Jouissance de l’Autre, Jouissance phallique,
Jouissance Autre(I).
Alain Harly Séminaire "Les aléas de la jouissance" Séance
VIII du 14 janvier 2021( par vidéo-conférence)
-I-
Lors des derniers séminaires, j’ai pris l’ampleur d’un certain
flottement dans notre usage de la notion de jouissance ; nous ne sommes
pas les seuls . Elle n’est pas élaborée comme telle par Freud, mais on
en trouve les prémisses avec sa proposition d’un au-delà du principe de
plaisir et d’une pulsion de mort. Ce qui est tout-à-fait déterminant
pour distinguer Plaisir et Jouissance. Cette distinction n’est pas la
conception courante qui admet que la jouissance est de l’ordre d’un
grand plaisir, d’une volupté et qu’elle est avant tout sexuelle. Freud
lui nous suggère que cela peut aller au-delà et que cela peut aller
jusqu’au déplaisir, voire la douleur.
Pour avancer cela il prend appui sur bien des observations : les
préliminaires amoureux qui ne sont pas exempts de tension, les jeux
d’enfant qui répètent des expériences déplaisantes, les névroses
traumatiques qui ne cessent de se remémorer les circonstances de l’
incident traumatique, la clinique du masochisme qui fait de la douleur
une érotique dans le cas de la perversion masochiste, ou qui alimente
l’échec dans le masochisme secondaire du névrosé. Freud donc observe
finement que cet au-delà du principe de plaisir , cette jouissance
n’est pas incompatible avec le déplaisir, avec la douleur, voire la
maladie. Et non seulement cela, puisqu’elle pourrait même en être la
cause.
C’est cette piste que nous avons suivie en tentant d’approcher les
phénomènes psychosomatiques et même porté cette interrogation jusqu’aux
affections somatiques comme le cancer. Nous avions pour ce faire
emprunter à Lacan quelques articulations doctrinales comme sa théorie
des discours, et la notion d’holophrase dont il se sert pour en
suggérer la présence dans les phénomènes psychosomatiques. Nous sommes
loin d’avoir fait le tour de la question et nous la reprendrons.
Pour cette séance, j’avais l’idée de préciser comment Lacan considère
cette notion de jouissance ; mais comme d’habitude si l’on espère
mettre la main sur une définition simple, univoque, opérationnelle,
avec Lacan , on déchante. La « joy » n’est pas au rendez-vous. La joy
c’est le terme qu’employait les troubadours pour dire une satisfaction
accomplie avec la Dame.
Mon sentiment est que lui-même en passe par une certaine quête et que
sa conception va se modifier au cours de son enseignement, et quand on
cherche à en suivre le fil , le vocable qu’il utilise n’est pas d’un
accès immédiat et peut même dérouter ; comment s’y retrouver entre la
jouissance , la jouissance sexuelle, la jouissance de l’ Autre, la
jouissance Autre, la jouissance féminine, la jouissance phallique, l’
Autre Jouissance, le plus de jouir , la jouis-sens.
Nous allons pourtant nous engager dans ce parcours, même si nous devons
perdre quelques illusions, en particulier de maitrise. C’est cela le
transfert analytique.
-II-
Je vais commencer par évoquer le séminaire l’ Ethique de la
psychanalyse (1960) , car c’est là qu’il introduit le plus nettement
cette notion. Encore qu’on puisse en trouver l’intuition bien plus tôt
comme dans son article sur le moment du miroir.
Ce n’est un terme inventé par Lacan , il importe cette notion du
discours juridique : n’est-ce pas celui qui se propose de répartir les
jouissance ? Mais il a aussi une filiation théologique : chez St
Augustin on a une distinction entre le frui et l’ uti. Ce qui me frappe
aussi c’est qu’il l’introduit cette notion en faisant appel d’entrée à
une figure topologique : un anneau ou tore. La vertu de cet objet c’est
que l’extériorité périphérique et l’intériorité centrale sont en
continuité. Sur le corps de l’ anneau il y place les représentations
symboliques alors que le trou centrale ce sera le lieu de La Chose (das
Ding en allemand ) . Cette chose c’est homogène à la jouissance : c’est
ce qu’il y a de plus intime pour le sujet et c’est en même temps ce qui
est le plus étranger , le plus extime (là c’est bien un néologisme crée
pas J.L.) Cette Chose, en même temps intime et extime, il la conçoit
comme ce qui n’est pas pris pars le filet des signifiants, qui échappe
aus signifiants. Ci-dessous un schéma qui illustre cela :
Fig. n°1 : Das Ding
C’est une assertion qui se dégage de l’idée qu’on aurait pu avoir à
partir de ces premiers travaux, de la thèse sue l’inconscient est
structuré comme un langage, que finalement tout serait signifiant. Là
il se démarque, non de ce qu’il avait dit auparavant , mais plutôt de
l’ interprétation qu’on a pu en faire. Il cherche donc à rendre compte
qu’il y a aussi du hors-signifiant, et c’est qu’il va appeler le Réel.
