Inhibition symptôme et angoisse
Essai d’une approche topologique
Sommaire:
1°) Intro
Est-ce que le Nbo peut nous aider à situer ISA dans la subjectivité
humaine ?
2°) Délire et rêverie d’un jeune archéologue
La Gradiva de Jensen
3°) L’archéologie freudienne
L’interprétation de Freud
ISA chez Freud
4°) La matrice de Lacan
Une relecture
Un enrichissement
Une perspective
5°) Quelques rappels sur le nouage borroméen
La proposition de Lacan d’un nouage RSI
Existence, consistance, et trou
6°) Une reprise nodale
Angoisse, Symptôme, Inhibition : des sous-ensembles flous
7°) Conclusion
Solidarité et différence
1°) Introduction
Je dirai que la recherche de Lacan d’une formalisation, ce n’est pas un
modèle, mais une manière de penser qui serait homogène à la logique de
l’inconscient.
Il a toujours pris appui sur la logique, les mathématiques et la
topologie en particulier d’une manière de plus en plus explicite. Son
usage de la théorie des nœuds est datable à partir du séminaire «
encore », et dans les séminaires suivants cela va prendre une place
essentielle.
Cela a pu en rebuter certaines et certains . Il y a une formule de
Lacan qui est parlante à ce propos , en tout cas elle me parle, c’est
que la topologie telle qu’il s’en sert est « un exorcisme ». S’agit-il
d’expulser un diabolus quelconque ?
Ce que j’y entends , c’est qu’il s’agirait de se défaire d’un «
enmoisement », soit de sortir d’une aperception de la subjectivité
réglée sur le moi, en tant que le moi est l’instance qui nous donne une
consistance, une personnalité, une allure ; et que d’une manière
certaine , on y tient.
Or l’ hypothèse de l’inconscient, la prise en compte de ses effets nous
conduit à défaire le moi de son règne, et que si nous voulons avoir une
idée de la logique qui prévaut dans l’inconscient, il y a lieu
d’interroger -et certainement pas de supprimer – comment les
coordonnées de l’imaginaire viennent masquer cette logique. Ce qui
affecte nos existences avec autant d’insistance, sans doute avec des
degrés et des intensités différentes, soit justement l’inhibition , le
symptôme, l’angoisse, n’est ce pas ce qui vient faire vaciller cette
consistance du moi ?
Cela est certainement le plus sensible avec l’ affect d’angoisse. Et
comme chacun le sait il y a des stratégies différentes pour en réduire
autant que faire se peut la douleur : cela va être un symptôme comme la
phobie ou l’obsession pour certains, cela va être l’inhibition pour
d’autres ou encore la plainte hystérique. Ou encore la fuite dans le
passage à l’acte, ou bien l’enfermement destructeur dans une
toxicomanie.
Lacan va nous proposer des outils, ou précisément de quoi faire une
lecture de ces différentes stratégies ; il s’est imposé à lui assez tôt
d’avoir recours à la topologie des surfaces, puis à celle des nœuds. Ce
fut sa manière de tenter d’arracher un savoir à l’opacité du réel. A
nous de voir si cela peut nous permettre une manœuvre semblable.
Pour présenter ces problématiques de l’inhibition , du symptôme et de
l’ angoisse, il m’est revenu en mémoire une nouvelle de Wilhelm Jensen
intitulé « Gradiva, fantaisie pompéienne ». Je vais la résumer s’il y
avait parmi vous des personnes qui ne l’auraient pas lue , mais il sera
bien préférable de vous saisir de cette aimable fiction dans son texte
et aussi dans la présentation et les commentaires qu’en fait Freud.
2°) Délire et rêverie d’un jeune archéologue
Fig. n° 1 : le bas-relief qui inspira W. Jensen
Wilhelm Jensen est un écrivain allemand de la fin du 19 -ème, mort en
1911 dont la lecture avait été vivement conseillée à Freud par Carl
Gustav Jung, dans les années 1905-1906, c’était au temps où leur
relation était heureuse et stimulante. Dans l’analyse qu’il en fait on
entend l’enthousiasme de l’inventeur de la science des rêves et le
découvreur de la sexualité infantile. L’analogie avec le travail de l’
archéologue est toute proche.
Résumons cette nouvelle. Elle nous raconte une histoire, une fiction,
tout à fait saisissante d’un jeune archéologue allemand Norbert Harold
qui avait été frappé par un bas-relief qu’il avait vu dans un musée à
Rome. De retour en Allemagne, il en trouve un excellent moulage qu’il
accroche dans son cabinet de travail.
Ce bas-relief représente une vierge romaine vêtue d’une élégante robe
plissée. Ce personnage marche , le pied droit est en avant et le gauche
en arrière touche à peine le sol. La plante du pied est verticale, ce
qui donne à la marche une aisance et une sureté. Norbert Harold est
sous le charme.
C’est lui qui va la nommer de son propre chef Gradiva, (c’est donc lui
l’instance nommante), ce qui veut dire « celle qui avance », et il va
développer, bien loin d’une méthode rigoureuse, toute une imagination à
partir de cette représentation : elle est grecque, elle est issue d’une
famille noble, on la reconnait immédiatement comme étant la fille de …,
elle a une bonne éducation. On voit donc comment Norbert développe tous
les traits d’une idéalisation amoureuse. Et il est tout spécialement
saisi par un trait particulier de cette sculpture, soit cette position
verticale du pied suspendu.
Une curieuse question s’impose à lui : est-ce que Gradiva est conforme
à la vie ? Il pose en quelque sorte la question de l’ existence du
féminin puisque dans sa vie il était entièrement absorbé par son
métier, et le féminin n’existait que sous les espèces du bronze ou du
marbre. Mais là avec le charme que dégage cette œuvre, et avec ce trait
singulier, il est littéralement interpelé au plus profond de son être.
Quelques temps après il fait un cauchemar : Il se retrouve à Pompéi
lors de l’éruption du Vésuve le 24 aout 79. Tous les habitants
cherchent à fuir et pourtant lui-même n’est pas incommodé par les
cendres, les lapilli, ces pierres de lave éjectées par le volcan, et la
fumée de soufre.
C’est là qu’il voit s’avancer avec une démarche souple une jeune femme
qui a l’air de ne pas se rendre compte de la catastrophe. Il reconnait
qu’il s’agit de Gradiva. Le rêveur pousse un cri , la jeune femme se
retourne vers lui, mais elle poursuit tranquillement sa marche. Puis
son visage se décolore pour prendre l’aspect du marbre. Elle se
retrouve bientôt couchée et recouverte de cendre.
A son réveil il reste encore un moment pris dans les images du rêve ,
mais il peut bientôt admettre qu’il n’était pas à Pompéi, et qu’il
n’avait pas été témoin de la catastrophe. Par contre il retire de ce
rêve une conviction (sur un mode assez peu scientifique) : Gradiva
avait vécue à Pompéi, et elle y avait été ensevelie en l’an 79.
Mal réveillé il se tient à la fenêtre pour respirer l’air frais,
aperçoit un canari en cage dans un appartement proche ; et dans la rue
, il voit soudain une jeune femme à la démarche souple et au pied
arrière gauche vertical. Il se précipite en robe de chambre dans la rue
à la recherche de cette jeune femme ; ce qui ne manque pas d’attirer
les moqueries des passants. Il abandonne. Il reste convaincu qu’il a
aperçu la Gradiva.
