Stéphane Thibierge
Poitiers, 27 septembre 2025
Je remarquais que dans la voiture qui me ramenait du déjeuner, il était indiqué sur l'écran « n'oubliez rien dans la voiture » et ça me faisait penser donc que aujourd'hui, on est dans l'injonction de ne pas oublier quelque chose quand on quitte, pas n'importe quoi, on ne vous le dit pas de ne pas oublier vos bagages quand vous sortez d'un jardin public. Si on réfléchit on nous enjoint de ne rien oublier quand on est dans quelque chose qui fonctionne. Et il s'agit de pas embarrasser , de ne pas gêner un fonctionnement, c'est-à-dire quand vous êtes dans un train quand vous êtes dans le métro, quand vous êtes dans votre voiture, il s'agit de ne rien oublier. C'est relativement récent ça chez nous. Dans d'autres pays au Japon par exemple ça existe depuis beaucoup plus longtemps : l'obsession de veiller à n'oublier rien. Qu'est-ce que ça veut dire de ne rien oublier ? Ça veut dire qu'il ne faut pas entraver, gêner le fonctionnement de quelque chose, il ne faut pas gêner la bonne marche et répétition de quoi ? Eh bien d'un savoir. Il faut que ce savoir puisse de lui-même et sans entrave, sans être gêné par exemple par un acte manqué, il faut qu'il puisse fonctionner et nous en tant que corps nous ne pouvons que gêner ce savoir. Nous ne le gênons que pendant un temps, on vous autorise à prendre le métro ou le train pendant quelques minutes ou quelques heures. Mais une fois ce temps écoulé, vous devez dégager. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de place pour votre corps, il encombre. Alors vous me direz un corps ça encombre toujours un peu. Quelquefois ça encombre de façon agréable, c'est ce qu'on peut souhaiter de mieux d'ailleurs, par exemple dans un lit, on peut être encombré de quelqu'un de façon agréable. Dans le train ou quand ça fonctionne il s'agit de ne pas encombrer. Ça nous fait tout de suite toucher du doigt quelque chose qui est en relation à notre sujet quoique de manière pas directe, c'est que nous autres occidentaux nous vivons, que nous le voulions ou non sous le régime de quelque chose qui s'appelle la science et la technique qui est liée à cette science. Cette science elle est relativement récente, la science moderne comme on dit, elle s'est inaugurée avec quelque chose que la psychanalyse, en l'occurrence Lacan, appelle la grande éjection du corps qui commence au XVI ème siècle avec Descartes. Descartes à juste titre peut être considéré comme le fondateur de la science moderne. Pourquoi ? Parce qu'il a très exactement articulé la ferverflexion du corps, comme condition préalablede la mise en place du sujet de la science. C'est-à-dire au fond la mise en place d'un calcul d'une algèbre qui ne peut pleinement se déployer que si elle n'est pas gênée par les manifestations du sujet, tout ce qui se manifester comme scories, comme reste, comme oubli par rapport à ce savoir et dont justement la science ne veut pas. Vous voyez que c'est quand même intéressant de remarquer qu'aussi bien la démarche de la science qui a posé les conditions dans lesquelles nous autres occidentés avons à nous repérer dans notre ordinaire. Dans notre vie quotidienne dans notre expérience habituelle. Mais je dis nous autres occidentés mais qu'ils le veuillent ou non les autres du reste du monde sont entrainés aussi dans l'aventure de l'occident. C'est-à-dire que cette façon de faire de l'occident , des occidentés, de la science et de la technique donc d'un savoir qui fonctionne tout seul, idéalement tout seul, c'est-à-dire idéalement sans nous. J'y reviendrai tout à l'heure peut-être à la fin de mon propos. .Parce que la jouissance du savoir, j'aurais l'occasion peut-être de le souligner en terminant tout à l'heure, la jouissance du savoir quand elle est pleine et entière quand elle n'est gênée par rien, par aucun oubli par exemple, par aucun acte manqué par aucune parole intempestive. La jouissance du savoir, eh bien, elle nous éjecte, elle n'est jamais mieux accomplie que quand il n'y a plus aucun corps pour l'embarrasser. Voyez donc ça va très loin les questions de jouissance du savoir. On va essayer d'avancer dans cette question pas à pas, volontairement un tout petit peu ambigu, jouissance du savoir. La jouissance ça évoque tout de suite le corps, il n'y a pas de jouissance sans corps. La jouissance c'est quelque chose dans quoi le corps est pris. Je suppose que vous n'êtes pas tout à fait débutant en psychanalyse les uns et les autres. Je suppose que vous en savez un tout petit peu, donc je ne vais pas vous faire un cours. Vous savez que la jouissance nous distinguons ça du plaisir. La jouissance c'est pas le plaisir. Le plaisir c'est ce qui est agréable. La jouissance c'est ce qui peut être agréable mais pas nécessairement. La jouissance c'est dans quoi un corps est pris que ce soit un corps inanimé. Je parlais tout à l'heure de voiture, une voiture ça peut être la jouissance de quelqu'un, quelqu'un a la jouissance de sa voiture. Ça veut dire que la voiture est la propriété de quelqu'un, il en a l'usufruit, il en a l'usage, il peut en user il peut même en abuser. C'est là le domaine de la jouissance, et ce corps de la jouissance il est animé ou inanimé. Et ce que nous appelons la jouissance c'est justement ce que dans quoi notre corps est pris, il a pas le choix on ne choisit pas sa jouissance. La jouissance est un terme de droit qu'évoque la propriété ou l'usufruit. C'est vrai que nous avons tous les jours l'occasion d'éprouver que notre corps est bien loin de nous appartenir comme on se l'imagine quelque fois. Ce sont des choses très contemporaines ça « je suis propriétaire de mon corps » « mon corps est à moi » etc Non mon corps n'est pas du tout à moi, et quand on veut essayer de vivre sa vie de manière pas trop malheureuse ou pas trop inadéquate eh bien on a intérêt à réaliser eh bien que son corps n'est pas à soi. Mon corps il est très très, de la façon la plus évidente pris dans quelque chose d'autre, dans quelque chose sur quoi il n'a aucune prise. C'est pas difficile à vérifier penser par exemple la nuit dernière vous avez peut-être fait un rêve la nuit dernière, si vous avez fait un rêve, vous êtes bien a même de regarder que ce rêve vous n'y êtes, si je puis dire pour rien. Enfin en tout cas de prime abord, votre rêve il s'est fait sans vous, il s'est fait en vous laissant à l'extérieur. Il n'y a pas que ça dans le corps qui échappe à notre contrôle. Notre corps il est sans arrêt amener à répéter des attitudes des postures des conditions qu'il ne choisit pas et qui c'est très curieux à remarquer et qui se répète régulièrement et de la même façon. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ce que j'appelle mon corps est , que je le veuille ou non, agi par un savoir que pour l'essentiel je ne connais pas. Mais qui se révèle être un savoir, c'est-à-dire c'est pas du tout n'importe quoi, ce qui agit mon corps c'est pas du tout n'importe quoi, au contraire ça se révèle être à beaucoup d'égard toujours la même chose. C'est toujours la même chose qui me met en difficulté, c'est toujours la même chose qui rencontre mon agrément, c'est toujours la même chose qui plait disons, à mon fantasme C'est toujours la même chose que je place sur le réel pour avoir une petite idée de ce que j'appelle la réalité. C'est du b à ba mais je le rappelle quand même la réalité, on s'imagine que la réalité c'est la même que pour vous et pour moi, mon voisin ou ma voisine, mais pas du tout. La réalité pour moi, la réalité pour mon voisin ou ma voisine c'est pas du tout la même. Je veux dire qu'il suffit d'observer ce qui se passe quand on demande à des gens de témoigner, on est tous là réunis si on voit un grand accident un carambolage de voitures se produire et qu'ensuite les voitures s'en vont chacune de leur côté, à supposer qu'elles le puissent, si on demande à chacun de nous ce qui s'est passé on aura vingt ou trente versions différentes, ça veut dire la réalité c'est pas la même pour vous pour moi, ou pour un autre.