Ce das Ding, je dirai que c’est ce qu’il va appeler le Réel, ce qui est
à distinguer de la réalité.
Avec le tore la distinction entre intérieur et extérieur est dépassée.
On se souvient de la difficulté de Freud pour en rendre compte dans son
article sur la dénégation des tensions internes, intrapsychiques et des
causes externes des tensions, extra psychiques. Pour Lacan, il y a du
réel. C’est ce qui est impossible à saisir et c’est qui fait intrusion.
La détresse fondamentale du nouveau-né : Hilflosigkeit ou il n’y a ni
intérieur ni extérieur en donne une idée. Mais au-delà de cette
clinique du trauma, Lacan cherche à théoriser une structure qui
permette de combiner la jouissance et le signifiant : Le tore lui en
donne une opportunité. Elle permet de nous représenter comment la
jouissance est éprouvée mais qu’elle ne se laisse pas prendre par le
signifiant, que le signifiant a seulement un rapport de bord avec la
jouissance.
Est-ce à dire que le signifiant va faire limite à la jouissance ? Le
lieu des signifiants a été défini comme étant le grand Autre, c’est à
ce niveau que le désir peut s’articuler. L’Autre c’est aussi la Loi,
alors nous avons bien la notion que c’est ce qui fait limite à la
jouissance, que ce soit la loi de la cité, la loi des juristes, ou la
Loi symbolique qui s’impose au sujet humain du fait qu’il est un être
de langage ; mais c’est en même temps, cette loi, ce qui permet la
transgression. A imaginer qu’il n’y aurait pas de loi, il n’y a rien à
transgresser. N’est ce pas avec St Paul qu’on apprend que c’est la Loi
qui fait le péché.
Alors y a-t-il une jouissance originaire ? hors langage ? d’avant le
signifiant ? où se met elle en place à partir du signifiant ? Quand on
pose la question comme cela c’est-à-dire d’une manière d’une genèse, on
ne cesse de s’embrouiller. C’est comme l’histoire de l’objet perdu :
est-ce un objet perdu réellement ? On ne peut concevoir la perte
qu’avec le signifiant. C’est le signifiant qui donne rétroactivement le
sens de la perte. Avec la Chose comme lieu inaccessible, on va dire
c’est ce qui vient à la place de l’objet perdu. Le sujet le cherche,
mais ce qu’il trouve c’est un substitut dans la fenêtre du fantasme. Le
réel n’est jamais approché en direct mais par la médiation du langage
et du fantasme.
Pour définir le champ central de la Chose, Lacan se réfère à différents
auteurs et à des champs différents. Les philosophes de l’ antiquité
grecque : Platon et Aristote placent la Chose comme souverain bien,
comme le lieu d’une harmonie suprême. La poésie courtoise où la dame
vient à la place de la Chose c’est une sublimation du désir, la dame
est inaccessible. La jouissance est aperçue par ce détournement même du
but et de son objet sexuel. Pour Sade à l’inverse, il s’agit de
parvenir à une jouissance sans entrave. De se soumettre aux lois de la
nature en franchissant toutes les limites des lois humaines. On force
le consentement des victimes jusqu’à abolir la seconde mort, la mort
symbolique. C’est un parcours fantasmatique, atroce, où le sujet poussé
par une jouissance sans frein , ne peut que morceler le corps. Pourtant
ce chemin n’est pas sans être semé d’obstacles, et finalement bien
qu’on veuille jouir finalement de la mère, car c’est bien une
représentation de la mère en place de das Ding qui se profile dans tous
les montages sadiens, elle reste interdite du fait même qu’elle doive
être nommée, et que cela oblige à un gigantesque bla-bla philosophique.
