Aporia, chez les grecs, c'est ce qui ne passe pas, une impasse, un impossible
a-poros.
Poros, c'est une passe, un passage, un port au bord de mer, mais aussi
un pore comme celui de la peau, puis un embarras et une contradiction
insoluble.
Gardons nous pourtant de l' éloge du baroque, plutôt
retenons l'"idée du baroque" , manière légère dont nous pourrions
tenter de faire une sorte de concept opératoire de résistence à la
rigidité du principe de non contradiction qui nous contraint à la
vérité et à la réalité.
Par bonheur, au coeur des systèmes les plus sérieux, ça râte.
Chez Jérome Bosh, dans ses oeuvres de jeunesse, au dessus de la crêche
où l'âne a un drôle de regard, apparaissent de petites bulles comme de
rêves où se jouent de drôles de scènes d'où la raison semble absente,
les corps y sont déjà comme travaillés par une diabole irrésistible. Le
diable probablement. Très vite en quelques tableaux la bulle éclate,
son expension vertigineuse nous éblouit aujourd'hui encore, son
expension nous entrainant dans des jardins délicieux.
Autre bonheur :
Au
coeur du sérieux de l'opéra une faille apparait d'abord sous forme
discrète, on avait pris l'habitude d'intercaler entre les actes d'un
grand opéra "séria" des intermezzi, mettant en scène les personnages de
la comédia d'ell'arte. Cette inclusion légère et rare au début, enfle
jusqu'à occuper la scène entière. Et Pergolèse performalise cette
distraction en 1733 avec la "serva padrona" la servante maîtresse (1752
à Paris). L'opéra Bouffe est né, et s'ensuivra une passion violente
appelée Querelle des bouffons. Querelle de la mélodie, mouvement de
l'âme, contre l'harmonie, sentiment du calcul/calcul du sentiment. Ne
vous méprenez pas, il y aura des coups et des nez cassés.
Rousseau avait fait dans son Essai sur les origines des langues
l'apologie de la mélodie qui est le caractère spécifique de l'opéra
italien. «Il n'y eut point d'abord d'autre musique que la mélodie, ni
d'autre mélodie que le son varié de la parole; les accents formaient le
chant, les chants formaient la mesure, et l'on parlait autant par les
sons et par le rythme que par les articulations et les voix. Dire et
chanter étaient autrefois la même chose, que la poésie est la source de
l'éloquence.
Rameau riposte en montrant que l'une est
inséparable de l'autre, mais dit-il: «C'est à l'harmonie seulement
qu'il appartient de remuer les passions; la mélodie ne tire sa force
que de cette source dont elle émane directement».
Tempérant, l’historien Gérard Loubinoux dit la confusion des temps :
«
À côté d’argumentaires structurés et cohérents, sinon limpides, on
trouve de pitoyables libellés brassant confusément concepts mal
digérés, xénophobie fielleuse, ironie à la petite semaine, indignation
à bon marché, et surtout cuistrerie triomphante. À côté du querellant
qui prend l’ironie au premier degré, on trouve celui qui, très
fièrement, marque des points contre son camp sans s’en rendre compte
jusqu’à celui qui, se trompant de querelle, croit qu’il s’agit de
défendre Lully contre Rameau ou même les Anciens contre les Modernes »
Ne tranchons pas dans cette querelle de Bouffons, mais retenons
l'écart, le coin puisqu'on l'appelait aussi la "querelle des coins".
J'aime toutefois que cette querelle soit aussi celle entre le Rousseau
des champs et le Voltaire des villes. Il me revient vaguement une
ritournelle, " le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau, ...
le cul par terre, c'est la faute à Voltaire", ritournelle qui rime avec
La Rochelle d'où partit le premier bâteau négrier, qu'au moment même où
Rousseau disqualifie l'esclavage dans "le contrat social", Voltaire et
son ami Michaud de Nantes, arment "le congo", bâteau négrier. Les
Querelles de Bouffons ont parfois de sinistres racines insues. Vous
l'aurez compris, ma métis est en colère contre Voltaire, peut-être
moins contre Voltaire que contre "l'idée de Voltaire".
Pirouette contre le calcul, un peu d'R comme Rêver, comme Râter, comme Rire.
Derrière la mondialisation qui par voie d'eau ouverte déjà par Ulysse,
nous n'aurions pas pressenti revenant, un gonflement de fond comme une
sourde bouffée délirante provoquée par une chose immonde qui
aujourd'hui porte le nom de globalisation
Il me prend de
désirer poser des équivoques comme on pose des bombes sur la voie
férrée de la globalisation qui ne s'arrête nulle part, afin d'y
introduire quelque passagers clandestins, riant à la Démocrite,
réintroduisant non pas le père mais une perte. Viser l' "inconséquent"
dirait A. Harly terme difficile, comme pour résister au
conséquentialisme issu de l'utilitarisme dépravé à l'oeuvre.
Je
m'aperçois que j'aurais oscillé entre la pieuvre et le renard avec ces
histoires de manipulation et de ruses à lui opposer. Ma ligne
métaphorique comme on dit dans la mode, aime bien que ce soit Victor
Hugo qui a introduit le mot "pieuvre" en 1866 avec les "travailleurs de
la mer" et qu'homère dote son Ulysse de métis, de ruse, avec plus d'un
tour dans son sac. "Les tours dit" de Lacan pourrait sonner comme ce
qu'il faut viser, plus d'un tour de dit. Ce que je crois dans ce fil,
c' est qu'un interdit de plus devrait nous orienter, à l'ab-sens comme
obligation, il faut ajouter qu'il est l'interdit d'abdiquer, en
laissant avec "diké", ouvert le champ sémantique solennel du dire et de
la parole.