Qu'est ce qui à chaque fois-là se met à causer des effets, c'est un savoir de mon corps qui se manifeste à moi sans me demander mon avis. Et qui se répète, c'est là le point important Nous sommes menés par des répétitions auxquelles nous sommes en grande partie étrangers donc c'est bien un savoir. Et ces répétition constituent un savoir incontestablement. Alors la jouissance du savoir, c'est en quelque sorte, le mouvement spontané de mon corps, du corps. Le corps jouit d'un savoir, même si il ne sait pas lequel, et quand je dis que cette jouissance c'est son mouvement spontané c'est que simplement spontanément ce corps il a tendance à reproduire ce savoir, à le répéter, quand nous recevons quelqu'un en tant que psychanalyste, ou en tant que psychologue ou psychiatre, en tant que psy. Quand nous recevons quelqu'un, qu'est-ce qu'il nous évoque toujours, ou s'il ne l'évoque pas spontanément il n'y a pas à chercher beaucoup pour qu'il nous en parle. Ce qu'il évoquera toujours celui ou celle qui vient nous trouver, c'est comment il est l'objet de répétitions, auxquels il est obligé d'assister impuissant et auxquels il a l'impression qu'il ne peut rien. Et ça roule tout seul et ça peut rouler très bien. Tout le monde vient pas nous voir. Tant que ça roule tout seul c'est bien, vous en connaissez je pense des gens autour de vous pour qui ça roule tout seul, ils sont pas très différents vivants de ce qu'ils seraient si ils étaient morts. Mais ils vivent très bien comme ça, ils vivent un peu comme des morts vivants, il y en a chez qui c'est vraiment caricatural, hein. Ils sont pas forcément en analyse. Je pense à certains exemples très typiques et très connus, celui de la névrose obsessionnelle est particulièrement parlant. Une grande névrose obsessionnelle, c'est quelqu'un qui vous présente à quoi peut ressembler la vie d'un mort vivant. C'est-à-dire une vie qui est entièrement commandée par un savoir qu'il s'agit surtout de ne pas troubler de ne pas déranger, dans lequel il s'agit surtout de ne pas introduire de coupures. Bon, Ça c'est la névrose obsessionnelle. Mais comme je le disais à mes compagnons de route ou de table hier et aujourd'hui, vous avez d'autres phénomènes cliniques qui vous donnent une perception aigüe de ce que peut être la jouissance du savoir. Un état maniaque par exemple, vous avez à faire là à quelque chose de la psychose, vous avez quelque chose qui se dévide. Vous appuyez sur le bouton « dites-moi ce qui vous arrive et puis pfff » Il y a même pas besoin d'appuyer sur le bouton ça part tout seul. Vous ne pouvez introduire aucune coupure là-dedans ça se déroule tout seul, c'est une pure jouissance, d'un savoir que rien n'entame. Vous voyez là encore, ça vous donne tout de même , je dis pas que vous avez à faire à un mort vivant mais vous avez à faire en tout cas à quelqu'un chez qui il est très difficile de repérer, de remarquer quelque chose qui pourrait s'appeler un sujet. C'est du savoir qui roule tout seul. C'est pour ça que je vous disais que le savoir, c'est le mouvement spontané du corps, c'est ce vers quoi le corps aspire s'il est laissé à son propre mouvement. Alors ça roule tout seul sauf si, il se passe ce qui fait que quelqu'un ou quelqu'une va venir nous voir. Pourquoi on va chez le psy, le psychanalyste tout spécialement ? Eh bien parce que c'est devenu insupportable ce « ça roule tout seul ». Ça m'obsède, ça m'envahit, ça me rend la vie impossible. Ça, ça va causer le fait qu'on va aller trouver le psy. Parce que souvent ceux qui viennent nous voir et d'autant plus qu'aujourd'hui où la psychanalyse n'a pas tout à fait le vent en poupe, ce qui viennent nous voir c'est parce que généralement ils ont essayé tout le reste et ça n'a pas marché. Alors en fin de compte ils viennent voir l'analyste. En venant parler, parce que la psychanalyse a beau être critiquée, décriée, mise de côté etc il n'empêche quand même que les gens se rendent chez l'analyst et continuent de venir et puis ça n'empêche pas non plus que les gens savent que ce dont il s'agit chez le psychanalyste, c'est de parler. C'est une issue qui est donnée à la parole. Ca les gens le savent et donc ils viennent parler, quand ce savoir cette jouissance dont ils sont l'objet devient insupportable. A ce moment-là, ils introduisent par le simple fait qu'ils viennent nous voir, le simple acte de franchir la porte du cabinet de l'analyste, ça représente une coupure dans ce savoir, il vient ébrécher un peu ce savoir et ça donne une chance, une petite chance mais une vraie chance. Ça me fait penser en vous parlant là, à quelqu'un que je connaissais il y a bien longtemps de ça et qui n'allait pas bien. Qui était justement dans cette situation où il était joui par un savoir qui lui rendait la vie impossible. Et c'était quelqu'un qui exprimait un certain scepticisme comme beaucoup de gens qui en auraient le plus besoin par rapport à l'analyse. Et il me disait « tu penses vraiment que c'est quelque chose qui est important la psychanalyse ? », je lui avais répondu mais oui, sans doute parce que cette personne était dans une situation urgente, j'avais cru pouvoir lui répondre, c'était un peu gonflé de dire les choses comme ça « oui c'est important la psychanalyse ça peut être une question de vie ou de mort ». La suite m'a plutôt donner raison, c'est-à-dire que on est là avec des questions, la jouissance du savoir c'est pas anodin quand vous êtes pris dedans vous pouvez y laisser votre peau par ce que de soi même je disais tout à l'heure, « ça roule », « ça roule » vers des sujets qui ne sont plus là. Cette jouissance du savoir c'est pas quelque chose de sympathique, d'ailleurs quand j'ai donné ce titre , quand j'y ai repensé après par ce que c'est toujours la même chose quand on donne un titre on ne sait pas ce qu'on dit. On donne un titre pas au hasard, on donne un titre parce que ça nous parle comme on dit, mais on ne sait pas à quoi on s'engage, on sait pas tellement ce que ça veut dire comme d'habitude d'ailleurs, on sait jamais ce qu'on dit on réalise un peu après. Et quand j'ai repensé au titre que j'avais donné pour ma conférence d'aujourd'hui, je me suis dit « pff c'est pas marrant la jouissance du savoir », j'espère que je vais pas les assommer avec ça. Parce que c'est terrible la jouissance du savoir, c'est effroyable. Et c'est d'ailleurs ce qu'on observe, je vous parlais tout à l'heure de ces gens ces personnes que nous pouvons voir autour de nous et sont comme des morts vivants. On pourra dire les choses autrement pourquoi ces gens ils sont comme des morts vivants parce que je vous propose de répondre à cette question comme ceci parce que ce sont des gens, des sujets qui portent comme un lourd sac à dos et peut-être deux ou trois empilés. Ils portent sur leurs épaules tout un poids de langage mort. Ils ont été, bien sûr ce sont des sujets parlants, en tout cas ils sont parlés, à défaut parfois d'être parlants. Ce sont des sujets qui sont pris dans la parole, ils ont été pris dans la parole comme nous tous mais ils ont été pris dans la parole de telle façon que ça a fait pour eux savoir comme chez tous mais c'est un savoir qui n'est entamé par rien. C'est un savoir comme mort. Et ce savoir mort devient effectivement très lourd à porter et c'est ce qui définit, je crois une névrose. Une névrose c'est du savoir qui s'est enkysté chez quelqu'un, comme effectivement un poids de langage mort. Et cet enkystement de savoir trouve parfois, dans des cas favorables, trouvent l'occasion de s'ouvrir lorsque ce sujet, ce qui reste de sujet vient trouver l'analyste et ça c'est plutôt dans les cas favorables. Parce que il y en a qui sont morts et bien morts ils n'ont pas pu, ça vous est arrivé de rencontrer des sujets très névrosés qui vous expliquaient que la psychanalyse ça sert à rien. Qu'on