Cf. sa « Philosophie dans le boudoir. »
La question de Lacan : Comment se fait- il que le sujet recherche la
jouissance alors que cela vise à son abolition ? Le désir en passe par
la Loi avec ses interdits de l’inceste, du meurtre ; Pour aller vers la
jouissance, il faudrait transgresser. Mais cette transgression se
heurte à un impossible au moins pour deux raisons : D’une part pour des
raison biologiques et d’autre part pour des raisons de structure.
D’un point de vue biologique le corps oppose une barrière à tout excès
de jouissance, suivant ainsi un principe d’homéostasie. Et aussi que
les raisons de la structure, la Loi humaine étant une affaire de
langage cherche à limiter la jouissance du sujet. Pour Lacan , sa
proposition c’est que le Principe de plaisir consiste à conduire le
sujet de signifiant en signifiant , ce qui réduit les excès de
jouissance, que le plaisir d’une certaine manière vient limiter la
jouissance.
Il n’y a pas à proprement parler de sujet de la jouissance : elle ne
peut être éprouvé que du corps, et le sujet est alors aboli. Seul le
corps peut jouir et un corps c’est fait pour jouir. « La jouissance ne
s’appréhende, ne se conçoit, que de ce qui est corps, et d’où jamais
pourrait-il surgir d’un corps quelque chose qui serait la crainte de ne
plus jouir. Ce que nous indique le principe de plaisir, s’il y a une
crainte, c’est celle de jouir de jouir, la jouissance étant une
ouverture où on ne voit pas la limite. De quelque façon qu’il jouisse,
bien ou mal, il n’appartient qu’à un corps de jouir ou de ne pas jouir.
C’est la définition que nous donnons à la jouissance ». (in L’objet de
la psychanalyse, 27.04.1966)
En définitive seule la pulsion permet au sujet de parvenir à la
satisfaction sans mettre en péril l’appareil psychique, car elle
partialise la jouissance. C’est dans la mesure où la loi vient donner
des limites, et non en transgressant la loi, qu’une jouissance sera
vivable et non destructrice. De la jouissance est interdite à celui qui
parle, c’est la condition pour que l’ être devienne un parlêtre. A
partir de là, la jouissance ne peut qu’être inter-dite. Le sujet est
dans la division entre le désir qui se structure en regard de l’Autre
et la jouissance qui est dans le lieu de la Chose. La jouissance est
donc d’abord impossible, puis inter-dite.
Mais est-ce à dire qu’elle échappe à toute saisie, à toute lecture ? Il
semble bien qu’elle laisse des traces, que quelque chose en reste
lisible sous la modalité d’un chiffrage. C’est la proposition où nous
en étions arrivés dans notre approche des phénomènes psychosomatiques.
-III-
Alors tentons maintenant de rassembler quelques unes des modalité que
Lacan donne à la jouissance .
-la jouissance de l’ Autre [J(A) ] : c’est la jouissance originaire ,
donc mythique, situable dans le lieu de la Chose. On ne peut prendre
son sens que dans un après-coup, rétroactivement, avec l’incidence du
signifiant premier , le S1, et dans la mesure où son accès sera
dorénavant barré. Freud pour tenter de rendre compte de cette
jouissance originaire n’avait pas pu faire autrement que de raconter
une histoire, de fabriquer un mythe, celui de la jouissance supposé du
père d’une horde primitive.
-La jouissance phallique [ J( phi)] : c’est la jouissance qui résulte
de l’effet du signifiant, qui va ordonner cette jouissance, qui va la
limiter, et dans le dramaturgie œdipienne va se glisser dans une
signification propre à représenter ce qui peut échouer, ce qui peut
conduire à l’impuissance, ( ce qui est bien différent de l’ impossible
), cette signification étant celle du phallus.
-Le plus-de-jouir dont l’objet a qui assure cette duplicité d’être ce
reliquat de la jouissance originaire, ce reste de la jouissance
mythique, et d’être l’objet qui cause une jouissance limitée,
partielle, qui va pouvoir se recycler, à partir d’un certain traitement
par le fantasme, dans les pulsions.
- La jouissance dite féminine qui n’a pas été prise dans le langage, et
qui de ce fait reste bien énigmatique, même pour les femmes. Si une
femme n’est pas sans être dans une jouissance phallique, elle a le
privilège d’éprouver une autre jouissance que la phallique, ce qui la
rapprocherai de cette jouissance de l’ Autre sans s’y confondre
cependant.