Norbert était dans sa vie dégagé de tout souci matériel, un héritage
confortable lui permettait toutes les libertés. Il avait été élevé dans
une stricte tradition familiale et son destin était fixé : il devait
poursuivre l’œuvre de son père lui-même archéologue. Et jusqu’ici il
s’était tenu strictement sur cette voie, il obéissait à cette
injonction. En conséquence pour lui le marbre et le bronze étaient ce
qui étaient vraiment vivants, et c’était là la raison d’être de son
existence. Les jeunes femmes de son âge n’avaient pour lui aucun
intérêt.
L’archéologie était donc ce qui venait parfaitement s’accorder à sa
personnalité. C’était tout lui . Cependant le spectacle du canari dans
sa cage lui fit violement ressentir son propre enfermement, et son
propre manque. Aussitôt, dans la plus grande précipitation, il décide
de partir, de partir en voyage pour l’Italie avec un motif mal défini,
les raisons de recherches scientifiques n’étant pas aussi claires que
cela.
Pendant le voyage, il est continuellement entouré de couples en voyage
de noce, (ce qui était de la meilleure mode à l’époque) et tous ces
roucoulements lui sont insupportables. Il ressent une véritable
exécration devant le spectacle de cette sensualité, et de même quant à
l’idée de l’accouplement. Il lui parait incompréhensible qu’on puisse
envisager la copulation. Que la seule beauté qui puisse pour lui être
digne d’une passion était celle des œuvres antiques.
Il va chercher à fuir cet épouvantable voisinage, quitter les grandes
villes et ses musées occupées par ces nuées de tourtereaux, se diriger
plus vers le sud et bientôt, dépassant Naples, il se retrouve à Pompéi.
Mais là aussi Il y a bien des touristes, et des guides, et des
jacasseries insupportables. Il se demande un instant s’il ne ferait pas
mieux de rentrer et de retrouver le calme de son cabinet de travail.
Cependant , avec bien des ruses , il arrive à s’isoler et dans le
silence et la lumière de ces ruines, il pouvait se laisser aller à
l’imagination d’une cité en pleine activité. La moindre trace était
pour lui le signe de la vie, et surtout les grafitto dont il était un
spécialiste.
Et pourtant il tombe sur un graffiti, un simple mot : « canpo » qu’il
n’arrive pas à saisir , ce qui le jette dans un profond trouble., c’est
toute sa connaissance de la langue qui lui échappe. Il prend la mesure
de la limite de la connaissance et que c’est seulement avec l’âme, avec
l’imagination, avec la sensibilité qu’on peut atteindre une
compréhension et qu’alors Pompéi peut revivre et les morts se
réveiller.
C’est alors qu’il lui semble apercevoir une silhouette sortant de la
maison dite de Castor et Pollux et qu’il reconnait sans aucun doute la
démarche légère de Gradiva. « Quoique les rayons du soleil entourent sa
forme d’une sorte de voile d’or ». Norbert H en est illuminé et il
saisit la raison de ce voyage décidé d’une manière si impulsive : il
s’agissait de retrouver la trace de Gradiva. Faut-il seulement entendre
la trace au sens littéral de l’empreinte laissée dans la cendre de
Pompéi par la pression des orteils ?
Entre la figure du rêve, les développements de son imagination, et la
réalité de cette apparition , faut-il faire des distinctions ou pas ?
Norbert H reste cloué sur place, il est sidéré, immobile. En d’autres
termes il est saisi à cet instant d’inhibition. Mais ce qui s’impose à
lui, c’est que Gradiva était bien là, ressuscitée. Pourtant la
silhouette disparait .
Norbert H poursuit sa visite dans un état second, il est comme pris
dans « un rêve léger et aimable », puis la figure féminine assise sur
des marches lui apparait à nouveau . Il a un sentiment double : il la
reconnait sans aucun doute possible et en même temps il s’agit d’une
étrangère.
Il est alors pris par des manifestations physiques violentes, sa
respiration s’étrangle, ses battements cardiaques s’affolent. Il a la
conviction d’avoir devant lui l’objet de sa quête, Gradiva est là ,
vivante, vers midi, midi c’est l’heure des fantômes dans la culture
romaine.
Norbert H cherche à engager le dialogue avec elle, en grecque, sans
succès, puis en latin de même. La jeune femme l’invite alors à parler
tout simplement en allemand , ce qui aurait pu lui paraitre étrange
pour une jeune pompéienne morte il y a 2000 ans ! mais Norbert H n’est
pas interpelé par le propos, mais par la voix, sa voix : il connaissait
cette voix, signe peut être d’une familiarité à travers le temps ? cela
lui fait signe , de même qu’un papillon qui vient se poser sur ses
cheveux : il y identifie par le truchement du nom, Cléopatra, du
signifiant de ce papillon, la jeune épouse de Méléagre, le poète
grecque qui habitait, (peut- être ? ) cette demeure, en tout cas, il en
est convaincu. Il demande à la jeune femme si elle reviendra le
lendemain vers midi. Elle ne répond pas.
Dans l’après-midi , Norbert H marche sans but dans les environs, boit
du vin et retrouve sa chambre. Il a la tête lourde. Il tempête
violement contre les mouches ; il estime que c’est un fléau qui afflige
l’humanité depuis des millénaires.
Le lendemain , il entre dans la cité antique par une ouverture illicite
pour éviter les gardiens ; il trouve une hampe d’asphodèle et la
cueille ; c’est une fleur reconnue dans l’antiquité comme poussant dans
les mondes souterrains. Norbert H a la conviction que si elle a poussé
dans cet endroit, c’est tout spécialement pour lui.
En d’autres termes rien n’est fortuit dans cette affaire, qu’il n’y a
pas de hasard. Tout comme l’apparition de Gradiva qui est à la fois
morte… et vivante. S’il peut faire l’hypothèse d’être l’objet
d’hallucination, il y a aussi bien un fait indubitable c’est que cette
voix est une voix qu’il pense reconnaitre et que c’est une voix qui
s’adresse à lui. C’est une certitude.
Une deuxième rencontre a lieu vers midi. Et là un échange verbal peut
se développer. La jeune femme est moins fuyante. Norbert H peut lui
avouer que s’il la reconnait, c’est qu’elle lui était déjà apparu en
rêve, et qu’il avait spécialement repérer sa démarche. La jeune femme
de son côté peut lui dire son véritable nom qui est Zoé, ce qui veut
dire « la vie » en grecque ; Tout en lui confiant qu’elle avait pris
l’habitude d’être morte !
Ce que Norbert H n’entend pas comme une métaphore mais comme la
confirmation qu’il avait bien affaire à une présence fantomatique et
que s’il la touchait, il ne rencontrerait que le vide.
Toutes les paroles de Zoé-Gradiva ne font qu’augmenter sa perplexité
tout en lui apportant la conviction que c’est lui qui lui infuse une
force vitale. Sa toute-puissance est mise à l’épreuve quand survient la
notion que d’autres hommes auraient pu l’apercevoir. Il ressent alors
un vif sentiment de haine.