s'en sort tout seul, qu'on n'a pas besoin de psychanalyse, ce sont ceux qui en ont le plus besoin qui en général disent ça.Peu importe c'est comme ça ! D'ailleurs ça me fait penser à la position qui est celle d'un psychanalyste par rapport à cette question qui est celle de ce poids de langage mort. Qu'est-ce qu'on attend d'un psychanalyste ? Est-ce qu'on va dire qu'on attend de lui du savoir ? Est-ce qu'on va dire ça ? On attend du psychanalyste du savoir, oui, un petit peu, mais pas seulement, on peut pas attendre seulement du savoir chez lui. Quand on va voir un psychanalyste, on ne va pas voir seulement du savoir même si Lacan a pu dire à juste titre que le transfert, c'est la façon dont va se nouer le rapport du sujet à quelque chose du côté de l'autre, quelque chose à quoi ou à qui il suppose un savoir, bien sûr. Mais un savoir sur quoi ? Parce que ce n'est pas n'importe quel savoir qui est supposé dans le transfert, c'est le savoir qu'on suppose au psychanalyste et le savoir qu'on suppose au psychanalyste ce n'est pas du tout seulement un savoir livresque, un savoir académique ou un savoir de type scolaire.Non ! Chez le psychanalyste on suppose un savoir, on va dire de l'inconscient, ça ça va de soi, mais on va ajouter quelque chose. Chez l'analyste on suppose qu'il y a un savoir de l'inconscient et une expérience de ce savoir, ce qui est quelque chose de plus. Parce que ce savoir de l'inconscient nous l'avons tous, nous avons tous, vous pouvez prendre l'adversaire le plus féroce de la psychanalyse si vous lui dîtes « est ce que vous faites des rêves quelque fois la nuit ? » il va vous dire oui. « Est-ce que vous contrôlez vos rêves ? » il va vous dire non ! Donc, même un adversaire de la psychanalyste doit reconnaitre que l'inconscient ça existe il se passe des trucs en moi que je commande pas et qui existe bien, il y a un savoir là ! Du psychanalyste qu'est-ce qu'on attend ? On attend bien sur un savoir de l'inconscient, par exemple on attendra de lui qu'il ait lu, « l'introduction à la psychanalyse » de Freud ou bien qu'il ait lu « les nouvelles études sur l'hystérie » de Melman. Ou qu'il ait lu le séminaire « le transfert » de Lacan qui est à l'étude chez nous à l' ALI pour l'été prochain. Et je vous invite à le lire et à nous rejoindre au séminaire de l'Ali l'été prochain. On attendra d'un psychanalyste qu'il ait ce genre de connaissances, ce genre de savoir mais, je crois d'ailleurs que Lacan le dit tout à fait explicitement dans son séminaire, on attend de lui qu'il ait l'expérience de ce savoir c'est-à-dire qu'il ait une idée, du fait qu'il a fait lui-même une analyse, qu'il ait une idée de la façon dont ce savoir va se manifester en acte. Parce que s'il n'a pas d'idée de la façon dont ce savoir se manifeste en acte, il sera joui par ce savoir. Il sera dans la jouissance du savoir mais il ne pourra pas facilement même pas du tout, il ne pourra pas orienter sa pratique par rapport à une connaissance de ce savoir. Et orienter son attention à l'endroit de ce que dit son patient en tenant compte de ce savoir. Vous voyez c'est quand même très intéressant de remarquer que chez l'analyste on attend certes un savoir, ça fait pas de doute mais on attend une expérience de ce savoir. Et l'expérience de ce savoir et c'est là où les choses sont vraiment intéressantes, est ce qu'on ne peut pas dire que c'est un savoir ? L'expérience du savoir inconscient, c'est un savoir ? Non, ça on ne peut pas le dire ! Là il y a un os, quelque chose mais vous ne pouvez pas dire l'expérience de ce savoir c'est une sorte de savoir numéro 2 qui va se rajouter au savoir numéro 1, ça vous ne pouvez pas. Et pourquoi ? Parce que si c'était le cas, on pourrait demander à l'intelligence artificielle de pratiquer une psychanalyse, il n'y aurait aucun problème. On pourrait dire à Chatgpt est ce que vous pouvez me prendre en analyse ? il dirait oui. Il aurait tout à fait raison, si l'expérience du savoir inconscient représentait un savoir qui s'ajouterait au savoir inconscient. Si c'était ça on pourrait demander à Chatgpt une analyse mais on peut pas. Mauvaise nouvelle, ça va couter plus cher !
Alain Harly : tu distinguerais l'expérience de ce savoir, d'un savoir-faire ?
Non pas tellement c'est un savoir-faire avec l'inconscient. Ce qui n' est pas la même chose d'un savoir tout court, parce qu'un savoir-faire ça met aux prises avec quelque chose de l'ordre du Réel. Alors ce que je vous dis là c'est comme si je vous disais ce qu'on attend de l'analyste ce savoir de l'inconscient, donc ce savoir inconscient plus l'expérience de ce savoir, ça veut dire qu'on attend de l'analyste un savoir plus quelque chose qui entame ce savoir. Parce que, ce que j'appelle l'expérience de savoir, c'est l'expérience de ce qui entame ce savoir, de ce qui vient y faire d'une certaine façon objection, de ce qui vient y faire coupure. C'est ça qu'on attend de l'analyste qu'il ait l'expérience de ça. C'est pour ça que la psychanalyse est un métier difficile parce qu'il faut accueillir le savoir inconscient et il faut aussi accueillir l'expérience de ce savoir. C'est-à-dire le fait de remarquer qu'il est impossible de le fermer ce savoir. Vous pouvez pas fermer le savoir inconscient et ça c'est qq chose qui est difficile à accepter. On pourrait dire de façon lapidaire que ça s'appelle la castration, c'est-à-dire qu'on a affaire à un savoir qui est pas fermable qui ne peut pas se fixer sous un terme ou une définition. C'est qq chose qui n'est pas facilement acceptable. Ce qui entame le savoir et dont l'analyste représente l'expérience et c'est pour ça qu'on va venir le trouver au fond, même si on ne le sait pas on s'en doute quand même. Les gens qui viennent nous trouver, c'est au nom de ça qu'ils viennent nous trouver. Ce qui entame ce savoir c'est pas uns coop mais je le rappelle, nous appelons ça nous la vérité. La vérité, c'est ce qui se passe lorsque le savoir , il n'y a pas que le savoir inconscient il y a aussi le savoir tout court. Tout à l'heure je vous parlais des machines dont nous gênons le fonctionnement par la présence de nos corps, c'est pour ça qu'on nous demande n'oubliez pas de paquets, n'oubliez pas de valises, n'oubliez pas quoi que ce soit avant de dégager. Si vous oubliez quelque chose c'est une façon de dire quelque chose, c'est une parole. Il y a de la vérité qui entre en jeu là ! Qu'on le veuille ou non et ça fait échec au savoir ça le questionne en tout cas. Donc vous voyez quand vous prenez le train et que vous oubliez votre valise ,vous allez vous faire gronder par la SNCF mais vous pourrez au moins avoir cette satisfaction que vous avez interrogé le savoir. Vous avez réintroduit un peu de vérité dans l'affaire. Ce matin lors du conseil d'administration de l'EPCO, son président Jean-Jacques Lepitre ici présent faisait cette remarque que j'ai trouvé très juste, il disait que la psychanalyse représente aujourd'hui pour reprendre son terme, je crois, la possibilité d'une rare approche rationnelle de la division subjective. C'est vrai, la psychanalyse c'est une approche rationnelle, nous ne faisons pas de la magie, nous ne sommes pas non plus dans la religion, nous sommes une approche rationnelle de la division subjective. La plupart du temps l'approche rationnelle, elle va s'exercer sur ce qui lui est le plus spontanément affine.Qu'est ce qui est le plus spontanément affine à la connaissance rationnelle eh bien c'est le savoir, du savoir. Elle s'applique à du savoir la connaissance rationnelle. Elle ne s'applique pas facilement à ce qui vient entamer ce savoir au nom de la présence d'un sujet, c'est-à-dire au nom de la division subjective.Je vais vous l'illustrer d'une manière extrêmement simple mais qui m'est inspiré de la remarque de votre collègue, Jean-Jacques Lepitre ce matin.