Revenons à Das Ding. La Chose c’est le corps propre dans sa pulsation
de jouissance. L’instance du signifiant va opérer une séparation
radicale entre la jouissance au lieu de la Chose et le désir qui vient
de l’Autre. Pour exister comme désirant, le sujet doit en passer par le
langage, par le signifiant et ainsi il y a une perte de jouissance. La
jouissance est le réel de l’être, ce qui va se caractériser par un
rapport dérangé à son propre corps, ce qui va faire que le parlêtre
colore de jouissance tous ses besoins fondamentaux.
Pour nous donner une idée d’une jouissance qui ne serait pas affecté
par le langage, il nous invite à observer les amours des animaux, des
insectes, l’orgasme des libellules, voire la jouissance de l’arbre ou
du lys des champs. On sait combien cela fascine les parlêtres qui y
nourrissent au besoin leurs nostalgies, se dédouanant ainsi de la
frustration d’être dans l’ignorance de l’origine.
Pour la psychanalyse cette énigme de l’origine ne prend sens que dans
l’après coup dans les effets observables au niveau de la structure du
langage. Les réponses peuvent être mythiques, cf. Totem et tabou pour
Freud , fantasmatique avec le fantasme fondamentale pour d’autres.
Lacan va y ajouter des formalisations mathématiques ( les lettres, un
algèbre lacanien, les mathèmes) ou l’usage de la topologie ( graphe,
topologie des surfaces, nœuds).
En somme toutes ces réponses sont aussi insatisfaisantes les unes que
les autres car elles nous laissent chacun nous débrouiller avec ce qui
au fond est celle qui nous laisse devant un silence abyssale : qu’est
que la vie ? Freud a bien essayé d’en dire quelque chose avec son
dualisme pulsion de vie /pulsion de mort. Sa formation médicale le
conduit à la supposer la vie du côté des cellules germinales, et la
mort du côté des cellules somatiques. ( in Au dela du principe de
plaisir )
Lacan nous propose lui aussi un mythe, celui de la lamelle. In les 4
concepts : « la lamelle[…] c’est la libido, en tant que pur instinct de
vie c’est-à-dire de vie immortelle, de vie irrépressible, de vie qui
n’a pas besoin, elle, d’aucun organe, de vie simplifié et
indestructible »
La vie pourrait à le suivre comme une sorte de moisissure, de
prolifération, d’excès en tout cas. ( Ce qui n’est pas sans évoquer ce
que nous disions à propos du processus cancérigène.) La vie s’incarne
dans un corps ce qui nous faire dire volontiers qu’il jouit de la vie.
C’est sa fonction au corps de jouir selon les manières les plus
diverses. Sexuellement à l’occasion. Mais aussi de bien d’autres
manières. Y compris en s’agitant, en se frappant, en se réduisant, en
cherchant la douleur.
La jouissance peut aller de la chatouille (le jeu exquis de le petite
bête qui monte , qui monte et qui vient manger le bébé, qui en
redemande…) , à la frappe douloureuse, à l’extase des mystique, jusqu’à
l’anéantissement dans une flambée mortelle. A l’époque où Lacan utilise
cette métaphore, des jeunes protestataires contre la guerre au Vietnam
s’immolaient. On pourrait aussi bien évoquer ici la pratique actuelle
de la recherche du coma éthylique, où ce qui est recherché dit-on est «
de tomber mort » le plus vite possible. Peut-on parler dans ce cas de
jouissance pure ? Ce qui supposerait que le sujet l’éprouverait sans le
savoir. Il est un fait que ce que le sujet peut en dire est des plus
pauvre. Cela nous renvoie à la jouissance de l’Autre, notons bien d’un
Autre non barré, l’Autre avance alors Lacan étant alors le corps
propre.
-IV-
Cette assertion peut apparaitre comme contradictoire avec la notion de
l’Autre comme le lieu de la parole et du langage, le lieu de recel du
trésor des signifiants, où la jouissance en aurait été rejetée. «
L’Autre est le terre-plein nettoyé de la jouissance » avait-il avancé.
Mais comment dire que le corps c’est l’Autre, et comment alors entendre
que d’une part le réel du corps est étranger au signifiant et que
d’autre part l’Autre est le lieu du trésor des signifiants ?
Il me vient ici cette suggestion que si l’Autre est le lieu du corps ,
c’est en tant qu’Autre non entamé par le signifiant. Et que l’Autre
comme lieu du signifiant, c’est l’Autre barré, marqué par
l’incomplétude. La différence apparaitrait avec la prise en compte de
la lettre, avec une écriture.