La troublante confusion entre le rêve et la réalité, entre le présent
et le passé, le conduisent vers l’idée qu’il serait préférable qu’il
soit lui-même mort et enseveli, et qu’ainsi la rencontre avec Gradiva
deviendrait plus simple. C’est la solution du passage à l’acte en
quelque sorte !
Un événement inattendu va bousculer ces pensées confuses : une autre
jeune femme passe par là et reconnait Zoé , ce sont des amies. Elle est
en voyage de noce , ce qui ne déclenche pas le dégout cette fois ci
chez Norbert H. Il lui apparait alors insensé qu’il ait pu retrouver
une jeune pompéienne ressuscitée par la puissance de son imagination et
de son désir.
Il peut entendre de la bouche de Zoé, bien vivante, un éclairage sur sa
situation : elle accompagne son père zoologiste qui fait des recherches
dans les environs ; elle lui révèle aussi qu’ils habitent la même ville
en Allemagne, qu’ils sont même voisins et même qu’ils ont été très amis
dans leur petite enfance ! Son nom complet est Zoé Bertang ; Norbert H
remarque aussitôt en fin philologue que son nom de famille a la même
signification en allemand que Gradiva : celle qui resplendit en
marchant.
Zoé lui dévoile l’incroyable toile tissée par son imagination, qu’il
était fou de croire qu’une pompéienne ensevelie il y a 2000 ans puisse
être bien vivante. Malgré cette folie, elle avoue avoir trouvé de l’
amusement à cette situation insolite, d’autant qu’elle gardait en elle
le meilleur souvenir de leur amitié d’enfance. Tout s’était défait à l’
adolescence quand il s’était enfermé dans ses études comme un canari
dans sa cage !
Malgré la sévérité de ce sermon, Norbert H se sent libéré par ce
dévoilement, et ses yeux se dessillent, il peut reconnaitre sa bonne
camarade d’enfance. Zoé ironise : « Faut-il d’abord mourir pour trouver
la vie ? » . Norbert H ne manque pas cependant d’observer de près la
démarche de Zoé qui pour se préserver de l’humidité du sol soulève sa
robe dégageant ainsi ses pieds ; la plante du pied droit se tenant
presque verticalement, la ressemblance avec Gradiva était parfaite.
Un détail pourtant qui la distinguait du bas-relief : une petite
fossette sur la joue où Norbert H croit y reconnaitre… une mouche , il
est en furie et se précipite pour se saisir, avec ses lèvres, de l’
abominable insecte, qui lui échappe bien sûr, et de poursuivre sa
chasse sur les lèvres de Zoé où il s’attarde, ce qu’elle ne contrarie
pas. Zoé pense-t-elle que son amoureux de l’enfance est enfin guéri ?
Si de son côté elle a pu s’attacher à lui c’est sans doute qu’elle a
vécu cette même place auprès de son père qui l’a considérée comme une
pièce de sa collection zoologique. Aussi elle préconise que Norbert H
attrape un beau spécimen de lézard pour l’offrir à son père et ainsi
l’échanger avec elle-même. Norbert H est sous le charme , et il
acquiesce même aux espiègleries de Zoé.
Norbert H suggère qu’il pourrait venir faire leur voyage de noce en
Italie et à Pompéi. Zoé propose d’y réfléchir plus tard car dans
l’immédiat « elle ne se sent pas encore assez pleinement vivante ! »,
histoire de faire attendre sans doute son nouvel amant. Avançant vers
la porte d’Hercule, là où les dalles de la chaussés sont posées en
travers, Norbert H demande à sa compagne de passer devant , de l’autre
côté de la rue , et il a pu alors bien regarder sa démarche souple et
tranquille. Ce à quoi Gradiva-rediviva-Zoé Bertang consentit.
3°) L’archéologie freudienne
Dans son commentaire sur cette œuvre Freud était d’abord parti de
l’idée de se pencher sur les rêves de Norbert H, mais il va développer
toute une analyse de cette nouvelle en soutenant qu’une analogie est
possible entre un personnage de fiction, né de l’imagination d’un
écrivain et de cas clinique qu’il a à connaitre.
Une autre analogie vient s’y joindre c’est celle de la position de
l’analyste et celle de l’ archéologue. Je ne vais pas reprendre ici
l’analyse de Freud. Sans doute peut-on lire cette nouvelle , cette
fiction comme celle qui décrit les impasses du désir chez le névrosé.
Le délire ici évoqué ne me semble être celui d’un psychosé.
De toute évidence Freud va être séduit par cette nouvelle et lui donne
l’occasion comme lui suggère Jung de faire valoir ses théories sur le
refoulement, et ses implications dans le symptôme ; il va répondre
volontiers à cette attente. La conception archéologique de Freud s’y
retrouve bien avec cette nouvelle.
Le refoulement d’un amour d’enfance , le symptôme que cela va
alimenter, le retour de ce refoulé, d’abord isolé sous des formes
ambivalentes , puis quand un dévoilement interprétatif en est fait, le
sujet qui va retrouver le chemin de son désir. Les fantaisies du héros
peuvent être entendues de cette manière estime-t-il alors. On retrouve
l’enthousiasme de l’inventeur de la psychanalyse et l’espoir mis dans
ses effets psychothérapiques.
Plus tard , en 1925, il reviendra sur la fascination qu’avait pu opérer
pour lui cette nouvelle ; ce n’était plus le cas . Dans la lancée de sa
Traumdeutung, il avait pu concevoir une analogie forte entre sa théorie
du refoulement et le retour du refoulé avec l’ensevelissement des
mondes antiques , la conservation des matériaux, et leur dégagement
ensuite.
Du point de vue psychanalytique, il y a du refoulement, de l’oubli , du
perdu, et la possibilité que ce qui a été rejeté , au moins pour une
part, puisse être de nouveau disponible par un travail analytique.
Il y a de l’enseveli, du recouvrement, de l’effacement, et de par le
dégagement, la spéculation, l’ archéologue fraye un accès à un passé,
en repére les fondements, et fait une lecture de toutes ces traces
d’inscription de ce qui fut.
Toutefois, cette plaisante analogie pourra plus tard lui apparaitre
comme simpliste et il écrira en 1937 que le psychisme est «
incomparablement plus compliqué que l’objet matériel de l’archéologue ».
L’objet de l’investigation analytique ne concerne pas spécialement de
rétablir une histoire oubliée mais d’apprécier comment le désir et ses
aléas viennent ordonner le destin d’un sujet. Cette nouvelle n’est pas
sans en situer les enjeux puisqu’elle pose la question de son évitement
symptomatique puis de sa satisfaction hallucinatoire.
Si le procès thérapeutique grâce à l’intelligence et au sentiment
amoureux de Zoé permet à Norbert H de passer d’une femme de pierre à
une femme bien vivante, il est remarquable qu’il lui demande dans la
scène finale de marcher de l’autre côté de la rue, afin qu’il puisse
observer sa démarche et regarder ce pied droit levée presque
verticalement ; est-ce l’indice qu’il n’a pas renoncé complétement à
Gradiva ?