Stéphane Thibierge se lève pour écrire sur le tableau
Il y a un problème quand même c'est que dans nos associations de psychanalystes, comme ailleurs d'ailleurs ça devient de plus en plus difficile d'écrire quelque chose. Il y a de moins en moins la possibilité d'écrire des choses au tableau noir et ça c'est pas seulement anecdotique c'est l'indice que nous sommes de plus en plus pris dans un savoir qui ne supporte pas qu'on vienne faire coupure dans ce savoir. Quand j'écris quelque chose , si j'écris ça par exemple ça introduit une coupure dans ce que je dis.
Problème par transmission zoom car on ne voit pas le tableau
Je suis désolé de vous embêter mais je suis pas complètement fâché parce que il y avait quelque chose qui me convenait pas dans l'histoire des machines et je sais maintenant ce que c'est, c'est parce que ça ne rend pas possible d'écrire quelque chose et donc que quelque chose tombe du savoir au titre d'autre chose que nous appellerons la vérité, vous voyez. On va se débrouiller autrement. Alain Harly « tu peux te servir de ton propre corps pour écrire »
Voilà, donc je vous disais quelque chose qui entame ce savoir, je vais le représenter comme ça le savoir il nous mène, c'est tout à fait possible de le représenter par une suite, c'est une suite d'éléments qu'on peut dire discrets c'est-à-dire séparés les uns des autres, pourquoi ? Pourquoi est ce qu'on peut dire ça, pourquoi c'est pas du continu ? Parce que comme nous le savons, les éléments qui mènent, qui commandent les savoirs dont nous sommes l'objet, ce sont toujours des éléments de langage. Ils sont toujours langagiers, c'est ça qui fait que la jouissance de l'animal humain est une jouissance qui est plus complexe, plus difficile que celle de l'animal tout court. L'animal tout court, il est pris dans des processus qui sont peut-être susceptibles de s'écrire aussi mais il est pas pris dans les processus qui sont ceux du langage comme tel ou qui sont commandés par ceux du langage. Alors ces processus on peut les représenter : Stéphane Thibierge montre une feuille avec tracé une ligne discontinue faite de pointillés --------- Vous voyez une ligne discontinue, dans cette ligne discontinue par laquelle nous pouvons représenter les éléments de langage qui nous commandent, c'est pas douteux qu'on soit commandé par des éléments de langage. Je vais vous prendre un exemple, parce que je voudrais illustrer de façon très simple, j'ai le sentiment que je dis là des banalités mais il n'est pas inutile de les rappeler je crois.
?? 54 minutes 59 une coupure dans l'enregistrement
Là dans cette chaine de langage mettons par exemple dans ce que je suis en train de dire en ce moment ça fait chaine de langage ça fait une suite d'éléments de langage qui va s'introduire qui va s'inviter et il va se manifester ça va être souvent une obscénité, je dis souvent c'est comme ça. On est en public il faut faire attention, surtout dans des circonstances officielles admettons, et c'est là que au lieu d'un élément attendu dans la chaine normale, il va arriver ce que je disais à l'instant « boum le x », le x qui n'était pas attendu il s'introduit : -----x--------. C'est l'explosion , le lapsus ! Ca fait quoi chez le sujet quand ça se produit ? Généralement ça produit sur le moment un effet de sidération mais cette irruption d'un élément étranger, d'un élément qui était d'habitude refoulé comme dit très bien Freud. Cette irruption d'un élément refoulé dans mon langage va produire cette coupure qui correspond alors je mets ici savoir et je mets ici vérité ; le x ouvre la dimension de la vérité.
x vérité Voilà ------x-------- Savoir
Le x introduit cette coupure dans le savoir qui ouvre la dimension de la vérité. Quand Lacan dit « Moi la vérité je parle » . Ça veut dire tout simplement je ne répète pas l'inscription d'un savoir, je parle. Il aurait pu illustrer ce propos par ce petit schéma tout simple que je viens d'écrire sur cette feuille de papier. Je parle. C'est-à-dire j'ouvre une issue de langage à ce qui s'est manifesté de rupture dans le savoir. C'est exactement ce que fait quelqu'un qui vient nous voir, qui vient trouver l'analyste pour une première séance. Il fait rupture dans le savoir qui le mène. Cette rupture, il ne sait pas bien sûr il ne le sait pas encore, cette rupture s'appelle la vérité, c'est-à-dire il vient, on pourrait dire en vérité. C'est la seule vérité qui nous intéresse et c'est la vérité tout court. Toutes les autres conceptions de la vérité ne sont que des manières d'essayer de recouvrir celle là. C'est ça que Lacan montre admirablement. Il montre que la vérité ça n'est rien d'autre que cette ouverture du savoir qui constitue la parole. D'ailleurs les enfants c'est bien ainsi qu'ils commencent à parler. Un enfant commence à parler quand il fait quoi ? Quand il remarque les éléments de langage, les signifiants qui reviennent dans le discours, dans les propos des gens qui l'entourent son père et sa mère notamment, sa mère tout particulièrement. L'enfant va remarquer qu'il y a des signifiants qui reviennent. Autrement dit il va commencer à lire. Et dans cette lecture il va introduire quelque chose de sa parole, de ses balbutiements, de ses bruits au début. Mais ce qui se manifeste là chez l'enfant, c'est une ouverture de la vérité, ça commence comme ça. Cette jouissance du savoir, l'analyse vient y ouvrir la dimension de la vérité c'est pour ça d'ailleurs que l'analyse et psychanalyse il faut qu'on en on en fasse connaitre la réalité. Nous constatons souvent aujourd'hui que nous sommes isolés, nous sommes isolés dans le champ social, à l'université, à l'hôpital notamment dans les institutions, on veut plus trop entendre parler de la psychanalyse, pour des tas de raisons. Mais je crois que c'est un fait certes, mais les psychanalystes ça ne les empêche pas de faire un tout petit peu entendre ce qu'ils représentent et quand on est attentif à ce qu'ils représentent, la plupart du temps, les gens sont très attentifs à ce que nous représentons. C'est-à-dire ils sont pas du tout si convaincus que ça que la psychanalyse c'est une escroquerie que la psychanalyse c'est pas scientifique. La plupart des gens, je vous assure ils s'en foutent de ça et au contraire, ils peuvent très bien entendre que la psychanalyse, c'est ce qui vient comme issue possible à quelqu'un du côté de la vérité, c'est-à-dire du coté d'une manière d'assumer la responsabilité de son existence. Et l'existence c'est quoi ? Est-ce qu'on va dire que mon existence c'est le savoir qui me constitue, le savoir que je mets en acte dans mon corps ? Est-ce qu'on va dire que mon existence c'est ça ? Ben non, justement comme le dit très bien la langue l'existence l'ek-sistence c'est ce qui va se situer en dehors de ce savoir là où je reste parfois sidéré, je reste parfois exclu de ces savoirs ,mais néanmoins je peux y trouver à dire ou à redire et c'est là que j'ek-siste. Et bien cette dimension de l'existence les gens le public, ils sont pas idiots du tout ils savent que c'est de ça qu'il s'agit avec la psychanalyse mais ils ont du mal à l'entendre parce que justement, aujourd'hui tout particulièrement pour diverses raisons, on recouvre tout ce qui est de l'ordre de la vérité, on le recouvre avec du savoir. Vous en avez l'expérience tous les jours, la télévision les réseaux sociaux même les informations, c'est de moins en moins du registre de la vérité et de plus en plus du registre du savoir. Ça veut dire quoi ?