Le corps comme réel, comme lieu de la jouissance vitale se distingue du
corps quand il est pris dans le langage, c’est un corps affecté par le
symbolique, un corps fantasmatique aussi, pulsionnel comme en témoigne
d’une façon exemplaire les somatisations hystériques : quand le sujet
dit « bras », « tête », « dos », c’est bien de bras, de tête, de dos
dont il s’agit, mais ce n’est pas cela dont il s’agit, il y a du
refoulé engagé par l’usage même de ces mots.
Le signifiant opère une séparation entre jouissance et corps qui est
pris dorénavant comme corps de discours. In le séminaire La logique du
fantasme : « Si l’introduction du sujet comme effet du signifiant gît
dans cette séparation du corps et de la jouissance, dans cette division
mise entre des termes qui pourtant ne subsistent que l’un par l’autre,
on comprend mieux que c’est là que pour nous se pose la question de
savoir comment la jouissance est maniable par le sujet ». (Leçon du 7
juin 1967) Il en résulte que la seule jouissance qui sera accessible
pour le sujet est une jouissance de bord, celle qui se tient dans les
zones dites érogènes ; une part de jouissance se trouve engagée par la
pulsion. Elle laissera cependant le sujet insatisfait, et c’est
l’horizon d’une jouissance de l’Autre qui s’évanouit. Cette
insatisfaction n’est pas sans générer un sentiment de culpabilité
inconsciente. C’est une jouissance morbide qui va se répéter dans les
symptômes. C’est bien ce que Freud avait repéré dans la compulsion de
répétition à l’œuvre avec la pulsion de mort ; les phénomènes
douloureux, les conduites d’échecs, les souvenirs traumatiques vont se
répéter.
Pour Lacan la pulsion est l’ écho dans le corps de la présence du
signifiant . Dans la mesure où le signifiant vient entamer la
jouissance, toute pulsion est par définition pulsion de mort. C’est
dans la mesure où le langage intervient dans le développement de ces
pulsions que le statut de la jouissance s’en trouve changé. Il y a une
logique de l’après-coup, du fait de l’incidence du signifiant.
-Que dire alors de la jouissance sexuelle ? comment la situer en regard
de cette jouissance du corps ? Le principe de plaisir comporte en
lui-même sa limite et vient interdire la jouissance. Les substances
pharmacodynamique peuvent venir modifier le système homéostasique du
corps et permettent d’aller au-delà de certaines limites , au risque
d’épuiser le corps , voire de conduire à la mort. Dans ce cas, on est
plus dans la configuration d’un corps qui jouit de lui-même, mais dans
celle de jouir du corps au sens objectif. Le sujet n’a pas accès à un «
jouir du corps au sens subjectif. »
Cette jouissance de l’Autre Lacan la définit aussi comme celle du corps
qui jouit de lui-même. Elle est hors symbolique. Il a pu dire que
c’était celle de l’Être. Dans Subversion du sujet , l’Autre en tant que
lieu du signifiant comporte un manque radical, ce manque dans l’ Autre
étant ici identifié à la jouissance forclose qui fait retour dans le
réel. Et pourtant il attribue à cette jouissance forclose un signifiant
qui va être dans une position d’exception par rapport aux autres
signifiants ! C’est en effet de lui que dépend tout le procès de la
signifiance et qui va conditionner dans leur ensemble les effets de
signifié . Ce signifiant de la jouissance, c’est le phallus symbolique
, le grand phi.
-V-
On voit donc que cette notion de Jouissance de l’ Autre aura
différentes définitions selon les moment de son enseignement. Il a pu
par exemple la présenter comme la jouissance forclose du symbolique et
qui faisait retour comme signifiant dans l’Autre, ce qui peut sembler
paradoxal. Comment entendre ce paradoxe ?
Cela m’évoque diverses séquences cliniques.
On pourrait évoquer ici l’expérience du cauchemar : Alors que le rêve
est le gardien du sommeil, et vient représenter un accomplissement du
désir, certes le plus souvent masqué, le cauchemar apparait comme un
échec de cette fonction, puisque le sujet se réveille , au prise avec
un franchissement du principe de plaisir . Cela pourrait illustrer une
manifestation de la jouissance de l’Autre. Le rêveur se réveille pour
échapper à son rêve et poursuivre le rêve de sa vie diurne. Mais
l’illisible de cette jouissance de l’Autre ne va être sans effet sur
les signifiants qui organisent son quotidien.