Peut-être, mais ce qui me semble plutôt proposable ici c’est que ce qui
cause son désir, l’objet cause du désir est en effet toujours là , et
que ce qui change c’est qu’il demande à une femme d’en assurer le
semblant et qu’elle accepte de le soutenir dans l’imaginaire, voire qui
sait d’en éprouver une particulière jouissance. L’objet cause du désir
est là, intact , et sa quête fut d’en trouver une trace pétrifiée dans
la lave. L’angoisse surgit quand il croit reconnaitre la Gradiva,
vivante.
On peut être surpris que Freud n’accorde pas ici beaucoup de place dans
sa lecture à l’ angoisse. Il faut se souvenir qu’à cette époque le
refoulement est premier en regard de l’ angoisse, qu’elle était une
conséquence du refoulement par une transformation refoulée.
Or ce n’est qu’en 1926 avec son article Inhibition, Symptôme et
Angoisse qu’il va donner une autre place à l’ angoisse en regard du
refoulement . C’est l’angoisse qui devient cause du refoulement et non
pas l’inverse. Et d’autre part que cette angoisse qu’elle qu’en soit
son actualisation est angoisse de castration.
Le refoulement s’en trouve ainsi généré et toutes les formations de
l’inconscient sont ainsi mises en œuvre, et en particulier les
symptômes. A noter qu’il situe dans son article « l’inhibition peut
être aussi un symptôme » et que nous avons à partir de là une sorte de
tressage entre inhibition, symptôme et angoisse.
Cette disposition est bien loin de l’ « archéologisme » de sa jeunesse
et de la topologie implicite qu’elle implique . L’archéologie est un
discours qui prend ses cordonnées dans l’espace , la dimension de la
profondeur, du recouvrement y est toujours convoquée, et dans le temps
, c’est une flèche du temps qu’il s’agit de retourner pour retrouver ce
qui avait été perdu, pour retrouver l’ arché.
En somme Freud aurait pu reprendre son analyse de la Gradiva en mettant
en œuvre ces trois aspects de ce qui affecte le sujet. Mais il reste
attaché à une conception énergétique de l’ appareil psychique et il
avoue être dans un embarras certain pour les articuler. Il termine son
essai par ces mots où pointe une déception :
« Il est presque humiliant, qu’après un si long travail, nous
rencontrons toujours et encore des difficultés dans la conception des
faits fondamentaux ; mais nous nous sommes proposés de ne rien
simplifier, de ne rien dissimuler. Si nous ne pouvons voir clair, du
moins voulons-nous voir clairement les obscurités »
C’est en 1962 que Lacan reprendra cet intitulé Inhibition, symptôme et
angoisse et fera cette proposition inédite de placer ces trois notions
dans une matrice et en y ajoutant d’autres éléments ce qui donne à
l’ensemble une ampleur et un dynamisme renouvelé de la question.
4°)La matrice lacanienne
Fig n° 2 : la matrice inhibition, symptôme , angoisse
Je ne vais pas reprendre toute la démonstration de cette proposition
que Lacan construit lors de son séminaire sur l’ angoisse mais m’en
servir bêtement pour situer ce qui se passe pour le héros de cette
nouvelle , Herbert Hanold. Commençons par suivre la diagonale :
Inhibition, symptôme, angoisse. En prenant en compte les autres affects
qui les encadre.
L’inhibition chez Norbert on pourrait la reconnaitre dans son
isolement, c’est un homme qui réduit sa vie sociale au minimum
nécessaire. Il se tient en particulier dans la distance la plus stricte
vis-à- vis des jeunes femmes de son âge, excluant ainsi tout risque de
séduction. Cette position n’est pas indépendante du désir, Lacan nous
dit que l’inhibition c’est un symptôme mis au musée. Il y a un désir de
ne pas voir, de ne pas mettre en jeu le moindre regard qui l’engagerait
dans un mouvement affectif ce qui le mettrait dans le risque des enjeux
de désir, avec ce qu’il implique comme désir de l’ autre.
La solution de Norbert quant à la jouissance , c’est donc l’isolation
et l’investissement dans son travail, dans ses recherches en
archéologie. C’est là son propre mouvement vers l’objet, mais un objet
qui est neutralisé d’un point de vue sexuel, il s’agit bien de ne rien
en savoir de cette dimension-là ; cela va jusqu’à exclure toute beauté
du corps féminin et de n’être ému que par des corps de marbre ou de
bronze, de la statuaire antique de préférence. C’est avec ses objets là
qu’il peut accepter d’être saisi par l’émotion.
A se rapprocher trop de l’objet , il serait dans l’émoi soit un état où
le trouble lui ferait perdre toute consistance, moment d’effroi donc
qu’il va éviter par la fuite si possible.
Remarquons ici comment à ce niveau qui serait celui d’un écrasement sur
l’objet, c’est en même temps celui où s’introjecte pour Norbert,
l’idéal du moi. N’obéit-il pas à l’injonction surmoïque de poursuivre
l’œuvre du père lui-même archéologue , sa mission n’est elle pas d’en
amplifier le lustre ?
Nous avons donc ce mouvement vers l’objet et le risque de s’en trouver
défait. Le conflit est sensible. L’inhibition si elle prenait tout le
pouvoir réduirait le sujet à l’impuissance, sexuelle entre-autre, à
l’immobilité sociale, à l’inhibition intellectuelle.
Quand Norbert ressent un malaise à se tenir dans cette posture , et
qu’il peut éprouver du manque, quelque chose vacille dans le savoir qui
le soutenait jusqu’ici , il se sent comme pris dans un piège , enfermé
dans une cage. C’est le sentiment d’un empêchement, d’un malaise qui va
cependant mettre en mouvement vers une élaboration du symptôme. La
capture où il se trouve est narcissique, elle lui interdit tout
mouvement vers l’autre. Mais à partir du moment où un manque est
éprouvé que la stase narcissique se fissure.
Le symptôme est la modalité où le conflit se stabilise et vient faire
miroiter une toute puissance imaginaire. Pour Norbert c’est son métier,
c’est l’ archéologie qui lui assure au mieux cette solution. La pensée
scientifique, la rigueur de sa discipline, l’assurance de répondre
ainsi à l’injonction du Père, donne une belle assise à son égo et
l’assure d’un heim. Son métier est ce qui épouse au mieux son
caractère, sa personnalité.
Et pourtant il y a quelque chose qui ne va pas dans ce sens , c’est son
imagination qui est chez lui spécialement débordante, car elle vient
s’immiscer dans sa discipline qui exige justement de ne pas se laisser
aller dans des constructions imaginaires mais d’en rester à la stricte
observation des matériaux dégagés avant de pouvoir poser des hypothèses
pour reconstituer le passé.
Avec ce bas-relief antique, qui représente une jeune femme qui marche
fièrement, œuvre pas spécialement exceptionnelle pour un spécialiste ,
Norbert est très impressionné, profondément ému, jeté hors de lui-même
par cette rencontre. Un détail le fascine tout particulièrement , c’est
le pied droit de cette jeune femme qui est saisi dans une presque
verticalité. Il a la chance de pouvoir en trouver une copie qu’il va
installer dans son bureau. Et toute une spéculation imaginative va se
mettre en route : c’est une vierge d’une famille noble, qui se rend au
temple, qui est sans doute d’origine grecque et elle habite Pompéi.