Là où vous attendez vous, à juste titre qu'on vous parle des choses qui vous intéresse et on va vous dire des choses qui ne vous intéresse pas la plupart du temps, mais qui ont du sens. Parce que les choses qui vous intéresse n'ont pas autant de sens que vous le voudriez. J'ai oublié mes clés hier à mon bureau je me suis trouvé tout bête quand je suis arrivé devant chez moi, ça fait pas sens comme ça tout seul : je suis où ? je suis chez moi ou pas chez moi ? Je suis chez moi ou je suis dehors ? Ça ne se laisse pas recouvrir comme ça facilement par un énoncé, si je soumets ce problème à l'IA elle ne va pas me dire où je suis elle ne pourra pas. Mais moi en revanche je vais me demander où je suis parce que manifestement il y a une question là vous voyez ? Donc cette dimension de la vérité elle est aujourd'hui tout particulièrement, mais cela a toujours était pas seulement aujourd'hui, elle est recouverte avec du savoir, autrement dit elle est recouverte avec des énoncés. Le savoir cela ne consiste pas toujours en des énoncés bien sur, le savoir inconscient par exemple ce ne sont pas des énoncés, mais les énoncés quand vous les mettez bout à bout cela fait du savoir et aujourd'hui tout particulièrement à notre époque nous produisons un nombre d'énoncés très importants, et qui ne cessent de croitre d'une façon qui n'est pas défini explicitement comme ça, mais c'est comme si il y avait une tendance sociale, collective à recouvrir tout ce qui est de l'ordre de la vérité avec du savoir. Là par exemple je suis en train de vous faire une petite conférence sur cette question de la jouissance du savoir, j'ai de la chance et vous aussi que nos associations analytiques ne soient pas encore formatées comme les réunions d'aujourd'hui vous n'avez donc pas droit au power-point, mais normalement si je devais parler devant une honorable assemblée et surtout si je veux que mon propos soit considéré comme sérieux il faudrait que ce soit sur power-point et du coup je serai condamné à lire comme ça avec vous ce qui apparait sur l'appareil. Je pourrai alors aussi bien rester chez moi et vous laisser lire ce qui apparaît sur les fiches. Bon, mais nous avons encore de la chance nous pouvons faire une conférence en parlant, en accordant une place à l'énonciation en ne recouvrant pas tout avec des énoncés. Quand on recouvre tout avec des énoncés comme c'est le cas aujourd'hui, on tend à donner au savoir, aux savoirs, une consistance qui pourrait aller jusqu'à se refermer sur elle même. C'est ça l'objectif conscient ou pas, de ce à quoi nous assistons aujourd'hui avec l'IA. Produire de plus en plus d'énoncés de telle sorte qu'il y aurait une fermeture de la consistance de ces énoncés . Ça se traduit par le fait que ce serait une situation idéale comme celle ci vous posez une question à l'IA et l'IA a l'intégralité de la réponse, elle vous donne une réponse qui vous satisfait. Et il se produirait ce qui ne risque pas de se produire, et qui ne se produit jamais dans une conversation entre des êtres parlants et surtout on va aller direct au plus brûlant de la question de la vérité surtout si ces deux êtres parlants sont un homme et une femme. Ce qui ne se produit jamais c'est que vous pourriez dire quelque chose et que l'autre vous dise d'accord tu as résolu la question il n'y a plus de doute, on ferme la consistance du savoir. Est ce que c'est déjà arrivé ça dans une conversation humaine ? C'est très rare. Quand ça arrive en général c'est du théâtre. C'est par exemple chez Platon, c'était un grand monsieur ça j'ai aucune impertinence à l'égard de Platon mais souvent il disait que les questions qu'il avait abordées au cours de son dialogue, il n'avait pas réussi à les résoudre. Quelques fois il considère que c'est résolu et donc il ferme les choses mais cela n'arrive jamais dans l'expérience réelle entre un homme et une femme. Mais pas seulement, il n'arrive jamais que je pose à l'autre, ce qui est ma question et que l'autre puisse répondre à ma question avec un énoncé ou des énoncés qui ferment la question, ça n'arrive jamais. Je trouverai toujours à objecter et de fait dans nos relations à l'autre, l'autre objecte régulièrement par ce que nous pouvons apporter comme réponse et tant mieux puisque ça indique bien que même s'il a tendance à vouloir le faire, le savoir ne peut jamais se refermer sur une consistance. Alors aujourd'hui c'est à ça que nous avons à faire et c'est par rapport à ça que nous sommes je pense appeler à tenir notre position responsable de psychanalyste. C'est à dire nous avons à faire à cette tendance au savoir à se refermer sur sa consistance en évacuant la vérité. Vous voyez c'est quand même intéressant je retombe quand même sur mes pattes bien que je l'ai pas tout à fait prévu comme ça. Mais au début de mon propos d'aujourd'hui je vous disais que le savoir c'est ce qui évacuait le corps, et là vers la fin de ce propos j'en arrive à dire que le savoir c'est ce qui évacue la vérité. Donc ça invite forcément à rapprocher ce terme du corps et ce terme de la vérité. Ils ont un rapport étroit corps-vérité. La vérité on ne va pas dire que c'est le corps, ce serait trop dire mais c'est du côté du corps qu'elle va trouver lieu comme la parole. La parole c'est de l'ordre du corps la parole c'est toujours un corps qui parle sinon ce n'est pas de la parole ce sont des énoncés. C'est pas de l'énonciation, ce sont des énoncés. Encore une fois la difficulté pour le sujet contemporain c'est qu'on lui demande des énoncés le reste on s'en fou. Et ce qui signale le sujet, un sujet parlant, c'est justement que quelque soit la somme, l'accumulation des énoncés que l'on peut amasser sur son dos eh bien s'il n'est pas complètement mort, il trouvera à y redire quelque chose, il objectera. Tout à l'heure dans le petit schéma que je vous montrai, simple, trop simple mais dans ce petit schéma du lapsus, le x qui surgit là alors que l'on attendait autre chose, il surgit ce x souvent incongru, souvent obscène, c'est là qu'est le sujet même s'il en est complètement interloqué lui-même, il va être sidéré. Il va dire non ce n'est pas possible j'ai pas dit une horreur pareil - si c'est toi qui l'a dit, c'est de toi qu'il s'agit, c'est comme le rêve que tu as fait cette nuit. Il s'agit de toi tu ne peux pas dire ah non c'est pas moi, c'est juste un rêve mais oui mais, le seul x c'est que le rêve c'est toi, c'est de toi qu'il s'agit. Voyez, remarquez quand même, et cela pour terminer mon propos comment nous sommes attachés à la jouissance du savoir. Parce que là, alors je peux vous dire tout ce que je vous ai raconté il n'empêche que quand on se souvient d'un rêve, si grand analyste soit-on si analysé soit-on , si averti soit-on, quand vous faites un rêve qu'est ce que vous faites le matin? Vous n'avez rien de plus pressé que d'oublier votre rêve. C'est quand même assez rare de faire l'effort, parce que ça coûte, d'écrire ce