Ou encore avec la psychose où nous pouvons avoir du fait d’un échec de
la métaphore paternelle une manifestation de cette jouissance de
l’Autre avec des effets catastrophiques de perte de consistance, de
sentiment de fin du monde, de dissociation. On nous rapportait ce matin
le cas d’une jeune femme très élégante, très soignée de sa personne qui
se disait être prise dans un envoutement dont l’effet principal était
des sensations cénesthésiques à caractères sexuels. D’autre part ce
qu’elle pouvait en dire était pauvre. Cela ne se construisait pas sous
le mode d’un délire sinon pour dire c’était un envoutement. Nous voyons
ainsi dans ce cas comment la Jouissance de l’Autre, générée à partir
d’un échec de la métaphore tente de se subjectiver avec des signifiants
qui pourraient en dire quelques choses de cette xénopathie.
On peut évoquer les manifestations du Surmoi qui en passe par une
articulation signifiante, et aussi par la Voix de l’Autre. C’est une
parole fondamentale, le plus souvent impérative, qui s’impose au sujet
d’une manière énigmatique et arbitraire. Et le plus insensé dans cet
impératif, c’est qu’il commande de jouir. C’est là une origine de
l’angoisse. cf in séminaire l’ Angoisse.
Dans la perversion, le sujet pense se saisir de la jouissance de
l’Autre en mettant en jeu l’objet a sur un mode positivé. En fin de
compte la jouissance du pervers cherche à provoquer l’angoisse du
vis-à-vis chez l’ exhibitionnisme par exemple voir de l’angoisse de l’
Autre symbolique dans le cas d’une perversion masochiste. Le sujet
pervers a certainement un certain savoir sur ce qui disjoint un sujet
et la jouissance, à ce qui n’est pas subjectivé ordinairement. Alors il
interroge chez le petit autre ce qu’il en est de la jouissance, et ce
qui n’est pas subjectivable pour lui. Pour ce faire il se tient au lieu
du petit a, dans ce qui n’a pas été pris dans le procès d’aliénation.
C’est bien cette jouissance de l’ Autre qui est mis en œuvre sous cette
manière et l’affect d’angoisse obtenu est une tentative transitiviste
de donner corps à ce savoir sur la jouissance.
-V-
Pour conclure provisoirement sur cette définition de la J (A) au sens
subjectif de ce génitif, au sens où cela serait une jouissance du
sujet, une jouissance où le sujet pourrait s’y reconnaitre, c’est
finalement paradoxal. La perversion enfonce le clou de ce paradoxe ;
mais aussi il me semble du patient psychosomatique.
C’est paradoxal avec la notion que le lieu de l’Autre, est celui du
langage, c’est le lieu du trésor des signifiants ; et Lacan a même
avancé cette assertion à propos de l’Autre, comme « le terre-plein
nettoyé de la jouissance ». C’est donc une définition de l’Autre comme
barré , comme séparé de la jouissance par le signifiant. Il marqué par
un manque radical.
D’autre part on ne jouit pas non plus de l’Autre au sens objectif de ce
génitif, dans la mesure où l’autre se réduit pour le sujet à l’ objet a
qui est l’objet insaisissable par excellence. On ne peut jouir de
l’Autre que mentalement, à partir d’un fantasme. Mais il serait alors
plus juste de dire que ce sont les fantasmes qui se jouissent du sujet.
Car la cause vient de l’objet a et non du sujet.
On va dire cela pour le névrosé , avec les variantes bien connues,
celle du névrosé obsessionnel par exemple que l’approche de l’ Autre
lève le soupçon d’un trop de plaisir et lui fait prendre ses distances
, ou encore avec l’ hystérie où la jouissance aperçue est source de
dégout.
J’avais avancé que pour le patient psychosomatique le rapport entre le
sujet et l’objet était assuré par le phénomène psychosomatique.
L’assertion qu’il pourrait alors se jouir du sujet me semble pouvoir
être proposée.
La contradiction pourrait-elle levée par un jeu d’écriture ? La
jouissance de l’Autre, c’est J(A), l’Autre n’est pas barré , c’est
pourquoi elle est mythique. Elle est marquée d’un impossible. On
pourrait aussi dire que c’est le Réel au sens lacanien. L’Autre comme
lieu du signifiant est par contre marqué par l’incomplétude, c’est la
structure du symbolique.
Et pour revenir sur notre tore si vous voulez bien en pourrait le
présenter selon la figure suivante :
Fig. n°2 : Présentation des jouissances sur le tore.