Il en vient à lui donner un nom , Gradiva. Insensiblement il quitte la
prudence et la méthode scientifique pour laisser courir son imagination
et surtout y accorder créance. Il est dans la conviction de la
pertinence de ses fantaisies, en d’autres termes il délire.
S’il s’agissait d’un patient , on pourrait discuter s’il s’agit d’un
délire de type psychotique ou d’une formation imaginaire qui prend une
certaine autonomie chez un névrosé. En tout cas , il nous serait
possible de considérer que cette « imagination délirante » est ce qui
vient introduire un discord dans la position symptomatique de Norbert
ce qui ne va pas être sans conséquence.
Un rêve d’angoisse va produire chez lui un ébranlement . Dans ce rêve
il se retrouve à Pompéi juste au moment de l’éruption du Vésuve de 79,
il y aperçoit Gradiva, est saisi d’effroi de voir qu’elle ne se rend
pas compte de ce qui arrive , son cri la fait retourner, incrédule ;
elle va bientôt être ensevelie par les déjections volcaniques.
Freud va entreprendre une analyse de ce rêve dont il dégage le désir du
rêveur comme souhait érotique. Le refoulement de la motion sexuelle ne
permettant pas l’expression de ce désir, l’angoisse advient alors comme
le signe de ce danger.
Je pense qu’il n’aurait pas maintenu cette interprétation plus tard
quand il remaniera sa théorie de l’ angoisse. Ce que je voudrais
souligner ici c’est ce qui peut être considéré comme un effet de
l’ébranlement du rêve dès son réveil. Il reste encore dans les pensées
du rêve, puis regardant par la fenêtre il aperçoit dans le rue une
jeune femme dont la silhouette et la démarche lui évoque celles de la
Gradiva. Il se précipite au dehors en robe de chambre , à sa poursuite
, recherchant fébrilement parmi les femmes qui passaient celle qui
présenterait ce pied droit s’élevant presque verticalement. Il ne
manque pas de se faire remarquer par les passants, il va abandonner et
rentrer chez lui.
Nous avons là tout ce qui caractérise pour Lacan un acting-out. Son
acte ou plutôt son comportement est l’expression de son désir qui n’en
reste plus cette fois à se déployer sous des modes plus ou moins
masqués dans sa sphère privée ; voire dans l’autre scène que lui offre
son rêve, mais se déplace sur la scène publique, sur la scène du monde.
Il y reçoit une réponse de la part de l’ Autre, de la part de ces
petits autres qui circulent par-là, surtout de la part des femmes, soit
de protestation soit de séduction amusée.
A situer aussi cette autre précipitation qui est son départ pour
l’Italie pour des motifs soi-disant scientifiques , en fait pour des
raisons obscures. Nous avons là ce qu’on pourrait nommer un passage à
l’acte .
Cela apparait comme une fuite vers un ailleurs, une sorte de voyage
pathologique comme on dirait aujourd’hui, mais qui va entrainer comme
il se doit d’autres passage-à-l ’actes, d’autres comportements
irraisonnés plus moins transgressifs dont la cause échappe au sujet .
Il est agi plus qu’il n’agit, c’est un acte qui échappe à toute
articulation signifiante bien qu’il soit aspiré par un lieu Autre,
Freud en fera celui de l’objet, celui de la Gradiva. Mais ne
pourrait-on pas aussi bien, en terme lacanien, en faire le lieu de
l’Autre, celui où se retrouve les signifiants qui préexistent à son
histoire, en particulier ceux des fiertés paternelles.
Notons que ce lieu va s’avérer tout spécialement troué : c’est la
Gradiva qui disparait dans une faille, ou dans les domaines
sous-terrains, c’est la langue latine dont il est un spécialiste qu’il
n’arrive plus à lire, et c’est même ce vœux d’être lui-même enseveli
dans Pompéi, rejoignant ainsi la Gradiva de son imagination dans une
étreinte mortelle et éternelle.
Ce fantasme rejoint d’ailleurs la fiction selon laquelle on aurait
retrouvé dans les fouilles de cette cité les restes pétrifiés et
enlacés d’ un couple de jeunes gens. Il achète sans discuter une
soi-disant fibule ayant appartenue à la jeune femme de ce couple
tragique et dont il est certain qu’il s’agit de Gradiva.
Le passage à l’acte comporte toujours cette dimension de traversée du
fantasme et d’une identification mortifère à l’objet comme la clinique
de la mélancolie nous l’apprend. Comme le dit justement Freud, dans ce
genre de fuite, on ne cesse de retomber sur ce qu’on voulait fuir.
Norbert veut fuir la sexualité mais elle fait retour sous des modes
symptomatiques qui lui sont d’autant plus insupportable. Avec le
passage à l’acte le fantasme ne joue plus son rôle de mise entre
parenthèse de l’ objet qui cause le désir.
Alors qu’avec l’acting out, nous avons des petits autres qui observent
, qui témoignent que le sujet à passer les bornes, qu’il a recherché à
s’échapper des pièges de son narcissisme. D’une certaine manière le
sujet n’est pas sans attendre qu’on lui dise ce qui lui échappe, qu’on
lui fasse une interprétation.
Dans le passage à l’acte, d’une certaine manière il y a une réussite
dans cette traversée, elle se fait sans témoin. C’est avec le trou dans
l’ Autre qu’il a rendez-vous sans que la structure du fantasme vienne
en tamponner la tragique tuché. On pourrait dire qu’à ce niveau ce qui
venait jusqu’ici tenir à distance l’ objet, ce qui le maintenait dans
l’inconscient si l’on veut et dont l’ accès lui était barré , y compris
avec toutes les formations de l’inconscient comme le rêve, les phobies,
les symptômes, cette barre qui divise le sujet s’efface, se disloque.
Lacan nous suggère qu’une forme légère de l’angoisse , la barre y
faisant là encore son office, pourrait être l’affect de l’embarras. Le
sujet est aux prises avec un sentiment de perplexité, de doute, de
contradiction ; il est au comble de la difficulté ce qui peut le
conduire à d’incessantes cogitations anxieuses.
Norbert s’interroge d’une manière pathétique sur ce qui est vivant et
ce qui est mort, ce qui existe et ce qui n’existe pas, sur ce qui
distingue l’hallucination et la réalité. Quel statut si j’ose dire
donner à ce qui l’ affecte ici ? Il y a bien une vérité dans ce qu’il
éprouve et pourtant en regard de cette certitude, il peut tout aussi
bien vivre des moments de doutes. Il pourrait y avoir de l’ illusion,
de la tromperie, du semblant. Et pourtant il y a ces moments où tout ce
débat disparait , où il n’y plus de place pour une quelconque
tromperie, où l’objet n’est plus dans une évanescence mais dans une
présence pure , sans voile, et c’est l’effroi.
C’est l’ angoisse ; c’est le corps qui est assiégé, un corps qui se
défait de toute tranquillité fonctionnelle : suffocation , tachycardie,
constriction, etc.
C’est ce qui arrive à Norbert alors qu’il parcourt les ruines de Pompéi
en plein soleil, qu’il est en plein échauffement imaginatif : il
aperçoit la silhouette d’une jeune femme qu’il identifie immédiatement
par sa démarche, il s’agit bien de la Gradiva. L’objet qui occupa
jusqu’ici des fantaisies, ses rêves et ses fantasmes est bien là, tout
devant lui. Le corps qui le hantait fait irruption en tant que corps
vivant. C’est l’irruption du vivant dans ce champ de ruine.