rêve pour ne pas l'oublier. Qui prend ce temps là dans sa journée ? La plupart du temps on l'efface, c'est à dire qu'on laisse ce savoir à sa consistance, on n'entame pas la jouissance du savoir et en ce qui concerne nos patients, quand ils font bien leur boulot de patient eh bien ils essaient d'interroger un peu cette coupure dans le savoir, qui est le lapsus, le symptôme, les bégaiements de la parole quand l'analysant essaie de faire son travail, mais vous avez aussi des analysants vous avez connu ça, vous avez des analysants qui veulent mordicus résister à la jouissance du savoir, Ils peuvent vous apporter des rêves et des rêves et jouir du savoir mais à fond la caisse et à ce moment là en tant qu'analyste vous essayez d'introduire un peu de coupure là dedans. D'interrompre par exemple, vous venez de m'arrêter mais je n'avais pas fini mon rêve, oui bien sûr on va pas passer, on va pas se mortifier pour attendre la fin de votre rêve, de vos rêves, il faut se réveiller un peu, Vous voyez que ce savoir, que ce poids de langage ne soit pas un savoir mort qui vous jouit sans cesse ,on va tâcher d'objecter un petit peu à ça. Les séances courtes de Lacan moi je l'entends comme ça, c'était une objection à la jouissance du savoir et une objection fort pertinente me semble-t-il ? Pour finir tout à fait je voudrais juste vous faire cette remarque que si tout ce que j'ai dit là n'est pas complètement à côté de la question, il apparaît que la jouissance du savoir c'est assez proche de ce que Freud a appelé la pulsion de mort. C'est à dire que c'est une façon dont la pulsion de mort marque son effet , ses effets et la façon dont elle fait que ça roule tout seul vers l'inertie fondamentale, c'est à dire la mort si on n'y veille pas, si on ne fait pas un effort pour être vivant. Pour l'ouvrir, c'est à dire qu'on ouvre sa bouche, qu'on dit quelque chose. C'est pas facile, ça pourrait être un autre sujet une autre conférence je vous en fait grâce il faudrait se demander pourquoi le savoir a cette tendance et la jouissance du savoir pourquoi elle a cette tendance si lourde si terrible à se reproduire, pourquoi c'est difficile d'être vivant, ça s'appelle le désir d'ailleurs. C'est pas tout le monde qui manifeste tant que ça du désir, c'est difficile parce que la jouissance du savoir c'est assez terrible, ça se reforme tout de suite après qu'on a pu essayer d'y objecter en lisant ou relisant quelque chose.
Merci pour votre attention et continuons à échanger sous la forme d'échange et de questions si vous en avez.
Emmanuel Garnier : Je vais commencer avec le problème des clés, l'IA va tout de suite me dire si j'ai des clés et un téléphone, elle me dira les clés sont chez moi de l'autre côté de la porte. Cela ne va pas beaucoup m'avancer cela me donnera cette réponse par contre si je lui demande puisque je peux converser avec mon téléphone et l'IA j'aurai une réponse caverneuse mais j'aurai une réponse. Pourquoi j'ai oublié là je ne serai pas satisfait de la réponse
Stéphane Thibierge : c'est pas tout à fait ça la question que j'aurai posé c'est pas où sont les clés, c'est où suis je ? Je suis dedans, je suis dehors , je suis chez moi ? Je suis où ?
Emmanuel Garnier : ça j'avais compris, mais ce que je dis aussi c'est qu'elle va me donner certainement les coordonnées du serrurier mais ça, ça va pas me convenir ? Elle est programmée pour vendre en revanche elle ne pourra jamais me dire, est ce que vous pouvez me donner un conseil pour que cela ne se reproduise pas c'est à dire pourquoi j'ai oublié ? Elle ne saura pas.
Stéphane Thibierge: non je ne pense pas qu'elle saura.
Anne De Fouquet : tu peux avoir plusieurs réponses à où suis-je ? Physiquement il est pas possible d'être à plusieurs endroits et en tant qu'être divisé tu es assurément dans plusieurs endroits , il n'y a pas de réponse.
Stéphane Thibierge : c'est équivoque
Anne De Fouquet : exactement, multiple et équivoque
Nicole Harly-Bergeon : est ce que l'IA peut être multiple et équivoque, elle peut donner une réponse multiple ou équivoque ?
Stéphane Thibierge : non elle ne peut pas c'est pour cela que l'IA c'est un faux problème enfin nous autres les animaux parlant nous sommes tellement angoissés parfois de ce trou de cette faille que représente la parole pour nous, que nous sommes enclin à nous précipiter vers n'importe quelle croyance qu'il y a quelqu'un dans l'autre comme on dirait. Il y a beaucoup de gens qui sont prêts à croire que l'IA c'est quelqu'un dans l'Autre. Il pose des question à ChatGPT et puis il lui parle comme si c'était quelqu'un. Quand on y réfléchit deux minutes c'est pas si intimidant que ça, l'IA ce sont des énoncés qui sont accumulés, il y en a sur des kilomètres des refroidisseurs de ces machines pour conserver toutes ses données, quelque part dans le monde ça consomme une énergie formidable, mais ce sont des énoncés qui sont accumulés de façon énorme. Alors évidemment ça a réponse à presque tout, mais cela ne reproduira pas jamais une énonciation. Ça ne va jamais vous dire « ben,dis donc aujourd'hui tu étais drôlement bon », sauf si c'est programmé pour dire ça.
Nicole Harly-Bergeon : ça viendra...Ce serait un énoncé supplémentaire qui ce sera accumulé.
Stéphane Thibierge : et un énoncé supplémentaire ne fait jamais une énonciation.
Emmanuel Garnier : en tant que scientifique c'est clair que je ne peux pas me prononcer sur ce que je ne sais pas. La seule chose qui me tente en tant que scientifique c'est justement de m'approcher de ce que je ne sais pas, qu'on trouve une réponse à une nouvelle question, mais avant on savait pas du tout quoi, pourtant l'IA repose sur tout un tas de choses qu'elle n'a pas apprise , c'est un accumulation...jamais elle ne pourra répondre à une question,
Stéphane Thibierge : mais non jamais c'est vous pouvez par exemple imaginer que une machine ait pu enregistrer tout ce que vous avez pu dire depuis les premiers borborygmes que vous avez émis jusqu'à votre dernière phrase là, celle que vous venez de prononcer. on peut imaginer une machine qui aurait pu transcrire tous ce que vous avez dit jusqu'à maintenant ! Est-ce qu'elle peut en déduire votre prochaine énonciation ? Il est clair que non, c'est impossible. Cette simple petite différence entre l'énoncé et l'énonciation évoque une logique, une topologie, parce que ce n'est pas simplement une affaire qui se joue en deux dimensions dans l'espace ...ça évoque une topologie qui n'est pas refermable avec des énoncés. C'est plutôt sympathique comme nouvelle. Mais vous voyez que cette difficulté de notre rapport à la vérité et au savoir c'est ce qui cause aussi notre angoisse c'est pour ça que sans doute aujourd'hui il y a une recrudescence de demande adressée à la religion parce que ça calme l'angoisse, ça donne effectivement une consistance, un semblant de consistance au savoir. Mais nous en tant qu'analyste on ne peut pas s'en contenter en principe.