Dans sa rencontre avec cette jeune femme, d’abord marqué par la
perplexité , par ses reconstructions délirantes , il va imaginer que
c’est un fantôme qui apparait à midi, c’est l’heure des esprits chez
les anciens, qu’il s’agit plus précisément de la Gradiva ressuscitée,
et qui pourtant ne parle ni grec ni latin. Mais enfin elle parle, elle
lui parle. Et il pense même reconnaitre cette voix.
Vous connaissez la suite de l’histoire , il se dévoile qu’il s’agit
d’une voisine de Norbert, qu’elle s’appelle Zoé, et qu’ils étaient très
proches dans leur enfance. La relation de tendresse et de chamaillerie
amoureuse a été oubliée par Norbert , ou plus précisément refoulée.
C’est par d’heureuses manœuvres que Zoé parvient à faire se lever ce
refoulement , en particulier en usant d’ équivoques polysémiques ,
voire d’interprétations fort pertinentes comme celle-ci : « Faut-il
d’abord mourir pour trouver la vie ? Il est vrai que cela convient bien
à un archéologue ! »
Cette belle fantaisie pompéienne qui se termine au mieux avec l’idée
d’un heureux mariage , le jeune Freud va y trouver bien des
illustrations de ses thèses sur le refoulement, sur la sexualité, sur
les rêves et même sur la technique analytique, Zoé pouvant être reconnu
comme ayant dirigé une cure analytique , conduisant Norbert à
reconnaitre enfin son désir pour un être de chair.
Mais avec Lacan, on pourrait remanier cette construction, déjà en ceci
que la subtile manœuvre de Zoé à consister à faire tourner la pulsion
autour de l’ objet dont elle a bien perçu qu’elle n’en était qu’un
erzatz. Et qu’elle accepte d’en être le semblant.
C’est ce qui va être théorisé par Lacan avec l’ objet a qui dans sa
structure n’est pas l’objet pulsionnel, mais l’objet autour duquel
tourne la pulsion. L’objet se constitue d’être manquant. L’angoisse
surgit quant ce manque risque d’être bouché, quand le manque vient à
manquer.
Voila comment j’ai pu parcourir cette matrice avec l’aide de Norbert et
de Gradiva.
5°) Quelques rappels sur le nouage borroméen
Je vais supposer que chacun en a une idée ; en a fait l’expérience,
s’est essayé à sa manipulation ; Il ne faut pas croire qu’une fois
qu’on a cela dans la main tout devient clair. C’est seulement un
support, un point d’appui pour penser cette opacité.
Il y en a d’autres. Freud avec sa formation de neurologue a été tenté
par une économie synaptique, par une énergétique , mais comme il a pu
faire l’expérience des effets de la parole, il lui a fallu faire
d’autres hypothèses et construire toute une formalisation d’un appareil
considéré comme celui du psychisme, - ce qui n’était pas sans reprendre
l’ancienne opposition dualiste entre l’ âme et le corps.
Lacan tout en reprenant les propositions de Freud, va aussi en remanier
bien des aspects et même les fondements. Mais il lui sera toujours gré
d’avoir ouvert le chemin , pris en compte l’importance de la parole,
posé l’ hypothèse de l’inconscient.
Il va suivre sa propre voie et en arriver à cette construction du nœud
borroméen. Ce n’est pas lui qui l’ inventé , mais il va s’en servir
pour concevoir une pensée non en terme dualiste, mais ternaire.
Le réel de la subjectivité humaine ne saurait tenir que dans un certain
type de rapport entre trois instances qu’il isole comme Réel,
Symbolique et Imaginaire.
Pour le suivre dans son élaboration, il nous faut donc admettre la
pertinence de cette proposition de ces instances et de leurs rapports
qui relèveraient donc d’un mode de nouage, d’un nouage borroméen , ce
qui peut se définir comme ceci : si on rompt une seule de ces
consistances, c’est tout le nœud qui se défait.
Dans une présentation élémentaire, qui a pu être dit du nœud borroméen
standard, en considérant le procès de sa fabrication, on place d’abord
le tore ou le rond de ficelle qui représente le symbolique. Ce qui peut
être une manière de prendre en compte, que pour le sujet humain, ce qui
est premier, c’est le symbolique, et même ce qui le précède. Le sujet
humain avant d’être un être de langage est un être dans le langage : il
est parlé, il est nommé, il est imaginé aussi, bref il est pris dans le
désir de l’ Autre.
Viendrait ensuite le tore du Réel , qu’il n’y a pas à confondre avec la
réalité dans son acceptation commune, ni même avec le réel que les
scientifiques ambitionnent de réduire par le savoir ; le Réel que la
psychanalyse isole par ce terme est ce qui échappe à toute
substantialité, mais qui se déduit tant de l’expérience analytique que
de la structure qu’on peut en déduire. Ce tore du Réel surmonte le
symbolique en deux points de croisement.
A ce niveau de la construction, rien n’empêche que le symbolique et le
réel glissent l’un sur l’ autre, voire qu’ils s’écartent l’un de l’
autre. [ ce qui peut faire penser à certains moments extrêmes de la
dissociation schizophrénique ]
Pour que cela ne se passe pas ainsi, il faut imaginer que les deux
ronds soient liés l’un à l’autre, par exemple que le Réel surmonte en
un seul point le symbolique et que par un autre point ce soit le
symbolique qui le surmonte, en d’autres termes que réel et symbolique
soient enlacés. Comme dans la certitude d’une passion amoureuse par
exemple.
Fig. n° 3 : le nœud du beau mariage
On pourrait dire que dans cette configuration, l’imaginaire ne serait
pas nécessaire au nouage. Il serait soit indépendant , [ la psychose
hallucinatoire chronique pourrait peut-être nous en donner une idée ]
soit lui-même enlacé aux deux précédant ce qui donnerait la
configuration d’un nœud olympique.[ la coupure d’un de ces ronds
n’affecterait pas l’ensemble. Cela m’évoque ce qui peut se passer dans
une secte par exemple, ou encore dans certains moments d’exaltations
sportives. ]
Fig n° 4 : le nouage olympique
Dans le nœud borroméen le rond de l’ imaginaire n’est ni indépendant,
ni enlacé, il surmonte le rond du dessus , celui du Réel, et passe en
dessous celui qui est au-dessous ce qui a pour effet de solidariser le
symbolique et le réel sur un mode autre que celui de l’ enlacement,
cela vient opérer un mode de coincement qui rend ces trois ronds
solidaires tout en permettant une certaine souplesse. Ils participent
chacun à une mesure commune tout en gardant chacun leurs propres
distinctions.
Fig. n°5 : le nœud borroméen standard
Ce nœud borroméen standard tout en gardant strictement sa définition
structurale est ouvert à de multiples présentations, dans cette
géométrie élastique, les ronds sont en effet des figures souples,
déformables, pliables, réductibles à un point et même à une droite
infinie.
Voici par exemple une autre présentation bien « acrobatique » du nœud
borroméen .
Fig. n° 6 : Représentation « acrobatique » du Nbo
Lacan va se servir de ces variations pour faire valoir certaines
propriétés propres à donner à certaines configurations subjectives
leurs raisons topologiques.
Ainsi par exemple , il va dans le séminaire RSI , (leçon du 17 décembre
1974) se proposer de donner à la consistance du Réel la présentation
d’une droite infinie , se basant sur la notion mathématique que dans ce
cas on peut considérer que les extrémités se rejoignent à l’infini.
Ce qui va lui permettre de suggérer une présentation du nouage tel que
le symbolique va surmonter l’imaginaire, alors que le réel sous le mode
d’une droite infinie, par un passage de celui qui dessous, et dessus
celui qui est dessus, va venir nouer les trois consistances.
Fig. n° 7 : Nbo où une des consistances est une droite infinie.
La vertu d’une présentation du nœud borroméen par une mise à plat
permet de distinguer une nouvelle triplicité qui apporte à la lecture
du nœud de nouveaux éléments, un nouveau lexique, de nouvelles
cordonnées essentiellement topologiques .
Aux nominations R, S, I , qui définissent ces trois éléments, vient
ainsi se préciser des rapports topologiques en termes de consistance ,
d’ek-sistence et de trou.
Ainsi nous venons de voir comment une droite infinie peut tout aussi
bien valoir comme consistance que les ronds. Il se révèle que le rond
vient cerner un trou, c’est ce qu’il y a de plus évident et que cela
est essentiel pour envisager ce nouage. Du coup avec cette droite
infinie comme soutenant une consistance , le trou se trouve du point de
vue topologique être dans tout l’espace qui l’entoure.
Pour fixer les choses il importe de retenir que la consistance , c’est
ce qui se soutient d’une forme , d’une définition , de l’évidence
imaginaire. D’une certaine manière, c’est ce qui tient et le corps en
est la meilleure illustration . Lacan nous invite « à tenir la corde »,
et d’en éprouver la solidité. On peut donc admettre que les trois
cordes du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire sont des consistances.
Que se passe t’il si une consistance se défait ? Cela va défaire le
nouage borroméen , et du coup révéler que l’existence ne tient que par
le nouage. Est-ce qu’on peut définir topologiquement les champs propres
à l’existence ? Lacan répond à cette question en disant que les champs
de l’existence sont à situer entre les consistances. C’est la mise à
plat de NBo qui nous permet de les lire.
On trouve plusieurs définitions de l’ existence (dans le séminaire
RSI), comme « ce qui est un dehors par rapport à la consistance sans
être un non-dedans ». Ça ne se définit pas par un non-dedans, ce n’est
pas une négation du dedans ; c’est du même ordre que de dire que
l’inconscient ne se définit pas par une négation au conscient. Ce qui
va le conduire vers cette notion d’ ek-sistence , étymologiquement : ce
qui siste hors . Cela implique une référence spatiale.
L’existence est donc ce qui se tient hors de la corde, hors de la
consistance, qui tourne autour . Quand on passe de la consistance en
termes de corde , de tore, de cercle à la droite infinie , on peut
facilement concevoir tout un espace de « balayage ». Or c’est dans
cette espace de « balayage » que Lacan va introduire l’inhibition, le
symptôme et l’ angoisse.
Et enfin le trou , condition nécessaire du nouage est ce qui vient pour
chaque consistance indiquer une incomplétude, un impossible . Le trou
relève donc du reél . Il ne peut se concevoir qu’à partir de ce qui
fait bord. Alors que l’ek-sistence ne se tient qu’a être situer dans
l’espace.
Le symbolique en tant que marqué par le refoulement originaire , c’est
ce qui vient le trouer. L’incomplétude du symbolique tiendrait à cette
éjection.
L’imaginaire est lui-même marqué par une lacune, par un manque dans
l’image, ce que le stade du miroir révèle tout spécialement. L’image de
l’infans au miroir, c’est une gestalt, ce n’est pas une totalité
imaginaire du fait même qu’elle implique un point de vue, un regard.
Et le réel , bien que cela soit plus délicat à concevoir est lui-même
troué, ou plus précisément c’est le signifiant qui vient indiquer que
le réel n’est pas tout. En lui-même le réel ne manque de rien , il n’y
a pas de manque réel dans le réel. En tant qu’il s’agit du réel dégagé
par la psychanalyse, son expérience démontre justement que le travail
symbolique d’une cure peut intervenir sur ce réel, en d’autres termes
que le symbolique vient faire trou dans le réel, mais que cela n’est
appréciable qu’à partir de son bord.
Il y aurait bien d’autres aspects à développer , nous allons en rester
là dans cette mise en place, ce qui va nous permettre d’y situer
l’inhibition, le symptôme et l’ angoisse.
6°) La reprise nodale de la trilogie
inhibition, symptôme et angoisse.
Dans le séminaire RSI, Lacan avnce dans sa construction du nouage
borroméen qui lui semble propre à présenter le type de rapport des
trois grandes catégories qui ont été développées tout au long de son
enseignement : Réel, Symbolique, Imaginaire. Dès la première leçon il
va procéder à des nominations et à des exercices de lecture à partir de
ce nœud.
.
Fig. n° 8 : le nœud borroméen avec les sous-ensembles flous
Je soulignerais donc cet acte d’écriture qui vient nommer ce que cette
mise à plat vient présenter. Chacun des ronds est affecté par une
lettre, R, S, I. Arrêtons-nous un instant sur ces différents niveaux de
lecture.
1°) Nous avons la présentation du nœud sous une forme standard qui est
une mise-à-plat où les points de croisement sont notés par cette
convention de trait continu ou discontinu pour indiquer le passage
dessus ou dessous. Chaque rond est nommé par une lettre majuscule:
R.S.I.
2°) Une projection stricte sur un plan qui vient alors délimiter des
intersections euleriennes, Lacan y situe des fonctions qu’il va nommer
: [Jouissance Autre, jouissance phallique, sens, objet a] et qu’il va
écrire en apposant des lettres et des formules.
3°) Une écriture qu’on pourrait qualifier d’ensembliste où chaque «
rond de ficelle », -c’est ainsi qu’il en parle parfois-, vient définir
une consistance, consistance qui vient cerner « un trou », soit ce
qu’on peut alors définir comme un sous-ensemble vide. A noter alors que
les intersections sont des intersections d’ensemble vide.
4°) Une notation de trois zones, dans le voisinage de ces consistances,
qui nous apparaissent comme une sorte d’extension de ces consistances.
Chacune prend appui sur une consistance et vient surmonter, intruser,
la consistance voisine sur une zone dont l’amplitude est vague.
A propos de cette forme, il y a un flottement dans leur saisie et on a
pu user de termes variés : corne, aileron,… ma petite fille m’a proposé
« aile de moulin à vent »… ce qui n’est pas mal vu, ça évoque bien
l’idée d’un tourbillon que Lacan utilise quelque part. Je me posais la
question de savoir si ces zones ne pouraient pas relever
mathématiquement de la notion de « sous-ensembles flous ».