Jean-Jacques Lepitre : je m'interrogeais sur l'impossibilité de l'IA à prévoir la prochaine phrase que tu vas dire ...l'IA fonctionne avec beaucoup de statistique et donc beaucoup de probabilité donc la machine va donc peut être bien dire à 99 % la phrase que tu allais dire . Ce qui la rend un peu bête cette machine c'est qu'elle ne peut pas effectivement savoir ce domaine de l'émergence du lapsus, c'est à dire ce qui vient casser finalement le raisonnement qu'il soit logique ou statistique ça voilà...là il y a une butée effectivement avec les meilleures probabilités du monde elle ne pourra pas prévoir l'imprévisible. C'est l'exemple de ce que je donnais dans le séminaire il y a 4 ans dans le séminaire « encore » où j'interrogeais le ChatGPT où j'interrogeais encore au balbutiement la question comment est-ce qu'on peut résumer la conclusion du séminaire «encore » de Jacques Lacan et cela m'avait sorti à propos de textes glanés, sur internet des extraits de texte de Lacan, un texte assez cohérent qu'on aurait pu éventuellement pensé écrit par quelqu'un qui s'y connaît un peu. Seulement dans ce texte il était évoqué le champ de la parole et du langage à la suite de remarque sur l'introduction par Lacan de l'importance du symbolique et dans le rapport aussi entre homme et femme, le non rapport sexuel et puis etc mais comme il était question de langage, le champ de la parole et du langage ChatGPT au lieu de marquer champ avait écrit Chant donc ChatGPT était capable de faire un lapsus ?
Stéphane Thibierge : non ce n'était pas un lapsus, c'est une erreur.
Jean-Jacques Lepitre : non ce n'est pas une erreur, non je ne sais pas je ne m'y connais pas assez encore, ou plus assez en informatique je suppose que ces bases de données qui constituent effectivement le savoir, les réponses de ChatGPT ou IA combine de façon assez intelligente, respectant les structures de la syntaxe et les langues dans lequel elle s'exprime, combine un certains nombres de données mais je suppose qu'il y a un autre programme qui vient vérifier la cohérence du premier programme et que relisant qu'il s'agissait du champ de la parole et langage, alors le champ des agriculteurs ça ne collait pas du tout ou le champ scientifique, alors ça a corrigé comme ça. Ce qui est alors aussi inquiétant, ces logiques superposées comme ça qui sont sans interroger la dimension de la vérité et bien ça risque de faire un certain couac si c'est appliqué dans certains domaines d'où la nécessité de la vérification humaine, si ça fait un lapsus pour ça, ça peut faire un lapsus au cours d'une opération chirurgicale ou d'opération militaire avec des frappes coordonnées à corriger un petit peu.. Voilà un exemple de jeu des statistiques et des probabilités.
Stéphane Thibierge : oui sûrement.
Anne De Fouquet : et là il y a une logique de contiguïté chant-parole-langage, la logique c'est celle des données, ça fait partie de la même famille. Alors effectivement ça prouve que l'inventivité n'est pas possible tu ne peux pas sortir de la contiguïté, tu peux pas inventer , apporter autre chose, c'est à dire que la poésie et la métaphore là c'est pas possible. Ensuite je ne sais pas si on pourra un jour en rentrant plein de données par exemple de métaphore faire en sorte qu'un jour l'IA dans la programmation puisse aller chercher une métaphore, c'est une question très intéressante de la contiguïté ?.
Elle ne peut donner que ce qu'elle a déjà eu d'autant plus qu'il y a des machines maintenant qui apprennent et prennent les données pour alimenter la création artistique
Jean-Jacques Lepitre : la question dans tout ça de l'IA elle est à la solde des programmateurs si jamais un jour il y a une métaphore programmée, le résultat d'un programme ou elle sera le produit de la machine ?
Emmanuel Garnier : L'IA aujourd'hui est mise au service principalement d'une seule chose c'est vendre, elle est faite par des multinationales pour vendre , ce retour là je l'ai de la part de scientifiques qui ont fui ça ils ont dit qu'ils n'avaient pas travailler pour créer IA pour vendre. Ils témoignent que c'est fait pour vendre, les autres gagnent de l'argent avec.
Salle virtuelle
Alain Harly : j'aurai une question : quelle différence tu ferais ou pas entre savoir et connaissance ?
Stéphane Thibierge : entre savoir et connaissance...Il y a une différence assez classique que Melman reprend d'ailleurs quelque part, Lacan aussi, un savoir tu n'y es pour rien de toi comme sujet c'est à dire que tu peux t'exprimer au nom d'un savoir, le savoir de ton corps, il y a des gens qui s'expriment comme ça c'est comme ça, parce que je le sens comme ça , la c'est un savoir qui peut être pris comme pilotage de toute mon action. Une connaissance si on se situe dans la tradition qui est la notre, philosophique scientifique c'est un savoir qui a été interrogé dans sa pertinence. Par exemple pour nous psychanalyste il y a des connaissances psychanalytiques qui sont assez proches de ce j'appelais l'expérience de l'inconscient c'est pas des connaissances livresques bien qu'elles puissent être écrites et communiquées, on y tend en tout cas. Mais là on a faire à des connaissances, habituellement la science se définit par un ensemble de connaissances et la psychanalyse pas moins, on a des connaissances psychanalytiques. Je dirai ça comme ça.
AH : alors en quoi cette connaissance du psychanalyste elle s'appuie justement sur ce savoir faire avec l'inconscient quelque chose se déposait d'une certaine manière et s'est élaboré à partir de cette pratique.
Stéphane Thibierge : tu poses là une très bonne question, une question difficile puisque c'était la question que Lacan avait voulu poser et qu'il espérait pouvoir résoudre avec ce qu'il a appelé la passe, parce qu'il espérait vraiment que l'expérience de la passe c'est à dire de demander à quelqu'un qui est en train de terminer son analyse ce qu'il a pu inscrire de cette expérience psychanalytique la sienne, de son analyse, demander à ce que quelqu'un vienne faire état de cette connaissance devant un certain nombre de personnes pouvant l'entendre. Cette expérience a échoué de son propre aveu de Lacan. Alors on rentre dans une autre question qui est intéressante je trouve tu nous y introduis c'est la question de l'objet « a » c'est à dire ce qui cause notre désir et notre parole ce qui nous divise c'est l'objet qui fait notre désir notre division notre tourment . De cet objet « a » pouvons-nous produire un savoir faire ? Qui serait transmissible. Il y a là un os quoi.
Nicole Harly-Bregeon : la psychanalyse ne serait pas transmissible
Stéphane Thibierge : il y a là un os, c'est comme ça que Lacan a pu dire que chaque psychanalyste devait réinventer la psychanalyse Il y a là quelque chose qui ne se transmet pas qui n'est pas accumulable en terme de connaissances c'est un drôle de truc quand même mais ça montre bien que la psychanalyse est dans une démarche d'esprit scientifique parce que là où ça achoppe où ça fait difficulté elle le reconnaît, elle le dit, elle en fait état. Elle prétend pas qu'elle peut tout résoudre, là il y a un truc qui coince et ça fait difficulté pour notamment pour les associations de psychanalystes on pourrait penser qu'une association de psychanalystes c'est une association dans laquelle tous ses membres ont été jusqu'au bout de leur psychanalyse c'est à dire ont à peu près réglé leur relation à cet objet « a » mais si c'était le cas comment ils se comporteraient les uns avec les autres ce serait très intéressant à observer mais manifestement ils ne se comportent pas de façon très différente de la façon dont cela se passe dans les autres associations, donc il y a un problème là. C'est un vrai problème.
Anne de Fouquet : c'est à dire qu'il ne faut pas confondre le savoir et la maîtrise même si on a un savoir on reste des humains dirigés par l'inconscient et par l'objet a
Stéphane Thibierge : on peut attendre d'un analyste qu'il ne soit pas simplement dirigé par l'inconscient, il l'est mais pas seulement.
Anne De Fouquet : enfin on est pas dans la maîtrise je veux dire par là que quand il y a des personnes disent les analystes c'est comme partout ailleurs, oui évidement on est pas en dehors de notre humanité
S Thibierge : on n'est pas dans la maîtrise cela ne veut pas dire qu'on est pas averti quand même
Anne De Fouquet : ah averti mais qu'est ce qu'on en fait de l'avertissement ?
S Thibierge : ah, ça c'est notre responsabilité
Anne De Fouquet : c'est notre responsabilité de chacun, il n'y a pas de garantie
Stéphane Thibierge : c'est clair, il n'y a pas de garantie
inconnu : ..passion du savoir associé aux pulsions de mort...peut-on associer la jouissance du savoir à la passion de l'ignorance ?
Stéphane Thibierge : tout à fait complètement la passion de l'ignorance c'est la jouissance du savoir, et elle est terrible quelque fois c'est l'exemple que je donnais de ces analysants, il y en a parfois qui ne peuvent pas décoller de la jouissance de leur inconscient, on a beaucoup de mal à diviser par rapport à ça. Qu'est ce que vous en dites, qu'est ce que vous en pensez vous ? C'est une très bonne question
inconnu : j'ignore suffisamment pour essayer d'en savoir un petit peu plus, est-ce que la notion de savoir est quelque chose de constructeur à un moment donné et l'ignorance à quelque chose qui s'enquiste.
katia Mesmin : entre la jouissance du savoir et le plaisir du savoir et la question du savoir, la curiosité du savoir, dans le savoir on peut aussi entendre le savoir ?
Stéphane Thibierge : Cette question elle est très bien venue votre question et pose la question de la différence entre jouir, on entend ouir être pris par quelque chose de la voix ou de l'oreille, la différence entre jouir du savoir et essayer de lire le savoir, quand vous lisez un roman par exemple, prenez un roman d'un de nos grands romanciers c'est toujours intéressant de lire un roman de Balzac, pourtant pour entendre de deux manières on peut jouir de l'histoire qui est racontée, c'est prenant c'est captivant et on peut aussi le lire le déchiffrer cette histoire qu'est-ce qu'elle raconte, qu'est-ce qu'il s'y fait entendre je vais vous prendre un exemple Le lys dans la vallée,
Alain Harly :qui a été écrit pas loin d'ici à Saché à côté de Tours on peut visiter la chambre ou Balzac écrivait,
Stéphane Thibierge :« Le lys dans la vallée » c'est un truc à dormir debout, une histoire d'un dame qui est aimé à la folie par un monsieur à qui elle se refuse tout le temps c'est quoi ce truc ? Mais quand on est un peu attentif à ce qui se passe on peut y entendre beaucoup d'autres choses que la seule histoire qui est racontée. Déjà on remarque ce qui n'est pas indifférent que la dame se nomme madame de Mortsauf, dedans il y a mort et sauf c'est tout un programme ça évoque la mort et d'être à l'abri de la mort, ça évoque la castration pour nous on peut dire ça comme ça. Donc déjà ça résonne un peu autrement, c'est quoi cette dame qui serait un peu préservée de la castration et là l'histoire de Balzac prend un tout autre tonalité je dirai rien du lys beaucoup de chose ça rime avec délice. Si vous vous demandez comment lire un roman de Balzac, le lire le déchiffrer comme un rêve et bien vous allez pas du tout obtenir le même résultat que si vous le lisez en étant attentif à l'histoire et là vous allez peut-être saisir mieux, pourquoi on considère à juste titre que Balzac est un très grand romancier un très grand artiste parce qu'il a su dire en racontant des histoires des choses qui sont à lire et qui sont assez exceptionnel. Lacan d'ailleurs dans un de ses séminaires évoque « l'envers de l'histoire contemporaine » de Balzac et qui est une histoire très contemporaine actuelle je vous le recommande aussi. Donc voilà pour tenter de répondre à votre question.
Alain Harly : il y a une chose assez intéressante à Saché au château où Balzac a écrit ce roman on trouve au premier ou deuxième sa petite chambrette avec sa cafetière dans un coin et à un autre niveau il y a les épreuves que l'imprimeur lui renvoyait des épreuves qu'il les corrigeait dans la marge mais alors il y avait tellement de corrections dans la marge qu'il était obligé de le renvoyer à l'imprimeur pour qu'il en refasse une mouture et ça faisait comme cela un certain nombre d'aller retour qui faisait que c'était l'enfer pour l'imprimeur, c'est à dire que cette écriture qu'on apprécie ça oublie on oublie tout ce travail de l'écrivain qui est quand même quelque chose. Maintenant avec les ordinateurs on peut le mettre de côté, corriger, on le réinjecte. alors que là tout est là je vous le conseille, à côté de Tours
Stéphane Thibierge : je vous le conseille aussi c'est un endroit très intéressant et émouvant à visiter parce que vous avez le paysage dont le lys dans la vallée est une sorte d'interprétation c'est tout à fait étonnant.
Robin Martin : est-ce qu'on peut parler d'énonciation, est-ce qu'on est dans un contexte d'énonciation dans le contexte de la littérature on n'est pas sur de l'énoncé là. Stéphane Thibierge : tout à fait, vous avez raison. On est complètement dans l'énonciation d'autant plus qu'on est moins dans la seule dimension de l'histoire ou du roman. Je veux dire par là que vous avez, dans les gares ce qu'on appelle à juste titre un roman de gare, c'est un pavé qui nous amène une histoire qui est prête à jouir pour nous à fond, on est prêt à lire d'un trait mais elle n'est pas tellement à déchiffrer. Sans doute il y a à déchiffrer parce qu'on ne peut pas éliminer complètement cette dimension de la lecture mais c'est ça qui fait la différence peut-être entre un grand artiste chez les écrivains et un écrivain médiocre. L'écrivain qui n'est pas un artiste va produire des énoncés.
Robin Martin : il va amener des énoncés, des métaphores qui sont figées dans le langage courant.
Stéphane Thibierge : des métaphores qui sont figées et qui sont assurées de produire un effet.
Robin Martin : ...je sais qu'aux E.U. dans l'écriture des séries il y a des gens qui ce sont intéressés à la littérature et qui en ont extrait des personnages stéréotypés comme ça il tisse des péripéties clés qui peuvent structurer une narration ou un histoire et qui produise un effet. Et il y a même des gens qui se vante de produire d'après ses personnages stéréotypes
Stéphane Thibierge : oui vous avez raison, les séries sont souvent écrites à partir d'une connaissance très précise du ressort des récits très énonciatifs et très jouissifs en fait les récits qui nous font plus jouir sont les récits qui viennent épouser notre fantasme et ce n'est pas du tout la même chose que les ouvres d'art qu'il nous faut un peu déchiffrer et qui nous bouge un peu par rapport à notre fantasme. C'est sûr qu'une carte postale par exemple au sens ordinaire du terme c'est la plus grande platitude que l'on puisse imaginer c'est à dire qu'il ne reste plus rien d'énonciatif c'est un cadre.
Robin Martin : un auteur selon ce qu'il a voulu écrire ne va pas dépasser ce qu'il a voulu dire aussi dans la manière dont il parle.
Stéphane Thibierge : Mais complètement un grand artiste c'est quelqu'un qui ne sait pas complètement ce qu'il dit, comme nous tous mais l'artiste est plus avertit il pousse les choses à un degré beaucoup plus avancée, c'est les ratures dont parlait Alain Harly à propos de Balzac, il fait des ratures.
Robin Martin : ce sont des gens qui cherchent
Stéphane Thibierge :ils cherchent et ils trouvent c'est ça qui est intéressant.