De ces trois sous-ensembles flous Lacan nous suggère donc c’est d’y
situer la triade freudienne Inhibition symptôme, angoisse. Freud
s’etait retrouvé dans un embarras certain pour articuler ces trois
notions dans sa topique. Cet embarras, Lacan l’interprète en quelque
sorte d’une part comme un effet de cette topologie du sac qui vient
supporter un imaginaire de la contenance et ce que cela entraîne comme
entification, comme supposition d’entités substantielles, comme êtres
en quelque sorte. J’y ai ajouté la passion archéologique de Freud.
Alors oui, cette suggestion de Lacan de situer précisement inhibition,
symptôme et angoisse dans ces intersections, dans ces sous-ensembles
flous vient donner tout une souplesse, tout un jeu plastique qui pourra
se montrer propre à résonner pour certains avec notre clinique
analytique.
La proposition de Lacan n’est pas ici d’une nouvelle topique mais d’une
topologie. Remarquons que s’il reprend cette triade Inhibition,
symptôme, angoisse, c’est en les situant d’une manière précise dans le
nœud borroméen. Il a tranché avec la valse-hésitation de Freud et
assigne à chacun une place distinct dans le nouage.
Fig n° 9 : Nbo mis-à-plat avec les cornes I,S,A.
L’inhibition est placée dans ce sous-ensemble qui part de l’imaginaire
pour mordre sur le symbolique, et précisément nous indique Lacan « dans
le trou du symbolique » ; tout mouvement s’en trouve figé autant au
niveau spatial que symbolique. Du coup, s’institue une barrière. La
clinique de l’inhibition n’est pas sans évoquer un arrêt sur image, et
les enjeux de l’image spéculaire; ce trou du symbolique c’est le lieu
du refoulement originaire, et tout aussi bien ce qui supporte l’énigme
du désir de l’Autre. Mais comment comprendre alors l’inhibition chez
l’animal qui n’est pas affecté par le langage s’interroge t-il ?
C’est ainsi que je comprends l’interrogation de Lacan : l’inhibition
chez l’animal n’est pas une affaire de langage, c’est extérieur au
sens. Mais d’une certaine manière, à le suivre sur son schéma, il en
est de même chez l’humain, pour ce qu’il en est du rapport au sens,
c’est hors du sens.
Je propose l’hypothèse de lecture suivante : n’est ce pas une manière
pour Lacan de reprendre une proposition du début de son enseignement
sur la gestalt et les travaux du neurologue K. Goldstein ? On se
souvient de son intérêt exotique pour la psychologie animale : la
pigeonne, le papillon, le criquet pellerin, etc.
Ce qui commande ici le processus est une image ; alors dans quelle
mesure pour l’inhibition humaine, n’ y aurait-il pas cette commande de
l’image, image réelle plus précisément, dont il n’y a rien à dire, qui
est hors langage, mais qui est cependant le produit d’un nouage
primordial, ce qui fait tenir cette image primordiale renvoyant à ce
trou originaire dans le symbolique, et comme ce qui peut de ce trou
s’en recracher comme nom-du-père ?
Nous avons dans la fiction de Jensen, cette indication que Norbert est
dans l’injonction d’une mission, soit de se tenir comme une image du
père et d’en rehausser le lustre.
Quant à l’angoisse, elle part du réel, elle se développe à partir de ce
bord du réel pour recouvrir l’imaginaire pour une part. On se souvient
de son séminaire et des développements lumineux qu’il a pu en faire. Ce
qu’il souligne ici est dans la poursuite de la spéculation freudienne :
l’ angoisse est angoisse de castration et comme telle, c’est ce qui
vient donner son sens à la jouissance phallique, situable sur son
schéma à l’intersection du réel et du symbolique.
C’est une jouissance qui convoque le sujet humain au risque d’une
perte. L’angoisse est le signal de ce danger et en même temps est la
condition de cette jouissance. Encore que l’affaire ne se présente pas
de la même manière côté homme et côté femme. Pour notre héros, dans la
mise en jeu d’un idéal du moi, la jouissance phallique rencontre la
castration ce qu’il avait pu éviter jusqu’ici , entre autre par un
recours à une jouissance fétichiste.
Le symptôme est situé dans le réel, prenant appui sur le bord du
symbolique. Le symptôme est le signe que quelque chose ne va pas dans
le réel.
C’est une formulation qui semble se dégager de la tradition freudienne
qui maintiendra jusqu’à la fin que le symptôme a un sens, même s’il
peut rester un ombilic, un point qui échappe dans cette saisie par le
sens. Est-ce dire que Lacan donne toute l’importance à cette lacune
dans le sens, à ce non-sens ? Cette opposition sens / non-sens nous
enferme il me semble dans un dualisme un peu court. Là encore il faut
changer de point de vue.
La notion de symptôme nous la devons à Marx, donc avant Freud, et il
est manifeste que Lacan trouve dans Marx un point d’appui pour
réévaluer la conception freudienne du symptôme comme formation
psychique résultant d’un conflit de tendances.
Qu’en dire en quelques mots ? Marx dans sa « Critique de la philosophie
du droit de Hegel », s’oppose à l’idée qu’à chaque moment dialectique
le négatif est réinclut dans une Aufhebung du savoir. C’est une manière
de dire que le savoir n’inclut jamais définitivement la vérité. On voit
que c’est assez proche d’une des définitions que Lacan a pu donner du
symptôme « comme retour de la vérité dans la faille du savoir ».
Pour autant, si la psychanalyse, cette expérience de la parole, est en
mesure « d’opérer sur le symptôme », c’est bien que le symbolique y est
concerné : « le symptôme est l’effet du symbolique dans le réel ». La
causalité psychique est supportée par les lois du langage et c’est
ainsi que le symbolique vient affecter le Réel.
Encore faut-il compléter le rond du symbolique par cette zone au
contour vague, cette sorte de nuage et qui lui est extérieur, qui lui
ek-siste, tout comme le symptôme : c’est l’inconscient. Et
l’inconscient avance t-il ici, c’est ce qui va répondre du symptôme ;
je dirai : c’est ce qui va par l’étoffe de la lalangue donner au réel
du symptôme du répondant.
Les diverses surfaces et les inscriptions qu’elles supportent vont donc
permettre une lecture croisée.
Fig. n° 10 : Le nouage boroméen de inhibition, symptome et angoisse
Le symptôme, c’est réel, mais c’est ce qui répond du symbolique.
L’inhibition, opère dans l’espace et le symbolique, mais trouve sa
raison dans l’imaginaire. L’angoisse, envahit le champ de l’imaginaire,
mais ek-siste au Réel comme ce qui ne trompe pas.
Pour terminer à propos de la trilogie freudienne, Inhibition, Symptôme
et Angoisse, disons que la proposition de Lacan vient en faire ce qui
nous fait signe des champs de l’ek-sistence en regard des trois
consistances de l’imaginaire, du Réel, et du Symbolique.
Chacun de ces champs vient cependant déborder sur une autre consistance
que celle dont elle ek-siste tout d’abord. Nous en arrivons donc à
cette conclusion que l’inhibition, le symptôme et l’ angoisse sont eux
mêmes articulables dans une fonction de nouage de type borroméen.
Loin d’être des artéfacts de la structure subjective, ces trois champs
viennent participer d’une consistance subjective, sans doute la plus
réelle et la plus stable avec le symptôme, la plus limitative et la
plus imaginaire avec l’inhibition et la plus insupportable avec
l’angoisse.